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L'idylle.

Telle qu'une bergère, au plus beau jour de fête,
De superbes rubis ne charge point sa tête,
Et sans mêler à l'or l'éclat des diamans,

Cueille en un champ voisin ses plus beaux ornemens :
Telle, aimable en son air, mais humble dans son style
Doit éclater sans pompe une élégante idylle.
Son tour simple et naïf n'a rien de fastueux,
Et n'aime point l'orgueil d'un vers présomptueux.
Il faut que sa douceur flatte, chatouille, éveille,
Et jamais de grands mots n'épouvante l'oreille.
Mais souvent dans ce style, un rimeur aux abois,
Jette-là, de dépit, la flûte et le hautbois;
Et follement pompeux, dans sa verve indiscrète,
Au milieu d'une églogue entonne la trompette.
De peur de l'écouter, Pan fuit dans les roseaux,
Et les Nymphes, d'effroi, se cachent sous les eaux.
N. Boileau. (L'art poétique, 2 Chant.)

Les moutons.

Hélas, petits moutons, que vous êtes heureux!
Vous paissez dans nos champs sans souci, sans alarmes.
Aussitôt aimés qu'amoureux,

On ne vous force point à répandre des larmes ;

Vous ne formez jamais d'inutiles désirs,

Dans vos tranquilles coeurs l'amour suit la nature;

Sans ressentir ses maux, vous avez ses plaisirs.
L'ambition, l'honneur, l'intérêt, l'imposture,
Qui font tant de maux parmi nous,

Ne se rencontrent point chez vous.
Cependant nous avons la raison pour partage,
Et vous en ignorez l'usage.

Innocens animaux, n'en soyez point jaloux;
Ce n'est pas un grand avantage.

Cette fière raison, dont on fait tant de bruit,
Contre les passions n'est pas un sûr remède.
Un peu de vin la trouble, un enfant la séduit ;
Et déchirer un coeur qui l'appelle à son aide,
Est tout l'effet qu'elle produit.

Toujours impuissante et sévère,

Elle s'oppose à tout, et ne surmonte rien.
Sous la garde de votre chien

Vous devez beaucoup moins redouter la colère
Des loups cruels et ravissans,

Que sous l'autorité d'une telle chimère
Nous ne devons craindre nos sens.

Ne vaudroit-il pas mieux vivre, comme vous faites
Dans une douce oisiveté ?

Ne vaudroit-il pas mieux être, comme vous êtes,
Dans une heureuse obscurité,

Que d'avoir sans tranquillité
Des richesses, de la naissance,
De l'esprit et de la beauté ?

Ces prétendus trésors dont on fait vanité,
Valent moins que votre indolence.

Ils nous livrent sans cesse à des soins criminels.

Par eux plus d'un remords nous ronge.

Nous voulons les rendre éternels,

Sans songer qu'eux et nous passerons comme un songe. Il n'est dans ce vaste univers

Rien d'assuré, rien de solide;

Des choses d'ici-bas la fortune décide

Selon ses caprices divers :

Tout l'effort de notre prudence

Ne peut nous dérober au moindre de ses coups, Paissez, moutons, paissez, sans règle et sans science, Malgré la trompeuse apparence

Vous êtes plus heureux et plus sages que nous.

Chanson.

Antoinette Deshoulières.

Printemps aimable et gracieux,

Père des fleurs et des amours nouvelles,
Tu nous renouvelles

Tes dons précieux;

Belle peinture,

Belle verdure,

Par qui tout fleurit,

Par qui tout rajeunit;

Ta grâce

Fait changer de face

A tout ce qui vit.

Hélas! tout change,

Hors le mal étrange

Dont mon coeur languit.

J. R. Segrais.

La rose.

Rose est des dieux la fleur choisie,
L'ornement du jardin d'amour,
Des nymphes l'innocent atour,
Des mortels rose est l'ambroisie.
En parfum, en grâce, en couleurs,
Rose est bien la reine des fleurs.

Charme de tout ce qui respire,
Qui la rose ne chériroit?
Si tristesse la rencontroit,
On verroit tristesse sourire.
En parfum, en grâce, en couleurs,
Rose est bien la reine des fleurs.

C'est un ciel de roses écloses,
Qu'offre l'aurore en sa clarté :
Des trois grâces la nudité
S'embellit d'un rézeau de roses.
En parfum en grâce, en couleurs,
Rose est bien la reine des fleurs.

Nymphes, la douce destinée!

Les chansons, les fleurs, le printemps,
Voilà vos plus chers passe-temps;
Sachez comment la rose est née:
De chose si plaisante à voir,
L'origine est belle à savoir.

Par un beau jour la mer fit naître
Vénus, Vénus, objet si beau:

Puis Jupiter en son cerveau

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