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mit les deux crimes abominables de déflorer une fille de huit ans, et de l'étrangler ensuite, méritait d'être un des favoris de Tibère.

Heureusement Tacite ne dit point que cette execrable exécution soit vraie; il dit qu'on l'a rapportée, tradunt; et ce qu'il faut bien observer, c'est qu'il ne dit point que la loi défendît d'infliger le dernier supplice à une vierge; il dit seulement que la chose était inouïe, inauditum. Quel livre immense on composerait de tous les faits qu'on a crus, et dont il fallait douter !

DÉJECTION.

Excréments; leur rapport avec le corps de l'homme, avec ses idées et ses passions.

que

L'HOMME n'a jamais pu produire par l'art rien de ce fait la nature. Il a cru faire de l'or, et n'a jamais pu seulement faire de la boue, quoiqu'il en soit pétri. On nous a fait voir un canard artificiel qui marchait, qui béquetait, mais on n'a pu réussir à le faire digérer, et à former de vraies déjections.

Quel art pourrait produire une matière qui, ayant été préparée par les glandes salivaires, ensuite par le suc gastrique, puis par la bile hépatique, et par le suc pancréatique, ayant fourni dans sa route un chyle qui s'est changé en sang, devient enfin ce composé fétide, et putride, qui sort de l'intestin rectum par la force étonnante des muscles?

Il y a sans doute autant d'industrie et de puissance à former ainsi cette déjection qui rebute la vue, et à lui préparer les conduits qui servent à sa sortie, qu'à produire la semence qui fit naître Alexandre, Virgile et Newton, et les yeux avec lesquels Galilée vit de nouveaux cieux. La décharge de ces excréments est nécessaire à la vie comme la nourriture.

Le même artifice les prépare, les pousse et les évacue chez l'homme et chez les animaux.

Ne nous étonnons pas que l'homme, avec tout son orgueil, naisse entre la matière fécale et l'urine, puisque ces parties de lui-même plus ou moins élaborées, plus souvent ou plus rarement expulsées, plus ou moins putrides, décident de son caractère et de la plupart des actions de sa vie.

Sa merde commence à se former dans le duodénum, quand ses aliments sortent de son cstomac et s'imprègnent de la bile de son foie. Qu'il ait une diarrhée, il est languissant et doux, la force lui manque pour être michant. Qu'il soit constipé, alors les sels et les soufres de sa merde entrent dans son chyle, portent l'acrimonie dans son sang, fournissent souvent à son cerveau des idées atroces. Tel homme ( et le nombre en est grand) n'a commis des crimes qu'à cause de l'acrimonie de son sang, qui ne venait que de ses excréments par lesquels ce sang était altéré.

O homme ! qui oses te dire l'image de Dieu, dis-moi si Dieu mange, et s'il a un boyau rectum ?

Toi l'image de Dieu! ton cœur et ton esprit dépendent d'une selle!

Toi l'image de Dieu sur ta chaise percée ! Le premier qui dit cette impertinence, la proférait-il par une extrême bêtise, ou par un extrême orgueil ?

Plus d'un penseur (comme vous le verrez ailleurs ) a douté qu'une âme immatérielle et immortelle pût venir de je ne sais où, se loger pour si peu de temps entre de la matière fécale et de l'urine.

Qu'avons-nous, disent-ils, au-dessus des animaux? plus d'idées, plus de mémoire, la parole et deux mains adroites. Qui nous les a données ? celui qui donne des ailes aux oiseaux et des écailles aux poissons. Si nous sommes ses créatures, comment pouvons-nous être son image?

Nous répondons à ces philosophes que nous ne sommes l'image de Dieu que par la pensée. Ils nous répli

quent que la pensée est un don de Dieu, qui n'est point du tout sa peinture; et que nous ne sommes images de Dieu en aucune façon. Nous les laissons dire, et nous les renvoyons à messieurs de Sorbonne.

Plusieurs animaux mangent nos excréments; et nous mangeons ceux de plusieurs animaux, ceux des grives, des bécasses, des ortolans, des alouettes.

Voyez à l'article Ézéchiel pourquoi le Seigneur lui ordonna de manger de la merde sur son pain, et se borna ensuite à la fiente de vache.

Nous avons connu le trésorier Paparel qui mangeait les déjections des laitières; mais ce cas est rare, et c'est celui de ne pas disputer des goûts.

DÉLITS LOCAUX.

