" Ma foi, messieurs, je crois qu'il faut changer nos plans. Voisin, garde ton bien; j'aime fort ta réplique." Qu'aurait on fait de mieux dans une république? Andrieux. Le voyageur égaré dans les neiges du SaintBernard. La neige au loin accumulée En torrens épaissis tombe du haut des airs, Couvre du Saint-Bernard les vieux sommets déserts. Plus de routes, tout est barrière ; L'ombre accourt, et déjà, pour la dernière fois Dans les vents de la nuit l'aigle a jeté sa voix. A ce cri, d'effroyable augure, Au bord d'un précipice il attend le trépas. Là, dans sa dernière pensée, Il songe à son épouse, il songe à ses enfans: Cette image a doublé l'horreur de ses tourmens. C'en est fait; son heure dernière Se mesure pour lui dans ces terribles lieux, Et chargeant sa froide paupière, Un funeste sommeil déjà cherche ses yeux. Soudain, ô surprise, ô merveille! D'une cloche il a cru reconnaître le bruit; Tandis qu'avec peine il écoute, A travers la tempête un autre bruit s'entend: Le chien en aboyant de joie, Frappe du voyageur les regards éperdus : Et la charité.compte un miracle de plus. Trois jours, leur dit Colomb, et je vous donne un monde." Et son doigt le montrait, et son oeil, pour le voir, Perçait de l'horizon l'immensité profonde. Il marche, et des trois jours le premier jour a lui; Il marche, et l'horizon recule devant lui; Il marche, et le jour baisse. Avec l'azur de l'onde L'azur d'un ciel sans borne à ses yeux se confond. Il marche, il marche encore, et toujours; et la sonde Plonge et replonge en vain dans une mer sans fond. Le pilote en silence, appuyé tristement Sur la barre qui crie au milieu des ténèbres, Et des mats fatigués les craquemens funèbres. Le jour! et que vois-tu? - Je vois l'immensité." Qu'importe ! il est tranquille... Ah! l'avez-vous pensé ? Vous comprendrez alors que durant ces journées Oh! qui peindra jamais cet ennui dévorant Ces extases d'espoir, ces fureurs solitaires D'un grand homme ignoré qui lui seul se comprend, A quel horrible effort n'es-tu pas condamné, Quand, pâle, et d'une voix que la douleur altère, Le second jour a fui. Que fait Colomb? il dort; La fatigue l'accable, et dans l'ombre on conspire. „Périra-t-il? Aux voix: la mort! la mort! la mort! Qu'il triomphe demain, ou, parjure, il expire." Les ingrats! quoi! demain il aura pour tombeau Le mer où son audace ouvre un chemin nouveau, Et peut-être demain leurs flots impitoyables, Le poussant vers ces bords que cherchait son regard, Il rêve comme un voile étendu sur les mers, Regarde les vois-tu, la foudre dans les mains, Effacer, en courant, du nombre des humains S'élever dans ses mains plus sanglant, plus terrible Cet or, fruit douloureux de leur captivité, Par cent chemins honteux, du trésor d'un seul homme Il s'échappe, et, passant de bourreaux en bourreaux, |