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Forma Pallas qu'on vit paroître.
Que fit Vénus? Troie enflamma.
Que fit Pallas? Terreur sema.

Dès à l'instant qu'oeuvre pareille
Aux yeux de nature éclata,
Nature en son sein projeta
D'enfanter plus douce merveille :
Fit la rose, amour des zéphirs,
Et qui n'est que paix et plaisirs.

F. A. P. de Moncrif.

Le hameau.

Rien n'est si beau

Que mon hameau.

O quelle image!
Quel paysage
Fait pour vateau
Mon hermitage

Est un berceau

Dont le treillage

Couvre un caveau.
Au voisinage,

C'est un ormeau,
Dont le feuillage
Prête un ombrage
A mon troupeau;
C'est un ruisseau
Dont l'onde pure

Peint sa bordure

D'un vert nouveau.
Mais c'est Silvie

Qui rend ces lieux
Dignes d'envie,
Dignes des dieux.
Là, chaque place
Donne à choisir
Quelque plaisir

Qu'un autre efface.
C'est à l'entour

De ce domaine
Que je promène
Au point du jour
Ma souveraine.

Si l'aube en pleurs
A fait éclore

Moissons de fleurs,

Ma jeune Flore
A des couleurs

Qui près des leurs,

Brillent encore....

Assis auprès,

Comus après

Joint à Pomone

Ce qu'il nous donne A peu de frais,

Gaîté nouvelle

Quand le vin frais,
Coule longs traits;

Toujours la belle
Donne, ou reçoit,
Fuit, ou m'appelle,
Rit, aime, ou boit.
Le chant succède,
Et ses accens
Sont l'intermède

Des autres sens.

La voix se mêle

Aux doux hélas

De Philomèle,

Qui, si bien, qu'elle

Ne chanta pas.

Telle est la chaîne

De nos désirs,

Nés sans soupirs.

Comblés sans peine
Et qui ramène
De nos plaisirs
L'heure certaine.

O vrai bonheur,
Si le temps laisse
Durer sans cesse,
Chez moi vigueur,

Beauté chez elle,

Jointe à l'humeur

D'être fidèle!

Qu'à pleines mains,

Le ciel prodigue

Comble et fatigue
D'autres humains:

Moi, sans envie

Je chanterai

Avec Silvie;

Je jouirai,

Et je dirai

Toute la vie :

Rien n'est si beau

Que mon hameau.

P. J. Bernhard.

Fragment du chant premier des jardins.

Du marbre, de l'airain que le luxe prodigue,
Des ornemens de l'art l'oeil bientôt se fatigue;
Mais les bois, mais les eaux, mais les ombrages frais,
Tout ce luxe innocent ne fatigue jamais.

Aimez donc des jardins la beauté naturelle.

Dieu lui-même aux mortels en traça le modèle.
Regardez dans Milton *. Quand ses puissantes mains
Préparent un asyle aux premiers des humains;
Le voyez-vous tracer des routes régulières?
Contraindre dans leurs cours des ondes prisonnières ?
Le voyez-vous parer d'étrangers ornemens
L'enfance de la terre et son premier printemps?
Sans contrainte, sans art, de ces douces prémices
La nature épuisa les plus pures délices.

Les Anglais prétendent, que c'est cette belle description du paradis terrestre (chant IV.) qui a donné l'idée des jardins irréguliers.

Des plaines, des côteaux le mélange charmant,
Les ondes à leur choix errantes mollement,
Des sentiers sinueux les routes indécises,

Le désordre enchanteur, les piquantes surprises,
Des aspects où les yeux hésitoient à choisir,
Varioient, suspendoient, prolongeoient leur plaisir.
Sur l'émail velouté d'une fraîche verdure,
Mille arbres, de ces lieux ondoyante parure,
Charme de l'odorat, du goût et des regards,
Élégamment groupés, négligemment épars,

Se fuyoient, s'approchoient, quelquefois à leur vue
Ouvroient dans le lointain une scène imprévue ;
Ou, tombant jusqu'à terre, et recourbant leurs bras,
Venoient d'un doux obstacle embarrasser leurs pas;
Ou pendoient sur leur tête en festons de verdures
Et de fleurs, en passant, semoient leur chevelure.
Dirai-je ces forêts d'arbustes, d'arbrisseaux,
Entrelacant en voûte, en alcove, en berceaux,
Leurs bras voluptueux et leurs tiges fleuries?

C'est là que, les yeux pleins de tendres rêveries
Êve, à son jeune époux abandonna sa main,
Et rougit comme l'aube aux portes du matin.
Tout les félicitait dans toute la nature,
Le ciel par son éclat, l'onde par son murmure
La terre, en tressaillant ressentit leurs plaisirs ;
Zéphyre aux antres verts rédisait leurs soupirs;
Les arbres fremissoient, et la rose inclinée
Versoit tous ses parfums sur le lit d'Hyménée,
O bonheur ineffable; ô fortunés époux!

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