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Plus d'argent qu'ils ne m'ont coûté.
S'il me fallait les vendre,

J'aimerais mieux me pendre;

J'aime Jeanne, ma femme,

Eh bien! j'aimerais mieux

La voir mourir, que voir mourir mes boeufs.

Les voyez-vous, les belles bêtes,
Creuser profond et tracer droit,
Bravant la pluie et les tempêtes,
Qu'il fasse chaud, qu'il fasse froid.
Lorsque je fais halte pour boire,
Un brouillard sort de leurs naseaux,
Et je vois sur leur corne noire
Se poser les petits oiseaux.

S'il me fallait, etc.

Ils sont forts comme un pressoir d'huile,
Ils sont plus doux que des moutons;
Tous les ans, on vient de la ville
Les marchander dans nos cantons,
Pour les mener aux Tuileries,
Au mardi-gras devant le roi,
Et puis les vendre aux boucheries;
Je ne veux pas, ils sont à moi.
S'il me fallait, etc.

Quand notre fille sera grande,
Si le fils de notre régent

En mariage la demande,

Je lui promets tout mon argent;

Mais si pour dot il veut qu'on donne

Les grands boeufs blancs marqués de roux, Ma fille, laissons la couronne

Et ramenons les boeufs chez nous.

S'il me fallait les vendre,
J'aimerais mieux me pendre;
J'aime Jeanne, ma femme,

Eh! bien, j'aimerais mieux

La voir mourir, que voir mourir mes boeufs. Pierre Dupont.

Les Louis d'or.

Un soir, le long de la rivière,
Sous l'ombre des noirs peupliers,
Près du moulin de la meunière,
Passait un homme de six pieds;
Il avait la moustache grise,

Le chapeau rond, le manteau bleu ;
Dans ses cheveux sonfflait la bise,
C'était le diable ou le bon Dieu.
Sa voix qui sonnait comme un cuivre
Et qui rendait le son du cor,
Me dit: „Au bois il faut me suivre,
„Je te promets cent Louis d'or!"

Je le suivis sans résistance,
Par son oeil rouge ensorcelé ;
Il m'aurait montré la potence,
Que je n'aurais pas reculé ;
Il marchait plus vite qu'un lièvre
Et n'avait pas l'air de courir;

La frayeur me donnait la fièvre,
Je croyais que j'allais mourir.
Mais lui, pour me faire revivre,
Disait, rendant le son du cor:
„Au fond du bois il faut me suivre,
„Je te promets cent Louis d'or!

Au fond du bois nous arrivâmes ;
Il faisait nuit, les arbres verts
Jetaient dans l'air de vertes flammes,
Je crus entrer dans les enfers;
J'entends un bruit épouvantable
Et je vois mon homme tout nu:
Hola! je reconnais le diable
A sa queue, à son front cornu;
Il me fait voir ouvert un livre
Où rien n'était écrit encor,

Et me dit de sa voix de cuivre:

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Veux-tu gagner cent Louis d'or!

„Jure ton sang, jure ton âme,
„Jure le diable et jure Dieu,
Que tu n'épouseras pas femme
"Ni du hameau, ni d'autre lieu,
„Au moins avant ta quarantaine,
„Et qu'on te verra tous les jours
Courir de fredaine en fredaine,
"Sans te fixer dans tes amours."
Quand sa griffe eut rougi le livre,
Sa voix résonna comme un cor;
Il me dit: Signe et je te livre,
En or sonnant, cent Louis d'or!"

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Au lieu de signer sur la page
Où le diable avait mis ses doigts,
Je songeai qu'il était plus sage
De faire un grand signe de croix.
Le diable partit en fumée,
Et je fus transportés soudain
Chez ma meunière bien aimée
Dans une chambre du moulin
Elle disait: Tiens, je te livre
Mon coeur, mon moulin, mon trésor
Elle avait en gros sous de cuivre,
La belle avait cent Louis d'or!

Pierre Dupont.

Les vingt sous de Périnette.

Périne a trouvé vingt sous!
J'en achèterai, dit-elle,
"Un ruban pour être belle
„A la fête au bois des houx.<

Pourquoi ce ruban superbe,
Enfant, sur vos noirs cheveux ?
Un bluet cueilli dans l'herbe
Sans rien coûter vous va mieux.
Ah! ah! ah! ah!

Périnette,

La brunette

Aux yeux doux,

Que ferez-vous, ma Périnette,

Que ferez-vous de vos vingt sous

Eh bien

avec cet argent,

Dit la jeune fille en peine, „Je doterai Madelaine,

„L'orpheline au vieux sergent!*

C'est noble à vous, ma chérie,

De songer à la pourvoir;

Mais pour vingt sous, je vous prie, Quel mari peut-elle avoir?

Ah! ah! ah! ah!

Périnette, etc.

Dans son coeur se ravisant,

„Oh! dit l'enfant bonne et sage,
,Aux pauvres de mon village,
Tenez, j'en ferai présent!"
Périne, c'est peu d'aumône

Pour calmer tant de douleur;
Mais puisque du coeur qui donne

Tout cadeau prend sa valeur,

Dieu vous voit, Périnette,

La brunette

Aux yeux doux,

Et Dieu là-haut, ma Périnette,

Se souviendra de vos vingt sous!

Hippolyte Guérin.

Le bon curé.

C'était un curé de campagne;

Il donnait jusqu'à ses habits,

Disant que ce qu'un pasteur gagne

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