Sous les triples piliers des colonnes moresques, Tous deux, joignant les mains, à genoux sur la pierre, Sous l'abri de ses mains Emma cache sa tête, L'empereur souriait en versant une larme Et d'une voix très-douce il dit: Bénissez-les. Qu'il est doux, qu'il est doux d'écouter des histoires, Des histoires du tems passé, Quand les branches d'arbres sont noires, Quand la neige est épaisse et charge un sol glacé! Comte de Vigny. Agar et Ismaël. Le vent souffle au désert, mon fils, arrêtons-nous; Ta bouche est presque sans haleine; Reposons-nous ici; tes yeux s'ouvrent à peine; Tu dormiras sur mes genoux. ,,Non, laisse-moi chercher un fruit qui te soutienne; L'ombre de ce palmier du soleil te défend: En attendant que je revienne, Dors, si tu peux, mon cher enfant." Et la mère, tremblante, et cachant ses alarmes, „Il pleure, et, pour calmer la soif qui le dévore, Et mon fils est aussi le sien! „Lui qui fut si joyeux de ton premier sourire, Je maudis ma beauté, ce sein qui t'a nourri... Que me reproche-t-il? ai-je pris du repos, Lorsque ses moissonneurs descendaient des mon tagnes ; Ai-je de la citerne écarté ses troupeaux ? Ne l'ai-je pas aimé plus tôt que mes compagnes? „Debout, près de sa tente, où j'ai cru demeurer, „De mes pleurs cependant ma rivale se vante, Un grand peuple, dit-on, est promis à sa race: „Bientôt, sous ce palmier je creuserai la terre ; Car, je l'espère au moins, tu mourras avant moi: Puis, sur ta fosse solitaire, Moi, je me coucherai pour dormir comme toi. „Mes restes, je le sais, j'en suis presque contente, Ne seront pas ensevelis. Quand mon maître, du moins, sortira de sa tente, Mes os lui marqueront la tombe de son fils." Se levant à ces mots, inquiète, égarée, Elle court au palmier, dans son trouble mortel, Appelle tout bas Ismaël. Elle écoute, elle hésite; enfin elle s'élance : L'enfant était debout; son doigt mystérieux Semblait chercher sa mère et montrer à ses yeux L'eau pure d'un ruisseau qui coulait en silence... Puis le doigt de l'enfant se leva vers les cieux. Guiraud. Le Cid et le juif. (Romance imitée de Sepulveda.) Le Cid, ce gagneur de batailles, Ce géant plus grand que nos tailles, Don Alfonse ainsi l'ordonna, Tous les ans, au jour consacré, Une fois que la nef profonde Et parlant en soi-même ainsi, Est le corps du Cid, du grand homme, Que nul n'eût osé, lui vivant, Et quelle mine il nous fera; Le monde est loin, rien ne m'empêche De tirer à moi cette mèche. Afin d'accomplir son dessein, Le juif sordide étend la main; Mais, avant que la barbe sainte Par ses doigts crochus soit atteinte, Le noble époux de Ximena, A plein poing prenant Tisona, Sort du fourreau deux pieds de lame... |