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faite par une bonne âme, quelque temps après Jean

Tritême:

Ils se moquent du ciel et de la Providence;

lls aiment mieux Bacchus, et la mère d'Amour;
Ce sont leurs deux grands saints pour la nuit et le jour.
Des pauvres à prix d'or ils vendent la substance.
Ils s'abreuvent dans l'or, l'or est sur leurs lambris;
L'or est sur leurs catins, qu'on paye au plus haut prix:
Et passant mollement de leur lit à la table,

Ils ne craignent ni lois, ni rois, ni dieu, ni diable.

Jean Tritême, comme on voit, était de très méchante humeur. On eût pu lui répondre ce que disait César avant les ides de Mars: « Ce ne sont pas ces voluptueux » que je crains, ce sont ces raisonneurs maigres et pâles. » Les moines qui chantent le Pervigilium Veneris pour matines, ne sont pas dangereux. Les moines argumenfants, prêchants, cabalants, ont fait beaucoup plus de mal que tous ceux dont parle Jean Tritême.

Les moines ont été aussi maltraités par l'évêque célèbre du Bellay, qu'ils l'avaient été par l'abbé Tritême. Il leur applique, dans son Apocalypse de Méliton, ces paroles d'Osée: « Vaches grasses qui frustrez les pauvres,

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qui dites sans cesse: Apportez et nous boirons, le Sei» gneur a juré par son saint nom que voici les jours qui » viendront sur vous; vous aurez agacement de dents, >> et disette de pain en toutes vos maisons. »

La prédiction ne s'est pas accomplie ; mais l'esprit de police qui s'est répandu dans toute l'Europe, en mettant des bornes à la cupidité des moines, leur a inspiré plus de décence.

Il faut convenir, malgré tout ce qu'on a écrit contre leurs abus, qu'il y a toujours eu parmi eux des hommes éminents en science et en vertu; que s'ils ont faits de grands maux, ils ont rendu de grands services, et qu'en général on doit les plaindre encore plus que les condam

ner.

SECTION IV.

Tous les abus grossiers qui durèrent dans la distribution des bénéfices, depuis le dixième siècle jusqu'au seizième, ne subsistent plus aujourd'hui ; et s'ils sont inséparables de la nature humaine, ils sont beaucoup moins révoltants par la décence qui les couvre. Un Maillard ne dirait plus aujourd'hui en chaire: O Domina, quæ facis placitum domini episcopi, etc. « O madame, qui faites » le plaisir de monsieur l'évêque, si vous demandez com» ment cet enfant de dix ans a eu un bénéfice, on vous » répondra que madame sa mère était fort privée de » monsieur l'évêque. »

On n'entend plus en chaire un cordelier Menot criant: « Deux crosses, deux mitres, et adhuc non sunt contenti » Entre vous, mesdames, qui faites à monsieur l'évêque » le plaisir que savez, et puis dites : Oh! oh! il fera du » bien à mon fils, ce sera un des mieux pourvus en l’É» glise. » Isti protonotarii qui habent illas dispensas ad tria, immò in quindecim beneficia, et sunt simoniaci et sacrilegi, et non cessant arripere beneficia incompatibilia; idem est eis. Si vacet episcopatus, pro eo habendo dabitur unus grossus fasciculus aliorum beneficiorum. Primo accumulabuntur archidiaconatus, abbatiæ, duo prioratus, quatuor aut quinque prebendæ, et dabuntur hæc omnia pro compensatione.

« Si ces protonotaires, qui ont des dispenses pour » trois ou même quinze bénéfices, sont simoniaques et » sacriléges, et si on ne cesse d'accrocher des bénéfices » incompatibles, c'est même chose pour eux. Il vaque » un bénéfice; pour l'avoir, on vous donnera une poignée » d'autres bénéfices, un archidiaconat, des abbayes, » deux prieurés, quatre un cinq prébendes, et tout cela » pour faire la compensation. »

Le même prédicateur, dans un autre endroit, s'exprime ainsi: «< Dans quatre plaideurs qu'on rencontre

» au palais, il y a toujours un moine ; et si on leur deman» de ce qu'ils font là, un clericus répondra : Notre cha>> pitre est bandé contre le doyen, contre l'évêque et con» tre les autres officiers, et je vais après les queues de ces » messieurs pour cette affaire. Et toi, maître moine, que >> fais-tu ici? Je plaide une abbaye de huit cents livres » de rente pour mon maître. Et toi, moine blanc ? Je >> plaide un petit prieuré pour moi. Et vous, mendiants, » qui n'avez terre, ni sillon, que battez-vous ici le pavé? >> Le roi nous a octroyé du sel, du bois et autres choses; » mais ses officiers nous les dénient. Ou bien, un tel » curé par son avarice et envie-nous veut empêcher la sépulture, et la dernière volonté d'un qui est mort ces » jours passés, tellement qu'il nous est force d'en venir

>>

» à la cour. »

Il est vrai que ce dernier abus, dont retentissent tous les tribunaux de l'Église catholique romaine, n'est point déraciné.

