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bien mal employés. Ceux qui travaillèrent aux canauxde l'Égypte, à la grande muraille, aux canaux et aux chemins de la Chine; ceux qui construisirent les voies de l'empire romain, furent plus avantageusement occupés que les trois cent mille misérables qui bâtirent destombeaux en pointe, pour faire reposer le cadavre d'un saperstitieux Egyptien.

On connaît assez les prodigieux ouvrages des Romains, les lacs creusés ou détournés, les collines apla_ nies, la montagne percée par Vespasien dans la voie Flaminienne l'espace de mille pieds de longueur, et dont l'inscription subsiste encore. Le Pausilippe n'en approche pas.

It s'en faut beaucoup que les fondations de la plupart de nos maisons soient aussi solides que l'étaient les grands chemins dans le voisinage de Rome; et ces voies publiques s'étendirent dans tout l'empire, mais non pas avec la même solidité. Ni l'argent ni les hommes n'au-raient suffire.

pu y

Presque toutes les chaussées d'Italie étaient relevées sur quatre pieds de fondation. Lorsqu'on trouvait un marais sur le chemin, on le comblait. Si on rencontrait un endroit montagneux, on le joignait au chemin par une pente douce. On soutenait en plusieurs lieux ces chemins par des murailles.

Sur les quatre pieds de maçonnerie étaient posées de larges pierres de taille, des marbres épais de près d'un pied, et souvent larges de dix ; ils étaient piqués au ciseau, afin que les chevaux ne glissassent pas. On ne savait ee qu'on devait admirer davantage ou l'utilité ou la maguificence.

Presque toutes ces étonnantes constructions se firent aux dépens du trésor public. César répara et prolongea la voie Appienne de son propre argent; mais son argent n'était que celui de la république.

Quels hommes employait-on à ces travaux? les escla

ves, les peuples domptés, les provinciaux qui n'étaient point citoyens romains. On travaillait par corvées, comme on fait en France et ailleurs; mais on leur donnait unc petite rétribution.

Auguste fut le premier qui joignit les légions au peuple pour travailler aux grands chemins dans les Gaules, en Espagne, en Asie. Il perça les Alpes à la vallée qui porta son nom, et que les Piémontais et les Français appellent par corruption la vallée d'Aoste. Il fallut d'abord soumettre tous les sauvages qui habitaient ces cantons. On voit encore, entre le grand et le petit Saint-Bernard, l'arc de triomphe que le sénat lui érigea après cette expédition. Il perça encore les Alpes par un autre côté qui conduit à Lyon, et de là dans toute la Gaule. Les vaincus n'ont jamais fait pour eux-mêmes ce que firent les vainqueurs.

La chute de l'empire romain fut celle de tous les ouvrages publics, comme de toute police, de tout art, de toute industrie.Les grands chemins disparurent dans les Gaules, excepté quelques chaussées que la malheureuse reine Brunehaut fit réparer pour un peu de temps. A peine pouvait-on aller à cheval sur les anciennes voies, qui n'étaient plus que des abîmes de bourbe entremêlée de pierres. Il fallait passer par les champs labourables; les charrettes fesaient à peine en un mois le chemin qu'elles font aujourd'hui dans une semaine. Le peu de commerce qui subsista fut borné à quelques draps, quelques toiles, un peu de mauvaise quincaillerie qu'on portait à dos de mulet dans des prisons à crénaux et à mâchicoulis, qu'on appelait chateaux, situées dars des marais ou sur la cime des montagnes couvertes de neige.

Pour peu qu'on voyageât pendant les mauvaises saisons, si longues et si rebutantes dans les climats septentrionaux, il fallait ou enfoncer dans la fange ou gravir sur des rocs. Telles furent l'Allemagne et la France entière jusqu'au milieu du dix-septième siècle. Tout le

monde était en bottes: ou allait dans les rues sur des échasses dans plusieurs villes d'Allemagne.

Enfin, sous Louis XIV, on commença les grands chemins que les natious ont imités. On en a fixé la largeur à soixante pieds en 1720. Ils sont bordés d'arbres en plusieurs endroits jusqu'à trente lieues de la capitale; cet aspect forme un coup d'oeil admirable. Les voies militaires romaines n'étaient larges que de seize pieds, mais elles étaient infiniment plus solides. On n'était pas obligé de les réparer tous les ans comme les nôtres. Elles étaient embellies de monuments, de colonnes milliaires, et même de tombeaux superbes ; car ni en Grèce ni en Italie il n'était permis de faire servir les villes de sépulture, encore moins les temples: c'eût été un sacrilége. Il n'en était pas comme dans nos églises, où une vanité de barbares fait ensevelir à prix d'argent des bourgeois riches qui infectent le lieu même où l'on vient adorer Dieu, et où l'encens ne semble brûler que pour déguiser les odeurs des cadavres; tandis que les pauvres pourrissent dans le cimetière attenant, et que les uns et les autres répandeut les maladies contagieuses parmi les vivants.

