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En étoile d'or s'élever;

Déjà le cintre métallique

En mille reflets joue à l'oeil ;
Déjà l'écusson symbolique

Du sculpteur satisfait l'orgueil.

Que le choeur de la danse à pas joyeux s'approche;
Venez tous, et donnons le baptême à la cloche...
Cherchons lui quelque nom propice et gracieux.
Qu'elle veille sur nous en s'approchant des cieux.
Balancée au-dessus de la verte campagne,

Que sa bruyante joie ou sa plainte accompagne
Les scènes de la vie en leurs jeux inconstants.
Qu'elle soit dans les airs comme une voix du temps!
Que le temps, mesuré dans sa haute demeure,
De son aile, en fuyant, la touche, heure par heure.
Aux voluptés du crime apportant le remord,
Qu'elle enseigne aux humains qu'ils sont nés pour la

mort,

Et que tout ici-bas s'évanouit et passe,

Comme sa voix qui roule et s'éteint dans l'espace!

Que les câbles nerveux de son lit souterrain Arrachent lentement la cloche aux flancs d'airain. Oh! qu'elle monte en reine à la voûte immortelle ! Elle monte, elle plane, amis, et puisse-t-elle, Dissipant dans nos cieux les nuages épais,

De son premier accent nous annoncer la paix!

Émile Deschamps.

Le roi des aunes.

(De Goethe.)

Qui voyage si tard par la nuit et le vent ?
C'est un homme à cheval qui lentement chemine
Et porte dans ses bras avec soin un enfant

"

Qu'il réchauffe sur sa poitrine.

Mon fils, pourquoi cacher ta figure avec peur ?*
Le roi des aunes! vois, vois son pâle visage,

Sa couronne et sa queue, et son corps de vapeur ?"" „Non, enfant, ce n'est qu'un nuage."

Mon doux ami, veux-tu t'en venir avec moi?

J'ai des jeux si riants que nous jouerons ensemble. Le sable est plein de fleurs, et ma mère a pour toi De beaux habits qu'elle rassemble.

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Oh! mon père, as-tu donc compris ce que tout bas Le roi des aunes vient murmurer au rivage ?«« Tais-toi, mon fils, tais-toi, repose dans mes bras, Ce n'est que le bruit du feuillage."

Dis-moi donc, mon enfant, eh bien! veux-tu venir? Mes filles vont t'attendre. Elles sont jeunes, belles, Elles dansent la nuit et veulent te chérir, Te bercer, t'avoir avec elles.

Mon père, maintenant regarde de plus près, Vois-tu ses filles? Vois, à cette place sombre."" „Mon fils, ne sonte-ce pas les vieux saules de

près

Qui projettent ainsi leur ombre ?"

Je t'aime, doux enfant, tes beaux traits m'ont

séduit,

Et si tu ne viens pas je t'enlève à la terre.
Mon père, le voilà qui me prend, me saisit,

Ah! comme il me fait mal, mon père.""

Le père hâte sa marche et presse sur son sein L'enfant qu'un mauvais rêve alors semble poursuivre, Et lorsqu'à leur demeure ils arrivent enfin,

Son fils avait cessé de vivre.

X. Marmier.

Prière de Marguerite.

(De Goethe.)

Penche vers moi, dans ta clemence,

Ton front où se peint la douleur.
Avec ta mortelle souffrance,

Avec le glaive dans le coeur.

Tu lèves les yeux vers ton père,
Tu regardes ton fils mourir.
Quoique ton âme encore espère,
Ta bouche exhale un long soupir.

Hélas! qui peut penser ou dire
Ce qui se passe au fond de moi?
Comme mon coeur tremble et désire,
Qui le saura si ce n'est toi ?

Partout où je vais à toute heure,
Oh! je souffre, je souffre tant!
Et seule, je pleure, je pleure,
Mon coeur se brise en un instant.

Ces fleurs étaient sur ma fenêtre,
Elles ont connu mes douleurs.

A tes genoux, je viens les mettre,
Toutes humides de mes pleurs.

Lorsque autour de moi tout sommeille
Aux premiers rayons du matin,
Assise sur mon lit, je veille,
Pour m'attrister sur mon destin.

Sauve-moi la mort qui s'avance,
L'ignominie et la terreur.

Penche vers moi dans ta clémence,
Ton front où se peint la douleur.

X. Marmier.

Mignon.

(De Goethe.)

Connais-tu la contrée où les citrons fleurissent,
Où croit l'orange d'or sous un feuillage obscur?
Là plane un vent léger venu d'un ciel d'azur,
Là près du myrte vert, les beaux lauriers grandissent.
La connais-tu ? C'est là, mon bien-aimé, dis-moi,

C'est là que je voudrais m'en aller avec toi.

Connais-tu la maison avec sa colonnade!
La chambre est bien parée et le salon brillant,
Et les marbres sculptés semblent en me voyant,
Dire: Que t'a-t-on fait, ô pauvre enfant malade?
La connais-tu ? C'est là, mon protecteur, dis-moi,
C'est là que je voudrais m'en aller avec toi.

Connais-tu la montagne élevée au nuage?
Le mulet y poursuit son chemin nébuleux;
Le dragon y repose au fond d'un antre affreux,
Et le torrent bondit avec le roc sauvage.

La connais-tu ? C'est-là, mon père, oh! dis-le moi,
C'est là qu'il te faudra m'emmener avec toi.

X. Marmier.

La malédiction du chanteur.

(D'après d'Uhland.)

I.

Autrefois un château couronnait ces hauteurs:

Il dominait la terre, il dominait les vagues;
Des jardins embaumés l'environnaient de fleurs
Et le chant des oiseaux s'y mêlait aux bruits vagues
Du feuillage inquiet et des sources en pleurs.

Victorieux et fier de ses vastes domaines,
Un monarque habitait ces murailles hautaines.
L'épouvante siégeait sur son front ténébreux;
Ses regards étaient pleins de sentences prochaines,
Le meurtre ensanglantait ses discours et ses jeux.

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