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Dans des temps très postérieurs, l'Ecclésiaste dit formellement ( 1) : « Dieu fait voir que l'homme est semblablɛ >> aux bêtes; car les hommes meurent comme les bêtes, >> leur condition est égale; comme l'homme meurt, la » bête meurt aussi. Les uns et les autres respirent de >> même : l'homme n'a rien de plus que la bête. »

Jonas, quand il va prêcher à Ninive, fait jeûner les hommes et les bêtes.

Tous les auteurs anciens attribuent de la connaisse aux bêtes, les livres sacrés comme les profanes; et plusieurs les font parler. Il n'est donc pas étonnant que les brachmanes, et les pythagoriciens après eux, aient cru que les âmes passaient successivement dans les corps des bêtes et des hommes. En conséquence ils se persuadèrent, ou du moins ils dirent, que les âmes des anges délinquants, pour achever leur purgatoire, appartenaient tantôt à des bêtes, tantôt à des hommes: c'est une partie du roman du jésuite Bougeant, qui imagina que les diables sont des esprits envoyés dans le corps des animaux. Ainsi de nos jours, au bord de l'occident, un jésuite renouvelle, sans le savoir, un article de la foi des plus anciens prêtres

orientaux.

Des hommes et des femmes qui se brûlent chez les brach

manes.

LES brames ou bramins d'aujourd'hui, qui sont les mêmes que les anciens brachmanes, ont conservé, com · me on sait, cette horrible coutume. D'où vient que chez un peuple qui ne répandait jamais le sang des hommes, ni celui des animaux, le plus bel acte de dévotion fut-if et est-il encore de se brûler publiquement? La superstition, qui allie tous les contraires, est l'unique source de cet affreux sacrifice; coutume beaucoup plus ancienne que les fois d'aucun peuple connu.

Les brames prétendent que Brama leur grand pro(1) Ecclés. Chap. XVIII, *. 19.

phète, fils de Dicu, descendit parmi eux, et eut plusieurs femmes; qu'étant mort, celle de ses femmes qui l'aimait le plus se brùla sur son bûcher pour le rejoindre dans le ciel. Cette femme se brûla-t-elle en effet, comme on prétend que Porcia, femme de Brutus, avala des charbons ardents pour rejoindre son mari? ou est-ce unefable inventée par les prêtres? Y eut-il un Brama, qui se donna en effet pour un prophète et pour un fils de Dieu? Il est à croire qu'il y eut un Brama, comme dans la suite on vit des Zoroastre, des Bacchus. La fable s'empara de leur histoire; ce qu'elle a toujours continué de faire partout.

Dès que la femme du fils de Dieu se brûle, il faut bien que les dames de moindre condition se brûlent aussi. Mais comment retrouveront-elles leurs maris, qui sont devenus chevaux, éléphants ou éperviers? comment démêler précisément la bête que le défunt anime? com→ ment le reconnaître et être encore sa femme? Cette difficulté n'embarrasse point les théologiens indous; ils trouvent aisément des distinguo, des solutions in sensu composito, in sensu diviso. La métempsycose n'est que pour les persones du commun; ils ont pour les autres âmes une doctrine plus sublime. Ces âmes, étant celles des anges jadis rebelles, vont se purifiant; celles des femmes qui s'immolent sont beatifiées, et retrouvent leurs maris tout purifiés: enfin les prêtres ont raison, et les femmes se brûlent.

Il y a plus de quatre mille ans que ce terrible fanatis. me est établi chez un peuple doux, qui croirait faire un crime de tuer une cigale. Les prêtres ne peuvent forcer une veuve à se brûler; car la loi invariable est que ce dévouement soit absolument volontaire. L'honneur est d'abord déféré à la plus ancienne mariée des femmes du mort: c'est à elle de descendre au bûcher; si elle ne s'ent soucie pas, la seconde se présente; ainsi du reste. On prétend qu'il y en eut une fois dix-sept qui se brûlèrent à

la fois sur le bûcher d'un raïa; mais ces sacrifices sont devenus assez rares: la foi s'affaiblit depuis que les mahométans gouvernent une grande partie du pays, et que les Europeans négocient dans l'autre.

Cependant il n'y a guère de gouverneur de Madras et de Pondichéri qui n'ait vuquelque Indienne périr volontairement dans les flammes. M. Holwell rapporte qu'une jeune veuve de dix-neuf ans, d'une beauté singulière, mère. de trois enfants, se brûla en présence de madame Roussel, femme de l'amiral, qui était à la rade de Madras: elle résista aux prières, aux larmes de tous les assistants. Madame Roussel la conjura au nom de ses enfants, de ne les pas laisser orphelins: l'Indienne lui répondit : « Dieu » qui les a fait naître aura soin d'eux; » ensuite elle arrangea tous les préparatifs elle-même, mit de sa main le feu au bûcher, et consomma son sacrifice avec la sérénité d'une de nos religieuses qui allume des cierges.

