Page images
PDF
EPUB

je ne vois pas que cela ait influé beaucoup sur les affaires présentes.

Il faut songer que tout n'est pas plein dans la nature, comme Newton l'a démontré, et que tout mouvement ne se communique pas de proche en proche, jusqu'à faire le tour du monde, comme il l'a démontré encore. Jetez dans l'eau un corps de pareille densité, vous calculez aisément qu'au bout de quelque temps le mouvement de ce corps et celui qu'il a communiqué à l'eau, sont anéantis; le mouvement se perd et se répare; donc le mouvement que put produire Magog en crachant dans un puits, ne peut avoir influé sur ce qui se passe aujourd'hui en Moldavie et en Valachie; donc les évènements présents ne sont pas les enfants de tous les évènements passés: ils ont leurs lignes directes; mais mille petites lignes collatérales ne leur servent à rien. Encore une fois, tout être a son père, mais tout être n'a pas des enfants (1). CHANGEMENTS ARRIVÉS DANS LE GLOBE.

QUAND on a vu de ses yeux une montagne s'avancer dans une plaine, c'est-à-dire, un immense rocher de cette montagne se détacher et couvrir des champs, un château tout entier enfoncé dans la terre, un fleuve englouti qui sort ensuite de son abîme, des marques indubitables qu'un vaste amas d'eaux inondait autrefois un pays habité aujourd'hui, et cent vestiges d'autres révolutions, on est alors plus disposé à croire les grands changements qui ont altéré la face du monde, que ne l'est une dame de Paris, qui sait seulement que la place où est bâtie sa maison était autrefois un champ labourable. Mais une dame de Naples, qui a vu sous terre les ruincs d'Herculanum, est encore moins asservie au préjugé qui nous fait croire que tout a toujours cté comme il est. aujourd'hui.

(1) Voyez Destia

Y a-t-il eu un grand embrasement du temps d'ur Phaeton? Rien n'est plus vraisemblable; mais ce ne fut i l'ambition de Phaeton, ni la colère de Jupiter foudroyant, qui causèrent cette catastrophe; de même qu'en 1755 ce ne furent point les feux allumés si souvent dans Lisbonne par l'inquisition qui ont attiré la vengeance divine, qui ont allumé les feux souterrains, et qui ont détruit la moitié de la ville; car Mequinès, Tétuan et des hordes considérables d'Arabes furent encore plus maltraitées que Lisbonne; et il n'y avait point d'inqui

sition dans ces contrées.

L'île de Saint-Domingue, toute bouleversée depuispeu, n'avait pas déplu au grand Être plus que l'ile de Corse. Tout est soumis aux lois physiques éternelles.

Le soufre, le bitume, le nitre, le fer, renfermés dans la terre, ont par leurs mélanges et par leurs explosions renversé mille cités, ouvert et fermé mille gouffres; et nous sommes menacés tous les jours de ces accidents attachés à la manière dont ce monde est fabriqué; comme nous sommes menacés dans plusieurs contrées des loups et des tigres affamés pendant l'hiver.

Si le feu, qu'Héraclite croyait le principe de tout, a bouleversé une partie de la terre, le premier principe de Thalès, l'eau, a causé d'aussi grands changements.

La moitié de l'Amérique est encore inondée par les anciens débordements du Maragnon, de Rio de la Plata, du fleuve Saint-Laurent, du Mississipi, et de toutes les rivières perpétuellement augmentées par les neiges éternelles des inontagues les plus hautes de la terre, qui traversent ce continent d'un bout à l'autre. Ces déluges accumulés ont produit presque partout de vastes marais, Les terres voisines sont devenues inhabitables; et la terre, que les mains des hommes auraient dû fertiliser, a produit des poisons.

La même chose était arrivée à la Chine et à l'Égypte; il fallut une multitude de siècles pour creuser des canaux

et dessécher les terres. Joignez à ces longs désaspour tres les irruptions de la mer, les terrains qu'elle a envahis et qu'elle a désertés, les îles qu'elle a détachées du continent, vous trouverez qu'elle a dévasté plus de quatre-vingt mille lieues carrées d'orient en occident, depuis le Japon jusqu'au mont Atlas.

L'engloutissement de l'île Atlantique par l'océan peut être regardé avec autant de raison comme un point d'histoire que comme une fable. Le peu de profondeur de la mer Atlantique jusqu'aux Canaries pourrait être une preuve de ce grand évènement; et les îles Canaries pourraient bien être des restes de l'Atlantide.