Il en est un plus funeste encore, c'est celui d'avoir permis aux bénédictins, aux bernardins, aux chartreux même d'avoir des main-mortables, des esclaves. On distingue sous leur domination dans plusieurs provinces de France et en Allemagne,

Esclavage de la personne, Esclavage des biens,

Esclavage de la personne et des biens.

L'esclavage de la personne consiste dans l'incapacité de disposer de ses biens en faveur de ses enfants, s'ils n'ont pas toujours vécu avec leur père dans la même maison et à la même table. Alors tout appartient aux moines. Le bien d'un habitant du mont Jura, mis entre les mains d'un notaire de Paris, devient dans Paris même la proie de ceux qui originairement avaient embrassé la pauvreté évangélique au mont Jura. Le fils demande l'aumône à la porte de la maison que son père a bâtie, et les moines, bien loin de lui donner cette aumône,

s'arrogent jusqu'au droit de ne point payer les créanciers du père, et de regarder comme nulles les dettes hypothéquées sur la maison dont ils s'emparent. La veuve se jette en vain à leurs pieds pour obtenir une partie de sa dot. Cette dot, ces créances, ce bien paternel, tout appartient de droit aux divins moines. Les créanciers, la veuve, les enfants, tout meurt dans la mendicité.

L'esclavage réel est celui qui est affecté à une habitation. Quiconque vient occuper une maison dans l'empire de ces moines, et y demeure un an et un jour, devient leur serf pour jamais. Il est arrivé quelquefois qu'un négociant français, père de famille, attiré par ses affaires dans ce pays barbare, y ayant pris une maison à loyer pendant une année, et étant mort ensuite dans sa patrie, dans une autre province de France, sa veuve, ses enfants ont été tout étonnés de voir des huissiers venir s'emparer de leurs meubles, avec des paréatis, les vendre au nom de saint Claude, et chasser une famille entière de la maison de son père.

L'esclavage mixte est celui qui, étant composé des deux, est ce que la rapacité a jamais inventé de plus execrable, et ce que les brigands n'oseraient pas même imaginer.

Il y a donc des peuples chrétiens gémissants dans un triple esclavage, sous des moines qui ont fait vou d'humilité et de pauvreté ! Chacun demande comment les gouvernements souffrent ces fatales contradictions? C'est que les moines sont riches, et leurs esclaves sont pau-' vres. C'est que les moines, pour conserver leur droit d'Attila, font des présents aux commis, aux maîtresses de ceux qui pourraient interposer leur autorité pour réprimer une telle oppression. Le sort écrase toujours le faible. Mais pourquoi faut-il que les moines soient les plus forts?

cou

Quel horrible état que celui d'un moine dont le vent est riche ! la comparaison continuelle qu'il fait de

sa servitude et de sa misère avec l'empire et l'opulence de l'abbé, du prieur, du procureur, du secrétaire, du maître des bois, etc., lui déchire l'âme à l'église et au réfectoire. Il maudit le jour où il prononça ses vœux imprudents et absurdes; il se désespère; il voudrait que tous les hommes fussent aussi malheureux que lui. S'il a quelque talent pour contrefaire les écritures, il l'emploie en fesant de fausses chartes pour plaire au sousprieur; il accable les paysans qui ont le malheur inexprimable d'être vassaux d'un couvent: étant devenu bon faussaire, il parvient aux charges; et comme il est fort ignorant, il meurt dans le doute et dans la rage.

BLASPHEME.

C'EST un mot grec qui signifie atteinte à la réputation. Blaopnuia se trouve dans Démosthènes. De là vient, dit Ménage, le mot de blámer. Blasphème ne fut employé dans l'Église grecque que pour signifier injure faitė à Dieu. Les Romains n'employèrent jamais cette expression, ne croyant pas apparemment qu'on pût jamais offenser l'honneur de Dieu comme on offense celui des hommes.

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Il n'y a presque point de synonymes. Blasphème n'emporte pas tout-à-fait l'idée de sacrilége. On dira d'un homme qui aura pris le nom de Dien en vain, qui 'dans l'emportement de la colère aura ce qu'on appelle juré le nom Dieu, c'est un blasphémateur; mais on ne dira pas, c'est un sacrilége. L'homme sacrilége est celui qui se parjure sur l'Évangile, qui étend sa rapacité sur les choses sacrées, qui détruit les autels, qui trempe sa main dans le sang des prêtres.

Les grands sacriléges ont toujours été punis de mort 'chez toutes les nations, et surtout les sacriléges avec effusion de sang.

L'auteur des Instituts au droit criminel compte parmi les crimes de lèse-majesté divine au second chef, l'inobDICTIONN. PHILOSOPH. TOME 11.

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