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POÉSIES DIVERSES.

Les femmes savantes.

C'est à vous que je parle, ma soeur.
Le moindre solécisme en parlant vous irrite;
Mais vous en faites, vous, d'étranges en conduite.
Vos livres éternels ne me contentent pas;
Et, hors un gros Plutarque à mettre mes rabats,
Vous devriez brûler tout ce meuble inutile,
Et laisser la science aux docteurs de la ville;
M'ôter, pour faire bien, du grenier de céans
Cette longue lunette à faire peur aux gens,
Et cent brimborions dont l'aspect importune;
Ne point aller chercher ce qu'on fait dans la lune,
Et vous mêler un peu de ce qu'on fait chez vous,
Où nous voyons aller tout sens-dessus-dessous.

Il n'est pas bien honnête, et pour beaucoup de causes,
Qu'une femme étudie et sache tant de choses:
Former aux bonnes moeurs l'esprit de ses enfants,
Faire aller son ménage, avoir l'oeil sur ses gens,
Et régler la dépense avec économie,

Doit être son étude et sa philosophie.

Nos pères, sur ce point, étaient gens bien sensés,
Qui disaient qu'une femme sait toujours assez,
Quand la capacité de son esprit se hausse

A connaître un pourpoint d'avec un haut-de-chausse.
Les leurs ne lisaient point; mais elles vivaient bien;

Leurs ménages étaient tout leur docte entretien,
Et leurs livres, un dé, du fil, et des aiguilles,
Dont elles travaillaient un trousseau de leurs filles.
Les femmes d'à-présent sont bien loin de ces moeurs:
Elles veulent écrire, et devenir auteurs ;

Nulle science n'est pour elles trop profonde,

Et céans beaucoup plus qu'en aucun lieu du monde.
Les secrets les plus hauts s'y laissent concevoir,
Et l'on sait tout chez moi, hors ce qu'il faut savoir;
On y sait comme vont lune, étoile polaire,
Vénus, Saturne et Mars, dont je n'ai point affaire;
Et dans ce vain savoir, qu'on va chercher si loin,
On ne sait comme va mon pot, dont j'ai besoin.
Mes gens à la science aspirent pour vous plaire,
Et tous ne font rien moins que ce qu'ils ont à faire;
Raisonner est l'emploi de toute ma maison,

Et le raisonnement en bannit la raiso n.

L'un me brûle mon rôt en lisant quel que histoire,
L'autre rêve à des vers quand je demande à boire;
Enfin je vois par eux votre exemple suivi,
Et j'ai des serviteurs et ne suis point servi.
Une pauvre servante, au moins, m'était restée.
Qui de ce mauvais air n'était point infectée;
Et voilà qu'on la chasse avec un grand fracas,
A cause qu'elle manque parler Vaugelas !
Je vous le dis, ma soeur, tout ce train-là me blesse.
Car c'est, comme j'ai dit, à vous que je m'adresse.
Je n'aime point céans tous vos gens à latin,
Et principalement ce monsieur Trissotin:

C'est lui qui, dans les vers, vous a tympanisées ;

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