Platon prétend, dans son Timée, que les prêtres d'Égypte, chez lesquels il a voyagé, conservaient d'anciens registres qui fesaient foi de la destruction de cette ile abimée dans la mer. Cette catastrophe, dit Platon, arriva neuf mille ans avant lui. Personne ne croira cette chronologie sur la foi seule de Platon; mais aussi personne ne peut apporter contre elle aucune preuve physique, ni même aucun témoignage historique tiré des écrivains profanes.

Pline, dans son Livre III, dit que de tout temps les peuples des côtes espagnoles méridionales ont cru que la mer s'était fait un passage entre Calpé et Abila: Indigenæ columnas Herculis vocant, creduntque perfossas exclusa anteà admisisse maria et rerum naturæ mutasse faciem.

Un voyageur attentif peut se convaincre par ses yeux que les Cyclades, les Sporades fesaient autrefois une partie du continent de la Grèce, et surtout que la Sicile était jointe à l'Appulie. Les deux volcans de l'Etna et du Vésuve, qui ont les mêmes fondements sous la mer, le petit gouffre de Carybde, seul endroit profond de cette mer, la parfaite ressemblance des deux terrains, sont des témoignages non récusables: les déluges de Deucalion et d'Ogygès sont assez connus; et les fables

inventées d'après cette verité sont encore l'entretien de tout l'occident.

Les anciens ont fait mention de plusieurs autres déluges en Asie. Celui dont parle Bérose arriva, selon lui, en Chaldée environ quatre mille trois ou quatre cents ans avant notre ère vulgaire ; et l'Asie fut inondée de fables au sujet de ce déluge, autant qu'elle le fut des débordements du Tigre et de l'Euphrate, et de tous les fleuves qui tombent dans le Pout-Euxin (1).

Il est vrai que ces débordements ne peuvent couvrir les campagnes que de quelques pieds d'eau ; mais la stérilité qu'ils apportent, la destruction des maisons et des ponts, la mort des bestiaux, sont des pertes qui demandent près d'un siècle pour être réparées. On sait ce qu'il en a coûté à la Hollande; elle a perdu plus de la moitié d'elle-même depuis l'an 1050. Il faut encore qu'elle combatte tous les jours contre la mer qui la menace; et elle n'a jamais employé tant de soldats pour résister à ses ennemis, qu'elle emploie de travailleurs à se défendre continuellement des assauts d'une mer toujours prête à l'engloutir.

Le chemin par terre d'Égypte en Phénicie, en côtoyant le lac Sirbon, était autrefois très praticable; il ne l'est plus depuis très long-temps. Ce n'est plus qu'un sable mouvant abreuvé d'une eau croupissante. En un mot, une grande partie de la terre ne serait qu'un vaste marais empoisonné et habité par des monstres, sans le travail assidu de la race humaine.

On ne parlera point ici du déluge universel de Noé. Il suffit de lire la sainte Écriture avec soumission. Le déluge de Noé est un miracle incompréhensible, opéré surnaturellement par la justice et la bonté d'une Providence ineffable, qui voulait détruire tout le genre humain coupable, et former un nouveau genre humain innocent. Si la race humaine nouvelle fut plus méchante (1) Voyez DÉLUGE,

que la première, et si elle devint plus criminelle de siècle en siècle, et de réforme en réforme, c'est encore un effet de cette Providence, dont il est impossible de sonder les profondeurs, et dont nous adorons, comme nous le devons, les inconcevables mystères transmis aux peuples d'occident depuis quelques siècles par la traduction latine des Septante. Nous n'entrons jamais dans ces sanctuaires redoutables; nous n'examinons dans nos question que la simple nature (1).

CHANT, MUSIQUE, MÉLOPÉE, GESTICULATION, SALTATION.

Questions sur ces objets.

UN Turc pourra-t-il concevoir que nous ayons une espèce de chant pour le premier de nos mystères, quand nous le célébrons en musique; une autre espèce que nous appelons des motets, dans le même temple; une troisième espèce à l'Opéra; une quatrième à l'Opéra comique?

De même pouvons-nous imaginer comment les anciens soufflaient dans leurs flûtes, récitaient sur leurs théâtres, la tête couverte d'un énorme masque; et comment leur déclamation était notée?

On promulguait les lois dans Athènes à peu près com me on chante dans Paris un air du Pont-Neuf. Le crieur public chantait un édit en se fesant accompagner d'une lyre.

C'est ainsi qu'on crie dans Paris, la rose et le bouton sur un ton, vieux passements d'argent à vendre sur un autre; mais dans les rues de Paris on se passe de lyrc.

Après la victoire de Chéronée, Philippe, père d'Alexandre, se mit à chanter le décret par lequel Démos

(1) Voyez la Dissertation sur le même sujet, dans le volume de Physique.

« PreviousContinue »