PARCOUREZ toute la terre, vous trouverez que le vol, le meurtre, l'adultère, la calomnie, sont regardés comme des délits que la société condamne et réprime; mais ce qui est approuvé en Angleterre, et condamné en Italie, doit-il être puni en Italie comme un de ces attentats contre l'humanité entière ? c'est là ce que j'appelle délit local. Ce qui n'est criminel que dans l'enceinte de quelques montagnes, ou entre deux rivières, n'exige-til pas des juges plus d'indulgence que ces attentats qui sont en horreur à toutes les contrées ? Le juge ne doit-il pas se dire à lui-même je n'oserais punir à Raguse ce que je punis à Lorette? Cette réflexion ne doit-elle pas adoucir dans son coeur cette dureté qu'il n'est que trop aisé de contracter dans le long exercice de son emploi ? On connaît les karmesses de la Flandre; elles étaient portées dans le siècle passé jusqu'à une indécence qui pouvait révolter des yeux inaccoutumés à ces spectacles.

Voici comme l'on célébrait la fête de Noël dans quelques villes. D'abord paraissait un jeune homme à moitié nu, avec des ailes au dos, il récitait l'Ave Maria à une jeune fille qui lui répondait fiat, et l'ange la baisait sur

la bouche: ensuite, un enfant enfermé dans un grand coq de carton criait en imitant le chant du coq :Puer natus est nobis. Un gros boeuf en mugissant disait ubi, qu'il prononçait oubi; une brebis bêlait en criant Bethleem. Un âne criait hihanus, pour signifier eamus : une longue procession, précédée de quatre fous avec des grelots et des marottes, fermait la marche. Il reste encore aujourd'hui des traces de ces dévotions populaires, que chez des peuples plus instruits on prendrait pour profanations. Un suisse de mauvaise humeur, et peut-être plus ivre que ceux qui jouaient le rôle du bœuf et de l'âne, se prit de parole avec eux dans Louvain; il y eut des coups de donnés; on voulut faire pendre le Suisse qui échappa à peine.

Le meme homme eut une violente querelle à La Haye en Hollande, pour avoir pris hautement le parti de Bar. nevelt contre un gomariste outré. Il fut mis en prison à Amsterdam, pour avoir dit que les prêtres sont le fléau de l'humanité et la source de tous nos malheurs. Eh quoi! disait-il, si l'on croit que les bonnes ceuvres peuvent servir au salut, on est au cachot; sil'on se moque d'un coq et d'un âne, on risque la corde. Cette aventure, toute burlesque qu'elle est, fait assez voir qu'on peut être répréhensible sur un ou deux points de notre hémisphère, être absolument innocent dans le reste du monde.

DÉLUGE UNIVERSEL.

Nous commençons par déclarer que nous croyons le déluge universel, parce qu'il est rapporté dans les saintes écritures hébraïques transmises aux chrétiens.

Nous le regardons comme un miracle. 1o. Parce que tous les faits où Dieu daigne intervenir dans les sacrés cahiers, sont autant de miracles.

2o. Parce que l'Océan n'aurait pu s'élever de quinze coudées, ou vingt et un pieds et demi de roi au-dessus des plus hautes montagues, sans laisser son lit à sec, et

sans violer en même temps toutes les lois de la pesanteur et de l'équilibre des liqueurs; ce qui exigeait évidemment un miracle.

les

3o. Parce que, quand même il aurait pu parvenir à la hauteur proposée, l'arche n'aurait pu contenir, selon les lois de la physique, toutes les bêtes de l'univers et leur nourriture pendant si long-temps, attendu que lions, les tigres, les panthères, les léopards, les onces, les rhinocéros, les ours, les loups, les hiènes, les aigles, les éperviers, les milans, les vautours, les faucons et tous les animaux carnassiers, qui ne se nourrissent que de chair, seraient morts de faim, même après avoir mangé toutes les autres espèces.

On imprima autrefois, à la suite des Pensées de Pascal, une dissertation d'un marchand de Rouen nommé Le Pelletier, dans laquelle il propose la manière de bâtir un vaisseau où l'on puisse faire entrer tous les animaux et les nourrir pendant un an. On voit bien que ce marchand n'avait jamais gouverné de basse-cour. Nous sommes obligés d'envisager M. Le Pelletier, architecte de l'arche, comme un visionnaire qui ne se connaissait pas en ménageric, et le déluge, comme un miracle adorable, terrible et incompréhensible à la faible raison du sieur Le Pelletier, tout comme à la nôtre.

4°. Parce que l'impossibilité physique d'un déluge universel, par des voies naturelles, est démontrée en rigueur; en voici la démonstration:

Toutes les mers couvrent la moitié du globe; en prenant une mesure commune de leur profondeur vers les rivages et en haute mer, on compte cinq cents pieds.

Pour qu'elles couvrissent les deux hémisphères seulement de cinq cents pieds, il faudrait non-seulement un océan de cinq cents pieds de profondeur sur toute la terre habitable; mais il faudrait encore une nouvelle mer pour envelopper notre océan actuel; sans quoi les lois de la pesanteur et des fluides feraient écouler ce nouvel amas

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