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C'est ainsi que ma muse au pied d'un vieux trophée A pu ressusciter de la lyre d'Orphée

Les magiques accords,

Que par des sons hardis ma trompette guerrière
Des Prussiens aux combats d'une illustre carrière
Excita les transports.

Dans le trouble des camps, aux rives de la Sale,
Tandis qu'à ses fureurs la discorde infernale
Livrait tout l'univers,

Que des antres du nord les neiges pacifiques
S'apprétaient à voiler tant d'images tragiques,
Phébus dicta ces vers.

Frédéric le Grand, roi de Prusse.

La convalescence.

O jours de la convalescence!
Jours d'une pure volupté !

C'est une nouvelle naissance,
Un rayon d'immortalité.

Quel feu

tous les plaisirs ont volé dans mon âme.

J'adore avec transport le céleste flambeau;

Tout m'intéresse, tout m'enflamme;

Pour moi l'univers est nouveau.

Sans doute que le Dieu qui nous rend l'existence, A l'heureuse convalescence

Pour de nouveaux plaisirs donne de nouveaux sens;

A ses regards impatients

Le chaos fuit, tout naît, la lumière commence;
Tout brille des feux du printemps.

Les plus simples objets, le chant d'une fauvette,
Le matin d'un beau jour, la verdure des bois,
La fraîcheur d'une violette,
Mille spectacles qu'autrefois

On voyait avec nonchalance,
Transportent aujourd'hui, présentent des appas
Inconnus à l'indifférence,

Et que la foule ne voit pas.

Gresset.

Le jugement dernier.

Quels biens vous ont produit vos sauvages vertus? „Justes, vous avez dit: Dieu nous protège en père, ,Et par-tout opprimés vous rampez abattus

,Sous les pieds du méchant dont l'audace prospère. Implorez ce Dien défenseur :

En faveur de ses fils qu'il arme sa vengeance,
Est-il aveugle et sourd? est-il d'intelligence
Avec l'impie et l'oppresseur !

Méchans, suspendez vos blasphèmes,

Est-ce pour le braver qu'il vous donna la voix?
Il nous frappe, il est vrai, mais, sans juger ses lois,
Soumis, nous attendons qu'il vous frappe vous-mêmes.
Ce soleil, témoin de nos pleurs,

,Amène à pas pressés le jour de sa justice,

„Dieu nous paîra de nos douleurs ;

„Dieu viendra nous venger des triomphes du vice.

Qu'il vienne donc ce Dieu, s'il a jamais été ! „Depuis que du malheur les vertus sont sujettes, L'infortuné l'appelle et n'est point écouté;

Il dort au fond du ciel sur ses foudres muettes. Et c'est-là ce Dieu généreux !

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„Et vous pouvez encore espérer qu'il s'éveille, , Allez, imitez-nous; et tandis qu'il sommeille, "Soyez coupables, mais heureux."

Quel bruit s'est élevé? la trompette sonnante
A retenti de tous côtés;

Et, sur son char de feu, la foudre dévorante
Parcourt les airs épouvantés.

C'es astres teints de sang, et cette horrible guerre
Des vents échappés de leurs fers,

Hélas! annoncent-ils aux enfans de la terre
Le dernier jour de l'univers ?

L'océan révolté loin de son lit s'élance,

Et de ses flots séditieux,

Court, en grondant, battre les cieux,

Tout prêts à le couvrir de leur ruine immense. C'en est fait l'Éternel, trop long-temps méprisé, Sort de la nuit profonde

Où, loin des yeux de l'homme, il s'était reposé; Il a paru: c'est lui; son pied frappe le monde, Et le monde est brisé.

Tremblez, humains; voici de ce juge suprême

Le redoutable tribunal:

Ici perdent leur prix l'or et le diadème ;
Ici l'homme à l'homme est égal;

Ici la vérité tient ce livre terrible

Où sont écrits vos attentats ;

Et la religion, mère autrefois sensible,
S'arme d'un coeur d'airain contre ses fils ingrats.

Sortez de la nuit éternelle,
Rassemblez-vous, âmes des morts;

Et reprenant vos mêmes corps,

Paraissez devant Dieu, c'est Dieu qui vous appelle. Arrachés de leur froid repos,

Les morts du sein de l'ombre avec terreur s'élancent, Et près de l'Éternel en désordre s'avancent

Pâles, et secouant la cendre des tombeaux.

O Sion! ô combien ton enceinte immortelle
Renferme en ce moment de peuples éperdus !
Le musulman, le juif, le chrétien, l'infidèle,
Devant le même Dieu s'assemblent confondus.
Quel tumulte effrayant! que de cris lamentables!
Ciel! qui pourrait compter le nombre des coupables:
Ici, près de l'ingrat,

Se cachent l'imposteur, l'avare, l'homicide,

Et ce guerrier perfide

Qui vendit sa patrie en un jour de combat.

Coupables, approchez:

De la chaîne des ans les jours de la clémence

Sont enfin retranchés.

Insultez, insultez aux pleurs de l'innocence:

Son Dieu dort-il? répondez-nous ?>

Vous pleurez? vains regrets! ces pleurs font notre joie.
A l'ange de la mort Dieu vous a promis tous;
Et l'enfer demande sa proie.

Mais d'où vient que je nage en des flots de clarté ?
Ciel! malgré moi, s'égarant sur ma lyre,

Mes doigts harmonieux peignent la volupté!
Fuyez pécheurs, respectez mon délire.

Je vois les élus du Seigneur

Marcher d'un front riant au fond du sanctuaire
Des enfans doivent-ils connaître la terreur
Lorsqu'ils approchent de leur père?

Quoi! de tant de mortels qu'ont nourris tes bontés,
Ce petit nombre, ô ciel! rangea ses volontés
Sous le joug de tes lois augustes!

Des vieillards! des enfans, quelques infortunés!
A peine mon regard voit entre mille justes,
S'élever deux fronts couronnés.

Que sont-ils devenus ces peuples de coupables
Dont Sion vit ses champs couverts?

Le Tout-puissant parlait; ses accens redoutables
Les ont plongés dans les enfers.

Là, tombent condamnés et la soeur et le frère,
Le père avec le fils, la fille avec la mère,
Les amis, les amans, et la femme et l'époux,

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