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Le bal.

Heureux temps, où j'aimais la danse pour la danse;
Où, la veille d'un bal, durant la nuit, mes yeux
Voyaient, demi-fermés, se former en cadence
Mille groupes joyeux!

Où mon réveil était un bonheur, un délire,
Où la première alors j'étais toujours debout,
Où mon coeur battait d'aise, où par un long sourire
Je répondais à tout.

Où, sans savoir encor, si j'étais laide ou belle,
J'ornais mes noirs cheveux d'une riante fleur,
Sans que mon front gardât, riant et pur comme elle,
Des traces de douleur!

Car j'ignorais alors que le ciel à la femme
Eût dit: Tu grandiras pour aimer et souffrir!"
Et qu'aimer et souffrir fût même chose à l'âme,
Et fît toujours mourir.

Heureux temps, où mes pieds, dans leur folle vitesse,
Semblaient ne pas poser sur le parquet glissant,
Où mes regards, n'ayant ni langueur ni tristesse,
Trouvaient tout ravissant;

Où je ne cherchais pas, jalouse et soucieuse,
Du regard un regard, d'une main une main ;
Où le bal le plus beau, pour mon âme oublieuse,
Était sans lendemain ;

Où jamais au retour, une pensée amère,
N'ayant entremêlé de pleurs un court adieu,
Je m'endormais, donnant un baiser à ma mère,
Une prière à Dieu!

Que l'on m'eût dit alors: tu deviendras rêveuse,
Puis triste, toujours triste, et j'aurais ri longtemps,
Sans comprendre qu'on pût se trouver malheureuse
Plus de quelques instants!

Car ma jeune âme était paisible comme l'onde
Sur laquelle un beau jour avant l'orage a lui,
Et souriait au monde, hélas! tant que ce monde
Pour moi n'était pas lui!

Mme Valdor.

Une nuit d'exil.

D'un jour d'exil sonne la dernière heure;
Autour de moi tout, hélas ! dort en paix;
Je veille seule en ma triste demeure,
Seule, livrée à d'éternels regrets.

Je pense à toi, bon et généreux père,
Dès ton automne au cercueil descendu!
Je pense à vous, ami noble et sincère,
Vous, égorgé sous mon oeil éperdu!

Je vois toujours cet échafaud horrible
Qu'à la vertu le crime osa dresser;

J'entends toujours l'adieu qu'un coeur sensible
Dut tant souffrir de ne point m'adresser !

Depuis ce coup, qui m'eût ôté la vie,
Si le chagrin nous ouvrait le tombeau,
Chaque moment de ma longue agonie
Me vit gémir sur un revers nouveau.

J'ai tout perdu, bonheur, santé, richesse;
Et, quand par eux pouvaient finir mes maux,
Il m'a fallu douter de la tendresse
De ces amis qui m'ont dû le repos !

L'aspect d'un fils et l'amour d'une mère
Savaient encore au monde m'attacher,
Entre leurs bras j'oubliais ma misère;
Mais de leurs bras je me vis arracher.

Loin d'eux j'habite une perfide terre
Où d'un époux m'attendaient les malheurs;
Je vois ses yeux, privé de la lumière,
Ne plus s'ouvrir que pour verser des pleurs!

De ce tableau, qui par degrés me tue,
Je veux en vain m'épargner la douleur;
Si quelquefois j'en détourne ma vue,
Je le retrouve aussitôt dans mon coeur.

Matin et soir en tous lieux il m'obsède,
Il vient la nuit en rêve me chercher :
A ma souffrance il n'est point de remède,
Et je n'ai pas un coeur où l'épancher!

Toi, des mortels l'incorruptible juge,

Qui seul connais mes tourments, mes combats,
Du malheureux cher et dernier refuge,
Dieu de bonté ne m'abandonne pas !

Prends en pitié mon trouble déplorable;
Dieu, soutiens-moi contre l'adversité;
Ne permets pas qu'un désespoir coupable
M'ôte le jour et ton éternité !

O doux effet d'une ardente prière !
J'ai recouvré le calme et la raison;
Un sommeil pur vient clore ma paupière;
Dieu! je m'endors en bénissant ton nom.

Mad. Dufrenoy.

La mer de la Grèce.

Et nos plaisirs rêveurs! les vagues et leur bruit,
Les étoiles, le chant prolongé dans la nuit ;
Souvenir qui me trouble encore!

Et nous lisions Homère; et dès la blonde aurore,
Je sentais, vers la mer l'oeil fixé tout le jour,
Pour l'eau bleue et profonde un indicible amour,
Et j'écoutais le vent sonore.

Oh! c'était un charme puissant
D'entendre sa présence à la poupe fidèle,

Et de voir le vaisseau, sur l'onde alors glissant,
Fuir et pencher sa voile, ainsi qu'une hirondelle,
Quand, rasant l'eau joyeuse, elle y trempe son aile.

Pierre Lebrun.

L'hirondelle.

Dis-moi, légère hirondelle,

Quand le printemps renouvelle
La parure de nos champs,
De quelles terres lointaines
Reviens-tu, jusqu'en nos plaines,
Répéter tes jolis chants?

L'an passé, quand la verdure
Se fanait par la froidure,

Tu nous faisais tes adieux.
Mais elle vient de renaître,
Et tu viens de reparaître
Avec ton babil joyeux.

Mais, dis-moi, dans ton voyage
Quel guide fidèle et sage
T'a conduite en ton chemin ?
Dis-moi, gentille hirondelle!
Est-ce sa voix qui t'appelle
Et t'eveille au grand matin?

Qui te montre la contrée
Où ta place est preparée

Plus loin que la vaste mer?
Qui te dit qu'en nos campagnes,
Nos hameaux et nos montagnes,
A fini le froid hiver?

Je le sais, vive hirondelle,
C'est Celui qui renouvelle

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