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eien la circoncision ne fût établie. De plus, la circoncision d'Abrahami n'eut point de suife; sa postérité ne fut eirconcise que du temps de Josué.

Or, avant Josué, les Israélites, de leur aveu même, prirent beaucoup de coutumes dés Égyptiens; ils les imitèrent dans plusieurs sacrifices, dans plusieurs céré monies, comme dans les jeûnes qu'on observait les veilles des fêtes d'Isis, dans les ablutions, dans la coutume de raser la tête des prêtres; l'encens, le candelabre, le sacrifice de la vache rousse ; la purification avec l'hysope, l'abstinence du cochon, l'horreur des ustensiles de cuisine des étrangers, tout atteste que le petit peuple hébreu, malgré son aversion pour la grande nation égyptienne, avait retenu une infinité d'usages de ses anciens maîtres. Ce bouc Hazazel qu'on envoyait dans le désert, chargé des péchés du peuple, était une imitation visible d'une pratique égyptienne; les rabbins conviennent même que le mot d'Hazazel n'est point hébreu. Rien n'empêche donc que les Hébreux n'aient inité les Egyptiens dans la circoncision, comme fesaient les Arabes leurs voisins.

Il n'est point extraordinaire que Dieu qui a sanctifié le baptême si ancien chez les Asiatiques, ait sanctifié aussi la circoncision non moins ancienne chez les Africains. On a déjà remarqué qu'il est le maître d'attacher ses grâces aux signes qu'il daigne choisir.

Au reste, depuis que, sous Josué; le peuple juif; eut été circoncis, il a conservé cet usage jusqu'à nos jours; les Arabes y ont aussi toujours été fidèles; mais les Egyptiens, qui dans les premiers temps circoncisaient les garcons et les filles, cessèrent avec le temps de faire aux file les cette opération, et enfin la restreignirent aux prêtres, aux astrologues et aux prophètes. C'est ce que Clément d'Alexandrie et Origène nous apprennent. En effet, on ne voit point que les Ptolomées aient jamais reçu la circoncision.

Les auteurs latins, qui traitent les Juifs avec un s

profond mépris qu'ils les appelleut curtus Apella, par dérision, credat judæus Apella,curti Judæi, ne donnent point de ces épithètes aux Égyptiens. Tout le peuple d'Égypte est aujourd'hui circoncis; mais par une autre raison, parce que le mahométisme adopta l'ancienne circoncision de l'Arabie.

C'est cette circoncision arabe qui a passé chez les Éthiopiens, où l'on circoncit encore les garçons et les fil

les.

Il faut avouer que cette cérémonie de la circoncision paraît d'abord bien étrange; mais on doit remarquer que de tout temps les prêtres de l'orient se consacraient à leurs divinités par des marques particulières. On gravait avec un poinçon une feuille de lierre sur les prêtres de Bacchus. Lucien nous dit que les dévots à la déesse Isis s'imprimaient des caractères sur le poignet et sur le cou. Les prêtres de Cybèle se rendaient eunuques.

Il y a grande apparence que les Égyptiens, qui révéraient l'instrument de la génération, et qui en portaient l'image en pompe dans leurs processions, imaginèrent d'offrir à Isis et Osiris, par qui tout s'engendrait sur la terre, une partie légère du membre par qui ces dieux avaient voulu que le genre humain se perpétuât. Les anciennes mœurs orientales sont si prodigieusement différentes des nôtres, que rien ne doit paraître extraordi naire à quiconque a un peu de lecture. Un Parisien est tout surpris quand on lui dit que les Hottentots fout couper à leurs enfants mâles un testicule. Les Hottentots sont peut-être surpris que les Parisiens en gardent deux.

CIRUS.

PLUSIEURS doctes, et Rollin après eux: dans un siècle où l'on cultive sa raison, nous ont assuré que Javan, qu'on suppose être le père des Grecs, était petit-fils de Noé. Jele crois, comme je crois, que Persée était le

fondateur du royaume de Perse, et Niger de la Nigritie. C'est seulement un de mes chagrins que les Grecs n'aient jamais connu ce Noé le véritable auteur de leur race. J'ai marqué ailleurs mon étonnement et ma douleur qu'Adam, notre père à tous, ait été absolument ignoré de tous, depuis le Japon jusqu'au détroit de Lemaire, excepté d'un petit peuple, qui n'a lui-même été connu que très tard. La science des généalogies est sans doute très certaine, mais bien difficile.

Ce n'est ni sur Javan, ni sur Noé, ni sur Adam, que tombent aujourd'hui mes doutes; c'est sur Cirus; et jo ne cherche pas laquelle des fables débitées sur Cirus est préférable, celle d'Hérodote ou de Ctésias, ou celle de Xénophon, ou de Diodore, ou de Justin, qui toutes se contredisent. Je ne demande point pourquoi on s'est obstiné à donner ce nom de Cirus à un barbare qui s'appelait Kosrou, et ceux de Ciropolis, de Persépolis, à des villes qui ne se nommèrent jamais ainsi.

