Page images
PDF
EPUB

La lune, qui s'enfuit toute pâle et fâchée,
Dit: Quel est cet enfant qui ne dort pas encor?
Sous son lit de nuage, elle est déjà couchée;
Au fond d'un cercle noir la voilà qui s'endort.

Le petit mendiant perdu seul à cette heure,
Rôdant avec ses pieds nus et froids, doux martyr!
Dans la rue isolée, où sa misère pleure,

Mon Dieu! qu'il aimerait un lit pour s'y blottir!

Et Paul qui regardait encor sa belle épée,
Se coucha doucement en pliant ses habits;
Et sa mère bientôt ne fut plus occupée

Qu'à baiser ses yeux clos, par un ange assoupis.

Mme Desbordes-Valmore.

L'enfant qui dort.

Dans l'alcôve sombre,
Près d'un humble autel,
L'enfant dort à l'ombre
Du lit maternel.

Tandis qu'il repose,
Sa paupière rose,
Pour la terre close
S'ouvre pour le ciel.

Il fait bien des rêves
Il voit par moments
Le sable des grèves
Plein de diamans!

Des soleils de flammes,
Et de belles dames

Qui portent des âmes

Dans leurs bras charmants.

Songe qui l'enchante!

Il voit des ruisseaux ;
Une voix qui chante

Sort du fond des eaux.
Ses soeurs sont plus belles,
Son père est près d'elles,
Sa mère a des ailes
Comme les oiseaux.

Il voit mille choses
Plus belles encor:
Des lis et des roses
Plein le corridor;
Des lacs de délice
Où le poisson glisse,
Où l'onde se plisse
A des roseaux d'or!

Enfant, rêve encore!
Dort, ô mes amours!
Ta jeune âme ignore
Où s'en vont tes jours.
Comme une algue morte,
Tu vas, que t'importe !
Le courant t'emporte,
Mais tu dors toujours!

Sans soins, sans étude
Tu dors en chemin ;
Et l'inquiétude

A la froide main,
De son ongle aride,
Sur ton front candide
Qui n'a point de ride
N'écrit pas „Demain !“

Il dort, innocence !
Les anges sereins
Qui savent d'avance
Le sort des humains

Le voyant sans armes,
Sans peur, sans alarmes,
Baisent avec larmes
Les petites mains.

Leurs lèvres effleurent

Les lèvres de miel.

L'enfant voit qu'ils pleurent,

Et dit: Gabriel!

Mais l'ange le touche,
Et, berçant sa couche,
Un doigt sur sa bouche,
Lève l'autre au ciel.

Cependant sa mère,
Prompte à le bercer,
Croit qu'une chimère
Le vient oppresser;

Fière, elle l'admire,

L'entend qui soupire,

Et le fait sourire

Avec un baiser.

Victor Hugo.

Fragment.

Oh! bien loin de la voie
Où marche le pécheur,
Chemine où Dieu t'envoie!
Enfant garde ta joie!
Lis! garde ta blancheur !

Sois humble! que t'importe
Le riche et le puissant!
Un souffle les emporte.
La force la plus forte
C'est un coeur innocent.

Bien souvent Dieu repousse
Du pied les hautes tours;
Mais dans le nid de mousse
Où chante une voix douce
Il regarde toujours!

Reste à la solitude!
Reste à la pauvreté !
Vis sans inquiétude !
Et ne te fais étude
Que de l'éternité !

Victor Hugo. 31737B

L'enfant dans le cercle de famille.

Lorsque l'enfant paraît, le cercle de famille

Applaudit à grands cris; son doux regard, qui brille Fait briller tous les yeux,

Et les plus tristes fronts, les plus souillés peut-être Se dérident soudain à voir l'enfant paraître,

Innocent et joyeux.

Soit que Juin ait verdi mon seuil, ou que Novembre Fasse autour d'un grand feu vacillant dans la chambre Les chaises se toucher,

Quand l'enfant vient, la joie arrive et nous éclaire.
On rit, on se récrie, on l'appelle, et sa mère
Tremble à le voir marcher.

Quelquefois nous parlons, en remuant la flamme,
De patrie et de Dieu, des poètes, de l'âme,
Qui s'élève en priant;

L'enfant paraît, adieu le ciel et la patrie
Et les poètes saints, la grave causerie
S'arrête en souriant.

Il est si beau, l'enfant, avec son doux sourire,
Sa douce bonne foi, sa voix, qui veut tout dire,
Ses pleurs vite apaisés,

Laissant errer sa vue étonnée et ravie,

Offrant de toutes parts sa jeune âme à la vie
Et sa bouche aux baisers !

Seigneur! préservez-moi, préservez ceux, que j'aime,
Frères, parens, amis et mes ennemis même

Dans le mal triomphans,

« PreviousContinue »