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Mais je ne verrai plus Lise,
Après un joyeux banquet,
Essayer devant l'église

Le jeu de son oeil coquet.
Et surprise

Par méprise,

A la brise

Abandonner son bouquet.

Mais je ne verrai plus Flore,
Qui chantait tous les matins ;
Mais je ne verrai plus Laure,
Boudeuse aux regards mutins;
Clémentine,

Augustine,

Et Justine

Joli trio des lutins.

Le soleil, toujours le même,
Parcourt des chemins tracés ;
Et de son beau diadème
Nuls traits ne sont effacés.

Ce qui passe

Et s'efface

C'est la trace

Des plaisirs qui sont passés.

Ch. Nodier.

Invocation à la lune.

(Ossian.)

Ainsi qu'une jeune beauté

Silencieuse et solitaire,

Des flancs du nuage argenté

La lune sort avec mystère.

Fille aimable du ciel, à pas lents et sans bruit,
Tu glisses dans les airs, où brille ta couronne,
Et ton passage s'environne

Du cortège pompeux des soleils de la nuit.
Que fais-tu loin de nous, quand l'aube blanchissante
Efface à nos yeux attristés

Ton sourire charmant et tes molles clartés?
Vas-tu comme Ossian, plaintive, gémissante
Dans l'asile de la douleur

Ensevelir ta beauté languissante?

Fille aimable du ciel, connais-tu le malheur?
Maintenant revêtu de toute sa lumière,

Ton char voluptueux roule au-dessus des monts :
Prolonge, s'il se peut, le cours de ta carrière,
Et verse sur les mers tes paisibles rayons.

Baour Lormian.

Le réveil de la terre.

Du soleil, qui rénait bénissez la puissance;
Chantez, peuples heureux, chantez !
Couronné de splendeur, il se lève, il s'avance.
Chantez, peuples heureux, chantez
Du soleil, qui renait les dons et les clartés !

Eh! comment garder le silence?

Le réveil de la terre est un hymne d'amour
Dans les forêts, que leurs souffle balance,

Les brises du matin célèbrent son retour;

La mer, qui se soulève, en grondant le salue;
Tourné vers l'orient, où brille un nouveau jour,
Le lion se prosterne et rugit à sa vue;
Pour lui porter ses voeux au céleste séjour,

L'aigle, en poussant des cris s'élance . . .
Eh! comment garder le silence?
Le réveil de la terre est un hymne d'amour!
C. Delavigne.

L'automne.

Salut! bois couronnés d'un reste de verdure!
Feuillages jaunissans sur les gazons épars!
Salut, derniers beaux jours! le deuil de la nature
Convient à la douleur et plaît à mes regards.

Je suis d'un pas rêveur le sentier solitaire,
J'aime à revoir encor, pour la dernière fois,
Ce soleil pâlissant, dont la faible lumière
Perce à peine à mes pieds l'obscurité des bois.

Oui, dans ces jours d'automne où la nature expire,
A ses regards voilés je trouve plus d'attraits:
C'est l'adieu d'un ami, c'est le dernier sourire
Des lèvres, que la mort va fermer pour jamais.

Ainsi prêt à quitter l'horizon de la vie,
Pleurant de mes longs jours l'espoir évanoui,
Je me retourne encore, et d'un regard d'envie
Je contemple ses biens dont je n'ai pas joui.

Terre, soleil, vallons, belle et douce nature,

Je vous dois une larme aux bords de mon tombeau!
L'air est si parfumé! La lumière est si pure!
Aux regards d'un mourant le soleil est si beau!

Je voudrais maintenant vider jusqu'à la lie
Ce calice mêlé de nectar et de fiel:

Au fond de cette coupe où je buvais la vue,
Peut-être restait-il une goutte de miel !

Peut-être l'avenir me gardait-il encore

Un retour de bonheur dont l'espoir est perdu !
Peut-être dans la foule, une âme que j'ignore
Aurait compris mon âme et m'aurait répondu!.

La fleur tombe en livrant ses parfums au zéphire;
A la vie, au soleil, ce sont là ses adieux;
Moi, je meurs; et mon âme, au moment, qu'elle expire,
S'exhale comme un son triste et mélodieux.

Alph. de Lamartine.

Le chêne.

Voilà ce chêne solitaire

Dont le rocher s'est couronné,

Parlez à ce tronc séculaire,

Demandez comment il est né.

Un gland tombe de l'arbre et roule sur la terre,
L'aigle à la serre vide, en quittant les vallons,
S'en saisit en jouant et l'emporte en son aire
Pour aiguiser le bec de ses jeunes aiglons;
Bientôt du nid désert qu'emporte la tempête

Il roule confondu dans les débris mouvans,

Et sur la roche nue un grain de sable arrête
Celui qui doit un jour rompre l'aile des vents;
L'été vient, l'aquilon soulève

La poudre des sillons qui pour lui n'est qu'un jeu,
Et sur le germe éteint où couve encor la sève
En laisse retomber un peu !

Le printems de sa tiède ondée
L'arrose comme avec la main;
Cette poussière est fécondée
Et la vie y circule enfin !

La vie à ce seul mot tout oeil, toute pensée,
S'inclinent confondus et n'osent pénétrer;
Au seuil de l'infini c'est la borne placée,
Où la sage ignorance et l'audace insensée
Se rencontrent pour adorer!

Il vit ce géant des collines!
Mais avant de paraître au jour,
Il se creuse avec ses racines
Des fondemens comme une tour.
Il sait quelle lutte s'apprête,
Et qu'il doit contre la tempête
Chercher sous la terre un appui;
Il sait que l'ouragan sonore
L'attend au jour! . . ou, s'il l'ignore,
Quelqu'un du moins le sait pour lui!

Ainsi quand le jeune navire

Où s'élancent les matelots,

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