Je laissé là tout ce qu'on a dit du grand Cirus, et jusqu'au roman de ce nom, et jusqu'aux voyages que l'Écossais Ramsay lui a fait entreprendre. Je demande seulement quelques instructions aux Juifs sur ce Cirus dont ils ont parlé.

Je remarque d'abord qu'aucun historien n'a dit un mot des Juifs dans l'histoire de Cirus, et que les Juifs sont les seuls qui osent faire mention d'eux-mêmes, en parlant de ce prince.

Ils ressemblent en quelque sorte à certaines gens qui disaient d'un ordre de citoyens supérieur à eux : « Nous >> connaissons messieurs, mais messieurs ne nous con» naissent pas. » Il en est de même d'Alexandre par rapport aux Juifs. Aucun historien d'Alexandre n'a mêlé le nom d'Alexandre avec celui des Juifs; mais Josephe ne manque pas de dire qu'Alexandre vint rendre ses respects à Jérusalem; qu'il adora je ne sais quel pontife juis nommé Jaddus, lequel lui avait autrefois prédit en songe

la conquête de la Perse. Tous les petits se rengorgent; les grands songent moins à leur grandeur.

Quand Tarif vient conquérir l'Espagne, les vaincus lui disent qu'ils l'ont prédit. On en dit autant a Gengis, à Tamerlan, à Mahomet II.

A Dieu ne plaise que je veuille comparer les prophéties juives à tous les diseurs de bonne aventure qui font leur cour aux victorieux, et qui leur prédisent ce qui leur est arrivé! Je remarque seulement que les Juifs produisent des témoignages de leur nation sur Cirus, environ cent soixante ans avant qu'il fût au monde.

On trouve dans Isaïe ( Chap. XLV): « Voici ce que dit » le Seigneur à Cirus qui est mon christ, que j'ai pris >> par la main pour lui assujettir les nations, pour mettre >> en fuite les rois; pour ouvrir devant lui les portes: Je » marcherai devant vous ; j'humilierai les grands; je rom» prai les coffres ; je vous donnerai l'argent caché, afin » que vous sachiez que je suis le Seigneur, etc. »

Quelques savants ont peine à digérer que le Seigneur ratifie du nom de son christ un profane de la religion de Zoroastre. Ils osent dire que les Juifs firent comme tous les faibles qui flattent les puissants, qu'ils supposèrent des prédictions en faveur de Cirus.

Ces savants ne respectent pas plus Daniel qu'Isaïe. Ils traitent toutes les prophéties attribuées à Daniel avec le même mépris que saint Jérôme montre pour l'aventure de Suzanne, pour celle du dragon de Bélus, et pour les trois enfants de la fournaise.

Ces savants ne paraissent pas assez pénétrés d'estime pour les prophètes. Plusieurs même d'entre eux prétendent qu'il est métaphysiquement impossible de voir clai. rement l'avenir; qu'il y a une contradiction formelle à voir ce qui n'est point; que le futur n'existe pas, et par conséquent ne peut être vu; que les fraudes en ce genre sont innombrables chez toutes les nations; qu'il faut enfin se défier de tout dans l'histoire ancienne.

Ils ajoutent que s'il y a jamais eu une prédiction formelle, c'est celle de la découverte de l'Amérique dans Séneque le tragique :

. Venient annis

Secula seris quibus Oceanus
Vincula rerum laxet, et ingens
Pateat tellus, etc.

Les quatre étoiles du pôle antarctique sont annoncées encore plus clairement dans le Dante. Cependant personne ne s'est avisé de prendre Sénèque et Alighieri Dante pour des devins.

Nous sommes bien loin d'être du sentiment de ces savants, nous nous bornons à être extrêmement circonspects sur les prophètes de nos jours.

Quant à l'histoire de Cirus, il est vraiment fort difficile de savoir s'il mourut de sa belle mort, ou si Thomyris lui fit couper la tête. Mais je souhaite, je l'avoue, que les savants qui font couper le cou à Cirus, aient raison. Il n'est pas mal que ces illustres voleurs de grand chemin, qui vont pillant et ensanglantant la terre, soient un peu châtiés quelquefois.

Cirus a toujours été destiné à devenir le sujet d'un roman. Xénophon a commencé, et malheureusement Ramsay a fini. Enfin, pour faire voir quel triste sort attend les héros, Danchet a fait une tragédie de Cirus.

Cette tragédie est entièrement ignorée. La Cyropédie de Xénophon est plus connue, parce qu'elle est d'un grec. Les Voyages de Cirus le sont beaucoup moins, quoiqu'ils aient été imprimés en anglais et en français, et qu'on y ait prodigué l'érudition.

Le plaisant du roman intitulé Voyages de Cirus, consiste à trouver un messie partout, à Memphis, à Babylone, à Ecbatane, à Tyr, comme à Jérusalem, et chez Platon, comme dans l'Evangile. L'auteur ayant été quaker, anabaptiste, anglican, presbytérien, était venu se

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