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Le roi près du flatteur, l'esclave avec le maître,
Legion de méchans, honteux de se connaître,
Et livrés pour jamais au céleste courroux.

Le juste enfin remporte la victoire,
Et de ses longs combats, au sein de l'Éternel,
Il se repose environné de gloire ;

Ses plaisirs sont au comble, et n'ont rien de mortel,
Il voit, il sent, il connait, il respire

Le Dieu qu'il a servi, dont il aima l'empire;
Il en est plein; il chante ses bienfaits;

L'Éternel a brisé son tonnerre inutile;

Et d'ailes et de faux dépouillé désormais,
Sur les mondes détruits le temps dort immobile.

Gilbert

Consolation à Mr da Perrier.

Ta douleur, du Perrier, sera donc éternelle?
Et les tristes discours

Que te met en l'esprit l'amitié paternelle
L'augmenteront toujours?

Le malheur de ta fille au tombeau descendue
Par un commun trépas,

Est-ce quelque dédale où ta raison perdue
Ne se retrouve pas ?

Je sais de quels appas son enfance était pleine,
Et n'ai pas entrepris,

Injurieux ami, de soulager ta peine

Avec que son mépris.

Mais elle était du monde, où les plus belles choses
Ont le pire destin;

Et rose, elle a vécu ce que vivent les roses :
L'espace d'un matin.

Penses-tu que plus vieille en la maison céleste
Elle eût eu plus d'accueil,

Ou qu'elle eût moins senti la poussière funeste
Et les vers du cercueil ?

Non, non, cher du Perrier; aussitôt que la parque Ote l'âme du corps,

L'âge s'évanouit au deçà de la barque,

Et ne suit point les morts.

Ne te lasse donc plus d'inutiles complaintes,
Mais, sage à l'avenir,

Aime une ombre comme ombre, et des cendres éteintes
Éteins le souvenir.

La mort a des rigueurs à nulle autre pareilles :
On a beau la prier;

La cruelle qu'elle est se bouche les oreilles,
Et nous laisse crier.

Le pauvre en sa cabane, où le chaume le couvre,
Est sujet à ses lois;

Et la garde qui veille aux barrières du Louvre
N'en défend point nos rois.

De murmurer contre elle et perdre patience
Il est mal à propos;

Vouloir ce que Dieu veut est la seule science
Qui nous met en repos.

Malherbe.

La retraite.

Tyrcis, il faut penser à faire la retraite :
La course de nos jours est plus qu'à demi faite,
L'âge insensiblement nous conduit à la mort,
Nous avons assez vu sur la mer de ce monde
Errer au gré des vents notre nef vagabonde;
Il est temps de jouir des délices du port.

Le bien de la fortune est un bien périssable;
Quand on bâtit sur elle, on bâtit sur le sable;
Plus on est élevé, plus on court de dangers;

Les grands pins sont en butte aux coups de la tem

pête,

Et la rage des vents brise plutôt le faîte

Des maisons de nos rois, que des toits des bergers.

O bienheureux celui qui peut de sa mémoire
Effacer pour jamais ce vain espoir de gloire,
Dont l'inutile soin traverse nos plaisirs,
Et qui loin retiré de la foule importune,
Vivant dans sa maison content de la fortune,
A selon son pouvoir mesuré ses désirs!

Il laboure le champ que labourait son père:
Il ne s'informe point de ce qu'on délibère
Dans ces graves conseils, d'affaires accablés ;
Il voit sans intérêt la mer grosse d'orages,
Et n'observe des vents les sinistres présages,
Que pour le soin qu'il a du salut de ses blés.

Roi de ses passions, il a ce qu'il désire;
Son fertile domaine est son petit empire,

Sa cabane est son Louvre et son Fontainebleau ;
Ses champs et ses jardins sont autant de provinces;
Et, sans porter envie à la pompe des princes,
Ils est content chez lui de les voir en tableaux.

Il voit de toutes parts prospérer sa famille,
La javelle à plein poing tomber sous la faucille,
Le vendangeur ployer sous le faix des paniers ;
Il semble qu'à l'envi les fertiles montagnes,
Les humides vallons et les grasses campagnes
S'efforcent à remplir sa cave et ses greniers.

Il coule sans chagrins les jours de sa vieillesse,
Dans ce même foyer où sa tendre jeunesse
A vu dans le berceau ses bras emmaillotés.
Il tient par les moissons registre des années,
Et voit de temps en temps leurs courses enchaînées,
Vieillir avec lui les bois qu'il a plantés.

S'il ne possède pas ces maisons magnifiques,
Ces tours, ces châpitaux, ces superbes portiques,

Où la richesse et l'art étalent leurs attraits;

Il jouit des beautés qu'ont les saisons nouvelles,
Il voit de la verdure et des fleurs naturelles
Qu'en ces riches lambris l'on ne voit qu'en portraits.

Agréables déserts, séjour de l'innocence,

Où loin des vanités de la magnificence
Commence mon repos et finit mon tourment;
Vallons, fleuves, rochers, aimable solitude,
Si vous fûtes témoins de mon inquiétude,
Soyez-le désormais de mon contentement.

Racan.

La petite mendiante.

C'est la petite mendiante

Qui vous demande un peu de pain;
Donnez à la pauvre innocente,
Donnez, donnez, car elle a faim.
Ne rejetez pas sa prière!

Votre coeur vous dira pourquoi...
J'ai six ans, je n'ai plus de mère;
J'ai faim, ayez pitié de moi!

Hier, c'était fête au village,
A moi personne n'a songé;
Chacun dansait sous le feuillage,
Hélas! et je n'ai pas mangé.
Pardonnez-moi si je demande,
Je ne demande que du pain :

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