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Sais-tu quel lutteur sublime
Doit combattre ce jour-là?
Ce sera toi-même, ô reine,
Et le tigre, à face humaine,
Aura le nom d'Attila!

Turquety.

Les petits orphelins.

L'hiver glace les champs, les beaux jours sont passés: Malheur au pauvre sans demeure!

Loin des secours il faut qu'il meure:

Comme les champs alors tous les coeurs sont glacés.

De l'an renouvelé c'était la nuit première :
Les mortels, revenant de la fête du jour,
Hâtaient leur joie et leur retour;

Même un peu de bonheur visitait la chaumière.

Au seuil d'une chapelle assis

Deux enfants, presque nus, et pâles de souffrance, Appelaient des passants la sourde indifférence, Soupirant de tristes récits.

Une lampe à leurs pieds éclairait leurs alarmes,
Et semblait supplier pour eux.

Le plus jeune, tremblant, chantait baigné de larmes,
L'autre tendait sa main au refus des heureux.

"Nous voici deux enfants, nous n'avons plus de mère : Elle mourut hier en nous donnant son pain;

Elle dort où dort notre père.

Venez; nous avons froid, nous expirons de faim."

Et sa voix touchante et plaintive

Frappait les airs de cris perdus :

La foule, sans les voir, s'éch appait fugitive;
Et bientôt on ne passa plus.

Ils frappaient à la porte sainte,

Car leur mère avait dit que Dieu n'oubliait pas.
Rien ne leur répondait que l'écho de l'enceinte,
Rien ne venait que le trépas.

La lampe n'était pas éteinte;

L'heure, d'un triste son, vint soupirer minuit.
Au loin d'un char de fête on entendit le bruit,
Mais on n'entendit plus de plainte.

Vers l'église portant ses pas,

Un prêtre, au jour naissant, allant à la prière,
Les voit, blanchis de neige et couchés sur la pierre,
Les appelle en pleurant... Ils ne se lèvent pas.

Leur pauvre enfance, hélas! se tenait embrassée,
Pour conserver sans doute un reste de chaleur;
Et le couple immobile, effrayant de pâleur,
Tendait encor sa main glacée.

Le plus grand, de son corps couvrant l'autre à moitié,
Avait porté sa main aux lèvres de son frère,
Comme pour arrêter l'inutile prière,

Comme pour l'avertir qu'il n'est plus de pitié.

Ils dorment pour toujours, et la lampe encor veille : On les plaint; on sait mieux plaindre que secourir. Vers eux de toutes parts les pleurs viennent s'offrir; Mais on ne venait pas la veille.

L. Belmontet.

La nuit de Noël.

Tandis que les flots du torrent
Inondaient la forêt, par l'hiver dépouillée,
Une mère, à coté de son fils expirant,
Prolongeait sa triste veillée.

Muette et pâle de douleurs,
Dans sa cabane solitaire,

Elle pleurait... et sur la terre
Nul mortel n'a daigné s'informer de ses pleurs.

Sans se plaindre à l'Etre suprême,

Elle a vu fuir tous ses amis :

Pauvre mère, peut-être il faudra qu'elle-même
Du funeste linceul enveloppe son fils:

Son fils! ... elle succombe à ces tristes pensées.

Tout-à-coup du hameau les cloches balancées
Vers le temple des champs appellent les mortels;
On célébrait alors, au pied des saints autels,
Cette nuit chaste et fortunée

Qui vit naître l'enfant, délices d'Israël;

Et derayons purs couronnée,

L'étoile de Jacob se montrait dans le ciel.
Sa miraculeuse lumière,

L'airain qui retentit de moments en moments,
Dans le coeur navré d'une mère

Font naître par degrés d'heureux pressentiments.
Hélas! à force de tourments

Elle avait oublié jusques à la prière.

Faible, le front couvert de deuil, Confiant à son Dieu l'objet de ses alarmes, De sa triste cabane elle passe le seuil, Et bientôt les autels sont baignés de ses larmes.

„Toi, dont le secours est promis „Au chrétien souffrant et fidèle, Épouse du Seigneur, écoute-moi, dit-elle; J'abandonne pour toi la couche de mon fils.

De tes demeures éternelles

,,Daigne descendre dans ce lieu;

Tu sentis comme moi les craintes maternelles, ,,Tu tremblas pour ton fils, et ton fils était Dieu.

"

Contre la tempête humaine

"Protége un lis mourant qui n'a plus de soutien ; Mon enfant commençait à peine

"

"A prononcer le nom du sien.

„Ne m'en sépare pas; je l'entends qui m'appelle : De son lit de douleurs je reprends le chemin.

"Adieu, je reviendrai demain

„Déposer son berceau dans ta sainte chapelle.“

Elle dit, et déjà ses pas

Se sont tournés vers sa chaumière;

Mais, au retour de la lumière,

Dans l'église rustique elle ne revint pas.

Les cierges des morts s'allumèrent,
Et, devant le temple attristé,

Le soir, à leur pâle clarté,

Deux cercueils inégaux passèrent.

A. Soumet.

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