Page images
PDF
EPUB

LA FAMILLE.

Plaintes d'une femme abandonnée par son amant,

auprès du berceau de son fils.

Dors, mon enfant clos ta paupière,
Tes cris me déchirent le coeur:
Dors, mon enfant! ta pauvre mère
A bien assez de sa douleur.

Lorsque, par de douces tendresses
Ton père sut gagner ma foi,

Il me sembloit dans ses caresses
Naïf, innocent, comme toi:

Je le crus où sont ses promesses?
Il oublie et son fils et moi.

Dors! mon enfant! etc.

Qu'à ton réveil un doux sourire
Me soulage dans mon tourment!
De ton père, pour me séduire,
Tel fut l'aimable enchantement.
Qu'il connoissoit bien son empire!
Et qu'il en use méchamment!

Dors! mon enfant! etc.

Le cruel, hélas ! il me quitte;
Il me laisse sans nul appui.
Je l'aimai tant avant sa fuite!
Oh! je l'aime encore aujourd'hui !

Dans quelque séjour qu'il habite,
Mon coeur est toujours avec lui.
Dors, mon enfant! etc.

Oui, le voilà! c'est son image
Que tu retraces à mes yeux;
Ta bouche aura son doux langage,
Ton front son air vif et joyeux;
Ne prends point son humeur volage,
Mais garde ses traits gracieux !
Dors, mon enfant! etc.

Tu ne peux concevoir encore,
Ce qui m'arrache ces sanglots.
Que le chagrin qui me dévore,
N'attaque jamais ton repos!

Se plaindre de ceux qu'on adore,
C'est le plus grand de tous les maux.
Dors, mon enfant! etc.

Sur la terre, il n'est plus personne
Qui se plaise à nous secourir ;
Lorsque ton père m'abandonne,
A qui pourrois-je recourir?

Ah! tous les chagrins qu'il me donne,

Toi seul, tu peux les adoucir.
Dors, mon enfant! etc.

Mêlons nos tristes destinées,
Et vivons ensemble toujours;
Deux victimes infortunées

Se doivent de tendres secours ;

J'ai soin de tes jeunes années;

Tu prendras soin de mes vieux jours.

Dors, mon enfant ! etc.

Berquin.

Le coucher d'un petit garçon.

Couchez-vous, petit Paul! il pleut, c'est nuit, c'est l'heure, Les loups sont au rempart; le chien vient d'aboyer. La cloche a dit: dormez! et l'ange gardien pleure, Quand les enfants si tard font du bruit au foyer.

Je ne veux pas toujours aller dormir, et j'aime A faire étinceler mon sabre aux feux du soir: Et je tûrai les loups! je les tûrai moi-même ! Et le petit méchant tout nu vient se rasseoir.

Où sommes-nous, mon Dieu! donnez-nous patience : Et surtout, soyez, Dieu, soyez lent à punir;

L'âme qui vient d'éclore a si peu de science!
Attendez sa raison, mon Dieu, dans l'avenir.

L'oiseau qui brise l'oeuf est moins près de la terre;
Il vous obéit mieux: au coucher du soleil,

Un par un descendus dans l'arbre solitaire,
Sous le rideau qui tremble, ils plongent leur sommeil

Au colombier fermé nul pigeon ne roucoule;
Sous le cygne endormi l'eau du lac bleu s'écoule.
Paul! trois fois la couveuse a compté ses enfants;
Son aile les enferme, et moi je vous défends !

« PreviousContinue »