La nature qui parle en ce péril extrême, Leur fait lever les mains vers l'asyle suprême: Hommage que toujours rend un coeur effrayé Au Dieu que jusqu'alors il avoit oublié.
La voix de l'univers à ce Dieu me rappelle. La terre le publie. Est-ce moi, me dit-elle, Est-ce moi qui produis mes riches ornemens ? C'est celui dont la main posa mes fondemens. Si je sers tes besoins, c'est lui qui me l'ordonne: Les présens qu'il me fait, c'est à toi qu'il les donne. Je me pare des fleurs qui tombent de sa main:
Il ne fait que l'ouvrir, et m'en remplir le sein. Pour consoler l'espoir du laboureur avide,
C'est lui qui dans l'Égypte, où je suis trop aride, Veut qu'au moment prescrit, le Nil loin de ses bords Répandu sur ma plaine y porte mes trésors, A de moindres objets tu peux le reconnoître : Contemple seulement l'arbre que je fais croître. Mon suc dans la racine à peine répandu, Du tronc qui le reçoit à la branche est rendu; La feuille le demande, et la branche fidèle, Prodigue de son bien, le partage avec elle. De l'éclat de ses fruits justement enchanté, Ne méprise jamais les plantes sans beauté, Troupe obscure et timide, humble et foible vulgaire : Si tu sais découvrir leur vertu salutaire, Elles pourront servir à prolonger tes jours. Et ne t'afflige pas si les leurs sont si courts; Toute plante en naissant déjà renferme en elle
D'enfans qui la suivront une race immortelle ; Chacun de ces enfans, dans ma fécondité, Trouve un gage nouveau de sa postérité.
Existence de Dieu.
De sa puissance immortelle Tout parle, tout nous instruit. Le jour au jour la révèle,
La nuit l'annonce à la nuit. Ce grand et superbe ouvrage
N'est point pour l'homme un langage Obscur et mystérieux.
Son admirable structure
Est la voix de la nature,
Qui se fait entendre aux yeux.
Dans une éclatante voûte Il a placé de ses mains
Ce soleil, qui dans sa route, Eclaire tous les humains. Environné de lumière,
Cet astre ouvre sa carrière Comme un époux glorieux, Qui dès l'aube matinale, De sa couche nuptiale Sort brillant et radieux.
L'univers, à sa présence, Semble sortir du néant.
Il prend sa course, il s'avance
Comme un superbe géant. Bientôt sa marche féconde Embrasse le tour du monde Dans le cercle qu'il décrit; Et, par sa chaleur puissante, La nature languissante
Se ranime et se nourrit.
O que tes oeuvres sont belles ! Grand Dieu! quels sont tes bienfaits! Que ceux qui te sont fidelles Sous ton joug trouvent d'attraits! Ta crainte inspire la joie : Elle assure notre voie; Elle nous rend triomphants; Elle éclaire la jeunesse, Et fait briller la sagesse
Dans les plus faibles enfants.
Caractère de l'homme juste. Seigneur, dans ton temple adorable Quel mortel est digne d'entrer? Qui pourra, grand Dieu, pénétrer Ce sanctuaire impénétrable,
Où tes saints inclinés, d'un oeil respectueux, Contemplent de ton front l'éclat majestueux?
Ce sera celui, qui du vice
Évite le sentier impur:
Qui marche d'un pas ferme et sûr Dans le chemin de la justice; Attentif et fidèle à distinguer sa voix, Intrépide et sévère à maintenir ses lois.
Ce sera celui dont la bouche Rend hommage à la vérité,
Qui sous un air d'humanité
Ne cache point un coeur farouche:
Et qui, par des discours faux et calomnieux, Jamais à la vertu n'a fait baisser les yeux.
Celui devant qui le superbe, Enflé d'une vaine splendeur, Paroît plus bas dans sa grandeur
Que l'insecte caché sous l'herbe :
Qui bravant du méchant le faste couronné, Honore la vertu du juste infortuné.
Celui, dis-je, dont les promesses Sont un gage toujours certain: Celui qui d'un infâme gain
Ne sait point grossir ses richesses: Celui qui, sur les dons du coupable puissant, N'a jamais décidé du sort de l'innocent.
Qui marchera dans cette voie, Comblé d'un éternel bonheur, Un jour des élus du Seigneur Partagera la sainte joie;
Et les frémissemens de l'enfer irrité
Ne pourront faire obstacle à sa félicité.
J. B. Rousseau. (Pseaume 14.)
Fragment du dithyrambe sur l'immortalité de l'ame.
C'est cette perspective en grands pensers féconde C'est ce noble avenir, qui bien mieux que ces lois Qu'inventa de l'orgueil l'ignorance profonde, Rétablit en secret l'équilibre du monde,
Aux yeux de l'Eternel égale tous les droits, Nos rires passagers, nos passagères larmes,
Ote aux maux leur tristesse, aux voluptés leurs charmes; De l'homme vers le ciel élance tous les voeux. Absent de cet atome, et présent dans les cieux, Voit-il, daigne-t-il voir s'il existe une terre, S'il y brille un soleil, s'il y gronde un tonnerre, S'il est là des héros, des grands, des potentats, Si l'on y fait la paix, si l'on y fait la guerre, Si le sort y ravit ou donne des états! Dans sa demeure inébranlable, Assise sur l'éternité,
La tranquille immortalité
Propice au bon et terrible au coupable, Du temps qui, sous ses yeux, marche à pas de géant, Défend l'ami de la justice,
Et ravit à l'espoir du vice L'asile horrible du néant.
Oui, vous qui de l'olympe usurpant le tonnerre, Des éternelles lois renversez les autels,
Lâches oppresseurs de la terre,
Tremblez! vous êtes immortels!
Et vous, vous, du malheur victimes passagères,
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