Sais-tu quel lutteur sublime Turquety. Les petits orphelins. L'hiver glace les champs, les beaux jours sont passés: Malheur au pauvre sans demeure! Loin des secours il faut qu'il meure: Comme les champs alors tous les coeurs sont glacés. De l'an renouvelé c'était la nuit première : Même un peu de bonheur visitait la chaumière. Au seuil d'une chapelle assis Deux enfants, presque nus, et pâles de souffrance, Appelaient des passants la sourde indifférence, Soupirant de tristes récits. Une lampe à leurs pieds éclairait leurs alarmes, Le plus jeune, tremblant, chantait baigné de larmes, "Nous voici deux enfants, nous n'avons plus de mère : Elle mourut hier en nous donnant son pain; Elle dort où dort notre père. Venez; nous avons froid, nous expirons de faim." Et sa voix touchante et plaintive Frappait les airs de cris perdus : La foule, sans les voir, s'éch appait fugitive; Ils frappaient à la porte sainte, Car leur mère avait dit que Dieu n'oubliait pas. La lampe n'était pas éteinte; L'heure, d'un triste son, vint soupirer minuit. Vers l'église portant ses pas, Un prêtre, au jour naissant, allant à la prière, Leur pauvre enfance, hélas! se tenait embrassée, Le plus grand, de son corps couvrant l'autre à moitié, Comme pour l'avertir qu'il n'est plus de pitié. Ils dorment pour toujours, et la lampe encor veille : On les plaint; on sait mieux plaindre que secourir. Vers eux de toutes parts les pleurs viennent s'offrir; Mais on ne venait pas la veille. L. Belmontet. La nuit de Noël. Tandis que les flots du torrent Muette et pâle de douleurs, Elle pleurait... et sur la terre Sans se plaindre à l'Etre suprême, Elle a vu fuir tous ses amis : Pauvre mère, peut-être il faudra qu'elle-même Son fils! ... elle succombe à ces tristes pensées. Tout-à-coup du hameau les cloches balancées Qui vit naître l'enfant, délices d'Israël; Et derayons purs couronnée, L'étoile de Jacob se montrait dans le ciel. L'airain qui retentit de moments en moments, Font naître par degrés d'heureux pressentiments. Elle avait oublié jusques à la prière. Faible, le front couvert de deuil, Confiant à son Dieu l'objet de ses alarmes, De sa triste cabane elle passe le seuil, Et bientôt les autels sont baignés de ses larmes. „Toi, dont le secours est promis „Au chrétien souffrant et fidèle, Épouse du Seigneur, écoute-moi, dit-elle; J'abandonne pour toi la couche de mon fils. De tes demeures éternelles ,,Daigne descendre dans ce lieu; Tu sentis comme moi les craintes maternelles, ,,Tu tremblas pour ton fils, et ton fils était Dieu. " Contre la tempête humaine "Protége un lis mourant qui n'a plus de soutien ; Mon enfant commençait à peine " "A prononcer le nom du sien. „Ne m'en sépare pas; je l'entends qui m'appelle : De son lit de douleurs je reprends le chemin. "Adieu, je reviendrai demain „Déposer son berceau dans ta sainte chapelle.“ Elle dit, et déjà ses pas Se sont tournés vers sa chaumière; Mais, au retour de la lumière, Dans l'église rustique elle ne revint pas. Les cierges des morts s'allumèrent, Le soir, à leur pâle clarté, Deux cercueils inégaux passèrent. A. Soumet. |