Introduction. Le Poète. A Hedwig. Le poète, Ange, est une lyre Que chaque souffle fait vibrer, Qui, des soupirs de tous, à chaque heure soupire, Ride, sans le ternir, le cristal ondoyant; C'est l'aigle qui s'élève aux plaines de la foudre, Le courter qui s'anime aux éclats de la poudre, La nourrice qui rit à la voix de l'enfant; C'est le frère de Philomèle, Qui s'est abreuvé de douleurs, Et qui, lorsqu'il pendait encore à la mamelle, Suçait au lieu de lait des flots amers de pleurs ; De la mer en fureur entend les flots mugir, Le poète est le sanctuaire, Où Jéhovah reste toujours, Et d'où, comme l'encens, s'élève la prière, Dans la création un hymne au créateur. Il aime les tombeaux; et rarement la joie Comme le buste de Memnon, Quand l'astre, roi du jour, de l'orient le frappe, Le rayon qui dans l'air enflammé s'évapore, Et comble de ses dons, comme un roi généreux, Qui, dans tous ses états, sème au loin l'abondance, Et ne sert de sa puissance Que pour fair bénir son nom en tous les lieux. A chacun Dieu donna sa tache: Gloire à qui l'accomplit; qui la refuse est lâche! Mais comme la prêtresse élevée au trépied, Gémit son douloureux martyre; Qu'il foule les autels ou qu'il soit à leur pied; Il faut beaucoup souffrir; les palmes de la gloire Elles ornent le front, mais le couvrent de rides, Et d'un feu languissant arment les yeux humides. C'est le destin qui s'accomplit!... Car celui qui s'élève au-dessus du vulgaire Ne doit pas demander le bonheur pour salaire ! Dieu sur nous partagea le torrent de ses dons: Aux uns, il a donné la joie et l'ignorance; Aux autres, la vertu, fille de l'espérance; A plusieurs le fardeau glorieux des grands noms. Et ton front de quinze ans qu'anime l'innocence, Lorsque tu le verras, séparé de la foule, Les mains sur son front, d'où découle Son concert animé d'amour ou de dédains, Ange, respecte son silence; Car alors son esprit s'élance Et sort du séjour des humains. Respecte ce martyr qui chaque jour s'immole, Qui s'immole sur chaque tombe; Il est l'ange des morts et des murs abattus; Il habite dans les ruines, Gémit comme l'oiseau de nuit, Lorsque son aile se déploie, Et que, d'un monde ivre de joie, Ange, ne brise pas le bonheur de son rêve, Car lorsque toute chose a torturé son âme, A jeter dans sa nuit au moins un peu de jour. Arrête l'anathème avec ton doux sourire, Assieds-toi près de lui quand le chagrin le pousse. Adoucis ses jours d'agonie; Ne l'abandonne pas dans ce Getsemani; Car moins fort que le Fils de l'homme, Il a besoin d'un peu de baume Pour son calice amer, d'où le miel est banni: Ce qu'est pour le pilote, après une tempête, La femme est la voix qui l'anime, |