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Le montagnard émigré. Combien j'ai douce souvenance

Du joli lieu de ma naissance!

Ma soeur, qu'ils étaient beaux les jours
De France!

O mon pays, sois mes amours
Toujours!

Te souvient-il que notre mère,
Au foyer de notre chaumière,
Nous pressait sur son coeur joyeux,
Ma chère;

Et nous baisions ses blancs cheveux
Tous deux ?

Ma soeur, te souvient-il encore
Du château que baignait la Dore,
Et de cette tant vieille tour

Du Maure,

Où l'airain sonnait le retour

Du jour ?

Te souvient-il du lac tranquille,
Qu'effleurait l'hirondelle agile,
Du vent, qui courbait le roseau
Mobile,

Et du soleil couchant sur l'eau

Si beau?

Oh! qui me rendra mon Hélène,
Et ma montagne et le grand chêne?

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Vous m'avez dit: „à Paris, jeune pâtre,
„Viens, suis-nous, cède à tes nobles penchants.
„Notre or, nos soins, l'étude, le théâtre,
T'auront bientôt fait oublier les champs."
Je suis venu: mais voyez mon visage.
Sous tant de feux mon printemps s'est fané.
Ah! rendez-moi, rendez-moi mon village,
Et la montagne, où je suis né!

La fièvre court triste et froide en mes veines;
A vos désirs cependant j'obéis.

Ces bals charmants, où les femmes sont reines,
J'y meurs, hélas ! j'ai le mal du pays.
En vain l'étude a poli mon langage;
Vos arts en vain ont ébloui mes yeux.
Ah! rendez-moi, rendez-moi mon village,
Et la montagne, où je suis né !

Qu'entends-je, ô ciel! pour moi rempli d'alarmes : "Pars, dites-vous, demain pars au réveil.

"C'est l'air natal, qui séchera tes larmes;

Va réfleurir à ton premier soleil." Adieu, Paris, doux et brillant rivage, Où l'étranger reste comme enchaîné. Ah! je revois, je revois mon village, Et la montagne, où je suis né!

Béranger.

Le mal du pays.

Je veux aller mourir aux lieux où je suis née;
Le tombeau d'Albertine est près de mon berceau ;
Je veux aller trouver son ombre abandonnée ;
Je veux un même lit près du même ruisseau.

Je veux dormir. J'ai soif de sommeil, d'innocence,
D'amour! d'un long silence écouté sans effroi,
De l'air pur qui soufflait au jour de ma naissance,
Doux pour l'enfant du pauvre et pour l'enfant du roi.

J'ai soif d'un frais oubli, d'une voix qui pardonne.
Qu'on me rende Albertine! elle avait cette voix
Qu'un souvenir du ciel à quelques femmes donne;
Elle a béni mọn nom... autre part... autrefois!

Autrefois!... qu'il est loin le jour de son baptême!
Nous entrâmes au monde un jour qu'il était beau:
Le sel qui l'ondoya fut dissous sur moi-même,
Et le prêtre pour nous n'alluma qu'un flambeau.

D'où vient-on quand on frappe aux portes de la terre? Sans clarté dans la vie, où s'adressent nos pas ?

Inconnus aux mortels qui nous tendent leurs bras, Pleurants, comme effrayés d'un sort involontaire.

Où va-t-on quand, lassé d'un chemin sans bonheur, On tourne vers le ciel un regard chargé d'ombre? Quand on ferme sur nous l'autre porte, si sombre! Et qu'un ami n'a plus nos traits que dans son coeur?

Ah! quand je descendrai rapide, palpitante,
L'invisible sentier qu'on ne remonte pas,
Reconnaîtrai-je enfin la seule âme constante
Qui m'aimait imparfaite, et me grondait si bas?

Te verrai-je, Albertine ! ombre pâle et craintive?
Jeune, tu t'envolas peureuse des autans:
Dénouant pour mourir ta robe de printemps,
Tu dis: „Semez ces fleurs sur ma cendre captive.*

Oui! je reconnaîtrai tes traits pâles, charmants,
Miroir de la pitié qui marchait sur tes traces,
Qui pleurait dans ta voix, angélisait tes grâces,
Et qui s'enveloppait dans tes doux vêtements!

Oui, tu ne m'es qu'absente, et la mort n'est qu'un voile,

Albertine! et tu sais l'autre vie avant moi.

Un soir, j'ai vu ton âme aux feux blancs d'une étoile; Elle a baisé mon front, et j'ai dit: C'est donc toi!

Viens encor; viens! j'ai tant de choses à te dire! Ce qu'on t'a fait souffrir, je le sais! j'ai souffert.

O ma plus que soeur! viens: ce que je n'ose écrire, Viens le voir palpiter dans mon coeur entr'ouvert !

Mme Desbordes Valmore.

Mon pays.

Oui, je t'aime d'amour, ô ma chère Bretagne,
Oui, je t'aime d'amour, avec ta pauvreté,
Avec ton sol de pierre et ta rude campagne,
Avec tes longs cheveux et ton front indompté !
L'étranger te délaisse,

Et dit: sombre pays!

Et c'est de ta tristesse
Que mon coeur est épris.
Car toujours une mère,
Une mère est belle pour son fils,
Et je t'aime, pauvre terre,
Car, c'est toi mon pays!

Voyez dans ces rochers un petit héritage,

Sol aride et brûlant sans tours et sans manoir!

On n'y voit point de fleurs, on n'y voit point d'om

brage,

Quatre murs seulement dans un champs de blé noir!
Mais mon coeur, pauvre chaume,

Qui vit mes premiers pas!
Pour le plus beau royaume

Ne te donnerais pas !

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