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Qu'embellissait la moisson d'or;
Sous un ciel d'hiver qui grésille,
Un nid de frimas se garnit;
Où sont l'oiselle et sa famille
Qui dormaient naguère en ce nid?

Cette couche est vide et glacée,
Si chaude et si pleine au printemps;
Mais elle rend à ma pensée
Les harmonieux habitants:

Au fond, un débris de coquille
Atteste que Dieu la bénit;

Où sont l'oiselle et sa famille

Qui dormaient naguère en ce nid?

Aux yeux naïfs de la bergère,
Enclose en son noir capuchon,
S'offre la couchette légère
Qu'assiège plus d'un blanc flocon:
Sur sa joue une larme brille,
Et sa bouche tristement dit:
Où sont l'oiselle et sa famille
Qui dormaient naguère en ce nid?

Là, sous sa garde maternelle,
Je crois voir ce groupe charmant,
Faible encore, essayer son aile,
Puis se perdre au bleu firmament,
Comme une âme de jeune fille,
Vers son ange qui lui sourit.

Où sont l'oiselle et sa famille
Qui dormaient naguère en ce nid?

Chef-d'oeuvre d'amour et de grâce,
Que te veut l'affreux tourbillon?
Pourquoi faut-il que le temps passe
Sa faux dans ton humble sillon!
Hélas! la joyeuse faucille

Sans t'insulter te découvrit :

Où sont l'oiselle et sa famille

Qui dormaient naguère en ce nid?

On dirait que le ciel s'abaisse
Sur nous tous chargé de frimas;
Combien d'oiseaux que la faim presse,
Tombent roidis dans nos climats !
Heureux ceux qu'octobre éparpille
Aux bords que zéphyr rajeunit!
Où sont l'oiselle et sa famille
Qui dormaient naguère en ce nid?

Et mon coeur, transi de souffrance,
Mort à ses jeunes visions,
Regrette l'âge où l'espérance
Lui couvait tant d'illusions.

Plus de concerts sous la charmille!
L'hiver à mes chagrins s'unit.

Où sont l'oiselle et sa famille

Qui dormaient naguère en ce nid?

Lafon Labatur.

Commande, je serai docile.

Si je viens à passer, sur ton front, en tremblant,
Hélas! n'abaisse plus ainsi ton voile blanc,
Toute rouge et toute troublée ;

Au bras qui te conduit n'attache plus ton bras;
Comme pour m'éviter, ne presse plus tes pas
Vers quelque solitaire allée.

Désormais, si ma vue éveille tes remords,

Eh bien parle, arrêtons sous quel ciel, vers quels bords

Il faut pour toi que je m'exile;

Ton amour fut ma paix, mon bonheur, mon soutien, Qu'aujourd'hui mon repos ne trouble plus le tien; Commande, je serai docile.

Alors tes yeux ternis reprendront leur azur,
Le jour, comme autrefois, naîtra limpide et pur,
La nuit s'écoulera sans fièvre;

Tu t'abandonneras à ta sécurité,

Et l'innocence aimable et la douce gaîté
Souriront encor sur ta lèvre.

Dis un mot et je pars. Sans trop d'ennuis pour toi, Si je puis cependant demeurer, souffre-moi;

Et, lorsqu'au détour d'une rue,

Tout-à-coup à tes yeux m'offrira le hasard,

Passe libre et sans peur; ne crains pas mon regard, Je ne t'aurai pas reconnue.

Seulement, je t'en prie! oh! quand tu seras loin,
Quand je pourrai braver et soupçons et témoin,
Vers toi que je tourne la tête,

Pour observer encor ton pas modeste et lent,
Et tout ce qu'à mon coeur ce marcher indolent
Rappelle de grâce secrète.

Alors, alors mon coeur bondira! mille accords,
Mille voeux dans mon coeur retentiront alors,
Et se répandront sur ta route!

Et mille illusions, mille prospérités,

Comme des anges purs, iront à tes côtés,
Si ce jour-là le ciel m'écoute !

Brizeux.

Bonheur domestique.

Tous les jours m'apportaient une lettre nouvelle.
On m'écrivait: „Ami, viens, la saison est belle;
„Ma femme a fait pour toi décorer sa maison,
„Et mon petit Arthur sait bégayer ton nom."
Je partis, et deux jours d'une route poudreuse
M'amenèrent enfin à la maison heureuse,

A la blanche maison de mes heureux amis.
J'entrai, l'heure sonnait; autour d'un couvert mis,
Dès le seuil j'aperçus, en rond sous la charmille,
Pour le repas du soir la riante famille.

C'est lui! c'est lui!"

Soudain et siéges et repas,

On quitte tout, on court, on me presse en ses bras;

Et puis les questions, les pleurs mêlés de rire;
Et ces mots que toujours on se reprend à dire :
C'est donc lui! le voilà! le voilà près de nous!"
Moi, je serrais les mains à ces tendres époux,
Et j'appelais Arthur qui, le doigt dans sa bouche,
De loin me regardait d'un oeil noir et farouche.
Enfin on se rassied.

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Rougissante à demi,

Vraiment de ton ami

Tant de fois tu parlas que, moi, sans le connaître, Je le jugeais ainsi, mais moins pâle peut-être."

Et toi, de mon Emma que dis-tu? Sans façon ? Le paresseux pourtant de demeurer garçon!

Non, non, laissez-moi faire; en ce bourg j'en sais une,

Comme il les sait aimer, douce, élégante et brune,
Presque une autre Marie. Ah! poëte, tes vers
Nous ont souvent distraits de l'ennui des hivers :
Oh! la jolie enfant! mais les fraîches couronnes
Que tu cueilles pour elle et dont tu l'environnes !"
Dans le calme, la paix, les bienveillants discours,
Huit jours chez ces amis ont passé, mais si courts,
Si légers, que mon âme alors rassérénée
Comme ailleurs un instant eût vu fuir une année.
Là nul vide rongeur, mais les soins du foyer,
L'ordre, pour chaque jour un travail régulier,
Une table modeste et pourtant bien remplie,
Cette gaîté de coeur qui se livre et s'oublie,
Autour de soi l'aisance, un parfum de santé,
Et toujours et partout la belle propreté;

Le soir, le long des blés cheminer dans la plaine,

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