M. Shernoc, négociant anglais, voyant un jour une de ces étonnantes victimes, jeune et aimable, qui descendait dans le bûcher, l'en arracha de force lorsqu'elle allait y mettre le feu, et, secondé de quelques Anglais, l'enleva et l'épousa. Le peuple regarda cette action comme le plus horrible sacrilege.

Pourquoi les maris ne se sont-ils jamais brûlés pour aller retrouver leurs femmes ? Pourquoi un sexe naturellement faible et timide a-t-il eu toujours cette force frénétique? est-ce parce que la tradition ne dit point qu'un homme ait jamais épousé une fille de Brama, au lieu qu'elle assure qu'une Indienne fut mariée avec le fils de ce dieu ? est-ce parce que les femmes sont plus superstitieuses que les hommes ? est-ce parce que leur imagination est plus faible, plus tendre, plus faite pour être dominée ?

Les anciens brachmanes se brûlaient quelquefois pour prévenir l'ennui et les maux de la vieillesse, et surtout pour se faire admirer. Calan ou Calanus ne se serait

peat-être pas mis sur un bûcher sans le plaisir d'être regardé par Alexandre. Le chrétien renégat Pellegrinus se brûla en public, par la même raison qu'un fou parmi nous s'habille quelquefois en Arménien pour attirer les regards de la populace.

N'entre-t-il pas aussi un malheureux mélange de vanité dans cet épouvantable sacrifice des femmes indiennes? Peut-être, si on portait une loi de ne se brûler qu'en ̧ présence d'une seule femme de chambre, cette abominable coutume serait pour jamais détruite.

Ajoutons un mot: une centaine d'Indiennes, tout au plus, a donné cc terrible spectacle: et nos inquisitions, nos fous atroces qui se sont dits juges, ont fait mourir. dans les flammes plus de cent mille de nos frères, hommes, femmes, enfants, pour des choses que personne n'entendait. Plaignons et condamnons les brames: mais rentrons en nous-mêmes, misérables que nous som‐ mes!

Vraiment nous avons oublié une chose fort essentielle dans ce petit article des brachmanes; c'est que leurs livres sacrés sont remplis de contradictions. Mais le peuple ne les connaît pas, et les docteurs ont des solutions prêtes, des sens figurés et figurants, des allégories, des types, des déclarations expresses de Birma, de Brama et de Vitsnou, qui fermeraient la bouche à tout rai

sonneur..

BULGARES or BOULGARES.

Puisqu'on a parlé des Bulgares dans le Dictionnaire encyclopédique, quelques lecteurs seront peut-être bien aises de savoir qui étaient ces étranges gens, qui parurent si méchants, qu'on les traita d'hérétiques, et dont ensuite on donna le nom en France aux non-conformistes, qui n'ont pas pour les dames toute l'attention qu'ils leur doivent; de sorte qu'aujourd'hui on appelle ces messieursBoulgares, en retranchant let a.

Les anciens Boulgares ne s'attendaient pas qu'un jour dans les halles de Paris, le peuple, dans la conversation familière, s'appellerait mutuellement Boulgares, en y ajoutant des épithètes qui enrichissent la langue.

Ces peuples étaient originairement des Huns qui s'étaient établis auprès du Volga; et de Volgares on fit aisément Boulgares.

Sur la fin du septième siècle, ils firent des irruptions vers le Danube, ainsi que tous les peuples qui habitaient la Sarmatie; et ils inondèrent l'empire romain comme les autres. Ils passèrent par la Moldavie, la Valachie, où les Russes, leurs auciens compatriotes, ont porté leurs armes victorieuses en 1769, sous l'empire de Catherine II.

Ayant franchi le Danube, il s'établirent dans une partie de la Dacie et de la Moesie, et donnèrent leur nom à ces pays qu'on appelle encore Bulgarie. Leur domination s'étendait jusqu'au mont Hémus et au Pont-Euxin.

L'empereur Nicéphore, successeur d'Irène, du temps de Charlemagne, fut assez imprudent pour marcher contre eux après avoir été vaincu par les Sarrasins; il le fut aussi par les Bulgares. Leur roi, nommé Crom, lui coupa la tête, et fit de son crâne une coupe dont il se servait dans ses repas, selon la coutume de ces peuples, et de presque tous les hyperboréens.

On conte qu'au neuvième siècle un Bogoris, qui fesait la guerre à la princesse Théodora, mère. et tutrice de l'empereur Michel, fut si charmé de la noble réponse de cette impératrice à sa déclaration de guerre, qu'il se fit chrétien.

Les Boulgares, qui n'étaient pas si complaisants, se révoltèrent contre lui; mais Bogoris leur ayant montré une croix, ils se firent tous baptiser sur-le-champ. C'est ainsi que s'en expliquent les auteurs grecs du Bas-Empire; et c'est ainsi que le disent après eux nos compila

teurs.

Et voilà justement comme on écrit l'histoire.

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