Page images
PDF
EPUB

Théodora était, disent-ils, une princesse très religieuse, et qui même passa ses dernières années dans un Couvent. Elle eut tant d'amour pour la religion catholique grecque, qu'elle fit mourir, par divers supplices, cent mille hommes qu'on accusait d'être manichéens ( 1 ). « C'était, dit le modeste continuateur d'Échard, la plus » impie, la plus détestable, la plus dangereuse, la plus >> abominable de toutes les hérésies. Les censures ecclé>>siastiques étaient des armes trop faibles contre des » hommes qui ne connaissaient point l'Église.

[ocr errors]

On prétend que les Bulgares, voyant qu'on tuait tous les manichéens, eurent dès ce moment du penchant pour leur religion, et la crurent la meilleure puisqu'elle était persécutée; mais cela est bien fin pour des Bulgares.

Le grand schisme éclata dans ce temps-là, plus que jamais, entre l'Église grecque sous le patriarche Photius, et l'Église latine sous le pape Nicolas Ier. Les Bulgares prirent le parti de l'Église grecque. Ce fut probablement dès lors qu'on les traita, en occident dhérétiques, et qu'on y ajouta la belle épithète dont on les charge encore aujourd'hui.

L'empereur Basile leur envoya en 871 un prédicateur, nommé Pierre de Sicile, pour les préserver de l'hérésie du manichéisme; et on ajoute que dès qu'ils l'eurent écouté, ils se firent manichéens. Il se peut très bien que ces Bulgares, qui buvaient dans le crâne de leurs ennemis, ne fussent pas d'excellents théologiens, non plus que Pierre de Sicile.

Il est singulier que ces barbares, qui ne savaient ni lire ni écrire, aient été regardés comme des hérétiques très déliés, contre lesquels il était très dangereux de disputer. Ils avaient certainement autre chose à faire qu'à parler de controverse, puisqu'ils firent une guerre sanglante aux empereurs de Constantinople pendant quatre

(1) Histoire romaine prétendue traduite de Laurent Échard, tome II, page 242.

siècles de suite, et qu'ils assiégèrent même la capitale de l'empire.

Au commencement du treizième siècle, l'empereur Alexis voulant se faire reconnaître par les Bulgares, leur roi Joannic lui répondit qu'il ne serait jamais son vassal. Le pape Innocent IIl ne manqua pas de saisir cette occasion pour s'attacher le royaume de Bulgarie. Il envoya au roi Joannic un légat pour le sacrer roi, et prétendit lui avoir conféré le royaume, qui ne devait plus relever que du saint-siége.

C'était le temps le plus violent des croisades; 'le Bulgare indigné fit alliance avec les Turcs, déclara la guerre au pape et à ses croisés, prit le prétendu empereur Baudouin prisonnier, lui fit couper les bras, les jambes et la tête, et se fit une coupe de son crâne, à la manière de Crom. C'en était bien assez pour que les Bulgares fussent en horreur à toute l'Europe; on n'avait pas besoin de les appeler manichéens, nom qu'on donnait alors à tous les hérétiques, car manichéen, patarin et vaudois, c'était la même chose. On prodiguait ces noms à quiconque ne voulait pas se soumettre à l'Église romaine.

Le mot de Boulgare, tel qu'on le prononçait, fut une injure vague et indéterminée, appliquée à qu'conque avait des mœurs barbares ou corrompues. C'est pourquoi sous Saint-Louis, frère Robert, grand inquisiteur, qui était un scelérat, fut accusé juridiquement d'être un boulgare par les communes de Picardie. Philippe-le-Bel donna cette épithète à Boniface VIII (1).

Ce terme changea ensuite de signification vers les frontières de France; il devint un terme d'amitié. Rien n'était plus commun en Flandre, il y a quarante ans, que de dire d'un jeune homme bien fait, c'est un joli boulgare; un bon homme était un bon boulgare.

Lorsque Louis XIV alla faire la conquête dela Flandre, les Flamands disaient en le voyant: « Notre gou(x) Voyes BULLE,

>> verneur est un bien plat boulgare en comparaison de celui-ci.

En voilà assez pour l'étymologie de ce beau nom.

BULLE.

Ce mot désigne la boule ou le sceau d'or, d'argent, de cire, ou de plomb, attaché à un instrument, ou charte quelconque. Le plomb, pendant aux rescrits expédiés en cour romaine porte d'un côté les têtes de Saint Pierre à droite, et de saint Paul à gauche. On lit au revers le nom du pape régnant, et l'an de son pontificat. La bulle est écrite sur parchemin. Dans la salutation le pape ne prend que le titre de serviteur des serviteurs de Dieu, suivant cette sainte parole de Jésus à ses disciples (1): » Celui qui voudra être le premier d'entre vous sera vo>> tre serviteur. »

Des hérétiques prétendent que par cette formule, humble en apparence, les papes expriment une espèce de système féodal, par lequel la chrétienté est soumise à un chef, qui est Dieu, dont les grands vassaux saint Pierre et saint Paul sont représentés par le pontife leur serviteur; et les arrière-vassaux sont tous les princes séculiers, soit empereurs, rois ou ducs.

