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Puis j'irais sur les tourelles,
Où sont de pauvres captifs,

En leur cachant bien mes ailes,
Former des accords plaintifs.

L'un sourit à ma visite;

L'autre rêve dans son gîte

Aux champs, on fut son berceau.

Je volerais vite, vite, vite,

Si j'étais petit oiseau.

Puis voulant rendre sensible
Un roi, qui fuirait l'ennui,
Sur un olivier paisible
J'irais chanter près de lui:
Puis j'irais jusqu'où s'abrite
Quelque famille proscrite,
Porter de l'arbre un rameau.

Je volerais vite, vite, vite,
Si j'étais petit oiseau.

Béranger.

Mon habit.

Sois-moi fidèle, ô pauvre habit, que j'aime !
Ensemble nous devenons vieux.

Depuis dix ans je te brosse moi-même,
Et Socrate n'eût pas fait mieux.
Quand le sort à ta mince étoffe

Livrera de nouveaux combats,

Imite-moi, résiste en philosophe.

Mon vieil ami, ne nous séparons pas.

Je me souviens, car j'ai bonne mémoire,
Du premier jour où je te mis;

C'était ma fête, et pour comble de gloire,
Tu fus chanté par mes amis.

Ton indigence, qui m'honore

Ne m'a point banni de leurs bras: Tous ils sont prêts à nous fêter encore; Mon vieil ami, ne nous séparons pas.

A ton revers j'admire une reprise;
C'est encore un doux souvenir.
Feignant un soir de fuir la tendre Lise,
Je sens sa main me retenir.

On te déchire, et cet outrage

Auprès d'elle enchaîne mes pas.
Lisette a mis deux jours à tant d'ouvrage;
Mon vieil ami, ne nous séparons pas.

T'ai-je imprégné des flots de musc et d'ambre
Qu'un fat exhale en se mirant?
M'a-t-on jamais vu dans une antichambre
T'exposer au mépris d'un grand?
Pour des rubans la France entière
Fut en proie à de longs débats;

La fleur des champs brille à ta boutonnière;
Mon vieil ami, ne nous séparons pas.

Ne crains plus tant ces jours de courses vaines,
Où notre destin fut pareil;

Ces jours mêlés de plaisirs et de peines,

Mêlés de pluie et de soleil.

Je dois bientôt, il me le semble,
Mettre pour jamais habit bas :

Attends un peu, nous finirons ensemble:
Mon vieil ami, ne nous séparons pas.

Béranger.

Rêve de Jeanne d'Arc dans sa prison.

Je reconnais les fleurs, que vos pas ont foulées;
Compagnes du hameau, venez, c'est votre soeur,
Votre soeur, libre enfin, qui de l'air des vallées
N'a point oublié la douceur!

Pendant qu'on travaillait à la moisson vermeille.
Ma moisson de lauriers s'est faite... Oh! venez voir!
Je reviens sous mon toit, comme une jeune abeille
Rentre dans sa ruche le soir.

Je verrai mes troupeaux chercher, à chaque aurore,
L'onduleus e vapeur, qui suit le cours des eaux.
Mes mains travailleront le lin, qui pend encore
A ma quenouille de roseaux.

Doux vallons, où passa mon enfance inconnue,
Comme une jeune fleur, que l'on cache aux autans,
Comme au beau lac, qui réfléchit la nue

Passe une hirondelle au printemps.

De vos prés, de vos champs, une image adorée
Me suivait sous l'azur flottant de mon drapeau,
Et je reviens mourir où je serai pleurée;

Mes soeurs, vous aurez mon tombeau !
Gardez, oh! gardez-moi ma place au cimetière

Un peu d'ombre, et la pierre où retrouvant mon nom, Le voyageur dira sa plus longue prière

A genoux sur le haut gazon!...

A. Soumet.

Malfilâtre.

Sans qu'un ami vienne et me pleure,
Je perds déjà mon avenir;

Et du cercueil j'invoque l'heure,

Sans espérer un souvenir.

Depuis trois jours, jours de souffrance,

La faim s'agite dans mon sein;
La gloire était mon espérance:
O gloire donne-moi du pain.

Au cercle des grands en délire
Je souriais dans ma douleur:
Ils écoutaient ma jeune lyre,
Ils ne voyaient pas ma pâleur.
La faim m'attendait sur ma couche,
Pour m'éveiller le lendemain.

Mes vers couraient de bouche en bouche,
Et moi, je n'avais pas de pain.

Peut-être un jour mon nom célèbre
Eût échappé des mains du temps;
Et le malheur, d'un vol funèbre,
Emporte au loin tout mon printemps.
Le soir, battu d'un long orage,

Si j'eusse osé tendre la main ...
Mais la misère est sans courage:
Nul ne m'offrait un peu de pain.

Passant par toutes les alarmes,
Je sens mon esprit s'égarer;
La fièvre a desséché mes larmes,
Et je voudrais en vain pleurer.
Tout s'échappe de ma mémoire,
Mon désespoir seul est certain :
Si je-meurs, je n'ai plus de gloire ;
Si je vis, je n'ai plus de pain.

Des feux du soir le ciel se dore,
Du jour qui meurt fuit le flambeau;
Mourant, je crois le voir encore,
Avant d'entrer dans le tombeau."
Il dit, se lève, puis retombe,

Pâle, et sa plainte appelle en vain.

Tout se tait comme dans la tombe...

Il ne demande plus de pain.

Belmontet.

Le tombeau et la fleur.

Triste décret du ciel!... Une femme, une mère,
Avait vu son enfant couché dans le cercueil;
Et tout ce qu'elle aimait, sa joie et son orgueil,
Dormir sous quelques pieds de terre!

Époux, amis, parents... que de soins superflus

Pour ranimer l'espoir en ce coeur qui succombe!...

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