Les empereurs furent presque les seuls dont les cendres reposèrent dans des monuments érigés à Rome.

Les grands chemins de soixante pieds de large occu pent trop de terrain. C'est environ quarante pieds de trop. La France a près de deux cents lieues ou environ de l'embouchure du Rhône au fond de la Bretagne, autant de Perpignan à Dunkerque. En comptant la lieue à deux mille cinq cents toises, cela fait cent vingt millions de pieds carrés, pour deux seuls grands chemins, perdus pour l'agriculture. Cette perte est très considé. rable dans un pays où les récoltes ne sont pas toujours abondantes.

On essaya de paver le grand chemin d'Orléans, qui n'était pas de cette largeur; mais on s'aperçut depuis querien n'était plus mal imaginé pour une route couverte

continuellement de gros charrois. De ces pavés posés tot simplement sur la terre, les uns se baissent, les autres s'élèvent, le chemin devient raboteux, et bientôt impra ticable; il a fallu y renoncer.

Les chemins recouverts de gravier et de sable exigent un nouveau travail toutes les années. Ce travail nuit à la culture des terres, et ruine l'agriculteur.

M. Turgot, fils du prévôt des marchands, dont le nom est en bénédiction à Paris, et l'un des plus éclairés magistrats du royaume, et des plus zélés pour le bien public, et le bienfesant M. de Fontète, ont remédié autant qu'ils ont pu à ce fatal inconvénient dans les provinces du Limousin et de la Normandie (1).

On a prétendu qu'on devait, à l'exemple d'Auguste et de Trajan, employer les troupes à la confection des chemins; mais alors il faudrait augmenter la paye du soldat; et un royaume qui n'était qu'une province de l'empire romain, et qui est souvent obéré, peut rarement entreprendre ce que l'empire romain fesait sans peine.

C'est une coutume assez sage dans les Pays-Bas d'exiger de toutes les voitures un péage modique pour l'entre

(1) M. Turgot, étant contrôleur général, obtint de la jus tice et de la bonté du roi un édit qui abolissait la corvée, et la remplaçait par un impôt général sur les terres. Mais ou l'obligea d'exempter les biens du clergé de cet impot, et d'en établir une partie sur les tailles. Malgré cela c'était encore un des plus grands biens qu'on pût faire à la nation. Cet édit enregistré au lit de justice n'a subsisté que trois mois. Mais huit ou neuf généralités ont suivi l'exemple de celle de Limoges. On doit aussi à M. Turgot d'avoir restreint la largeur des routes dans les limites convenables. Les chemins qu'il a fait exécuter en Limousin sont des chefs-d'œuvres de construction, et sont formés sur les mêmes principes que les voies romaines dont on retrouve encore quelques restes dans les Giules; Tandis que les chemins faits par corvées, et nécessairement alors très mal construits, exigent d'éternelles réparations, qui sont une nouvelle charge pour le peuple. (Edit. de Kehl.)

DICTIONN. PHILOSOPH. TOME II.

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tien des voies publiques. Ce fardeau n'est point pesant. Le paysan est à l'abri des vexations. Les chemins y sont une promenade continue très agréable.

Les canaux sont beaucoup plus utiles. Les Chinois surpassent tous les peuples par ces monuments qui exigent un entretien continuel. Louis XIV, Colbert et Riquet se sont immortalisés par le canal qui joint les deux mers; on ne les a pas encore imités. Il n'est pas difficile de traverser une grande partie de la France par des canaux. Rien n'est plus aisé en Allemagne que de joindre le Rhin au Danube; mais on a mieux aimé s'égorger et se ruiner pour la possession de quelques villages que de contribuer au bonheur du monde.

CHIEN.

IL semble que la nature ait donné le chien à l'homme pour sa défense et pour son plaisir. C'est de tous les ani. maux le plus fidèle: c'est le meilleur ami que puisse avoir l'homme.

Il paraît qu'il y en a plusieurs espèces absolument différentes. Comment imaginer qu'un lévrier vienne originairement d'un barbet? il n'en a ni le poil, ni les jambes, ni le corsage, ni la tête, ni les oreilles, ni la voix, ni l'odorat, ni l'instinct. Un homme qui n'aurait vu, en fait de chien, que des barbets ou des épagneuls, et qui verrait un lévrier pour la première fois, le prendrait plutôt pour un petit cheval nain que pour un animal de la race épagneule. Il est bien vraisemblable que chaque race fut toujours ce qu'elle est, sauf le mélange de quelques-unes en petit nombre.

Il est étonnant que le chien ait été déclaré immonde dans la loi juive, comme l'ixion, le griffon, le lièvre, le porc, Panguille; il faut qu'il y ait quelque raison physique ou morale que nous n'ayons pu encore découvrir.

Ce qu'on raconte de la sagacité, de l'obéissance, de l'amitié, du courage des chiens est prodigieux, et est

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