Ils se fondent, sans doute, sur la fameuse bulle In cœna Domini, qu'un cardinal-diacre lit publiquement à Rome chaque année, le jour de la cène, ou le jeudi saint, en présence du pape, accompagné des autres cardinaux et des évêques. Après cette lecture, sa sainteté jette un flambeau allumé dans la place publique, pour marque d'anathème.

Cette bulle se trouve page 714, tome I du Bullaire imprimé à Lyon en 1673, et page 118 de l'édition de 1727. La plus ancienne est de 1536. Paul III, sans marquer l'origine de cette cérémonie, y dit que c'est une ancienne coutume des souverains pontifes de publier

(1) Matthieu, Chap. XX, v. 27.

cette excommunication le jeudi saint, pour conserver la pureté de la religion chrétienne, et pour entretenir l'union des fidèles. Elle contient vingt-quatre paragraphes, dans lesquels ce pape excommunie:

1o. Les hérétiques, leurs fauteurs et ceux qui lisent leurs livres.

2o. Les pirates, et surtout ceux qui osent aller en course sur les mers du souverain pontife.

3o. Ceux qui imposent dans leurs terres de nouveaux péages.

10°. Ceux qui, en quelque manière que ce puisse être, empêchent l'exécution des lettres a postoliques, soit qu'elles accordent des grâces, ou qu'elles prononcent des peines.

11o. Les juges laïques qui jugent les ecclésiastiques, et les tirent à leur tribunal, soit que ce tribunal s'appelle ́audience, chancellerie, conseil, ou parlement.

12°. Tous ceux qui ont fait ou publié, feront ou publieront des édits, réglements, pragmatiques, par lesquels la liberté ecclésiastique, les droits du pape et ceux du saint-siége seront blessés ou restreints en la moindre chose, tacitement ou expressément.

14°. Les chanceliers, conseillers ordinaires ou extraor dinaires, de quelque roi ou prince que ce puisse être, les présidents des chancelleries, conseils, ou parlements, comme aussi les procureurs-généraux, qui évoquent à eux les causes ecclésiastiques, ou qui empêchent l'exécution des lettres apostoliques, même quand ce serait sous prétexte d'empêcher quelque violence.

Par le même paragraphe, le pape se réserve à lui seul d'absoudre lesdits chanceliers, conseillers, procureursgénéraux, et autres excommuniés, lesquels ne pourront être absous qu'après qu'ils auront publiquement révoqué leurs arrêts, et les auront arrachés des registres.

20. Enfin le pape excommnunie ceux qui auront la présomption de donner l'absolution aux excommuniés

ci-dessus ; et afin qu'on n'en puisse prétendre cause d'ignoil ordonne:

rance,

21°. Que cette bulle sera publiée et affichée à la porte de la basilique du prince des apôtres, et à celle de SaintJean de Latran.

22°. Que tous patriarches, primats, archevêques et évêques, en vertu de la sainte obedience, aient à publier. solennellement cette bulle, au moins une fois l'an.

24°. Il déclare que si quelqu'un ose aller contre la disposition de cette bulle, il doit savoir qu'il va encourir. l'indignation de Dieu tout-puissant, et celle des bienheureux apôtres saint Pierre et saint Paul.

Les autres bulles postérieures, appelées aussi In cœna Domini, ne sont qu'ampliatives. L'article XXI, par. exemple, de celle de Pie V, de l'année 1567, ajoute aut paragraphe 3 de celle dont nous venons de parler, que tous les princes qui mettent dans leurs états de nouvelles impositions, de quelque nature qu'elles soient, ou qui augmentent les anciennes, à moins qu'ils n'en aient obtenu l'approbation du saint-siége, sont excommuniés ipso facto..

La troisième bulle In caná Domini, de 1610, contient trente paragraphes, dans lesquels Paul V renouvelle les dispositions des deux précédentes.

La quatrième et dernière bulle In cœná Domini, qu'on trouve dans le Bullaire, est du 1er avril 1627. Urbain VIII y annonce qu'à l'exemple de ses prédécesseurs, pou maintenir inviolablement l'intégrité de la foi, la justice. et la tranquillité publique, il se sort du glaive spirituel de la discipline ecclésiastique pour excommunier en.co jour qui est l'anniversaire de la cène du Seigneur: 1°. Les hérétiques.

2o. Ceux qui appellent du pape au futur concile ; et le reste comme dans les trois premières.

On dit que celle qui se lit à présent est de plus fraichies dáte, et qu'on y a fait quelques additions.

« PreviousContinue »