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La brise du désert, déjà sur ce rivage,
Emporte les feuilles des bois !

Je l'entends qui gémit sur la mousse sauvage
Où je reposais autrefois!

Là, je voyais le faon et la blanche gazelle
Courir au pied du mont Thabor;

Aux bosquets d'aloès la douce tourterelle
Seule paraît gémir encor!

Le cèdre du Liban, le palmier d'Idumée,
Brûlent sous les feux du midi:

Ils n'ont pu rafraîchir mon âme consumée,
Ni les beaux vallons d'Engaddi.

La rose du Jourdain est penchée et flétrie,
Ainsi que le lis du vallon:

Les vierges d'Israël cherchent la fleur chérie
Dans les campagnes d'Ascalon! ...

Du matin jusqu'au soir je pleure, je soupire,
Comme la colombe la nuit;

Sans peine et sans effort je succombe, et j'aspire
Où l'aurore éternelle luit.

Pauthier.

Romance.

J'ai dit à mon coeur, à mon faible coeur.
N'est-ce point assez d'aimer sa maîtresse ?
Et ne vois-tu pas, que changer sans cesse

C'est perdre en désirs le tems du bonheur?

Il m'a répondu : Ce n'est point assez, Ce n'est point assez d'aimer sa maîtresse; Et ne vois-tu pas, que changer sans cesse

Nous rend doux et chers les plaisirs passés?

J'ai dit à mon coeur, à mon faible coeur :
N'est-ce point assez de tant de tristesse ?
Et ne vois-tu pas, que changer sans cesse
C'est à chaque pas trouver la douleur ?

Il m'a répondu: Ce n'est point assez,
Ce n'est point assez de tant de tristesse;
Et ne vois-tu pas, que changer sans cesse
Nous rend doux et chers les chagrins passés ?
Alfrede de Musset.

Le prisonnier.

Une voix qui console,
Pure et douce parole,

Rayon de miel,
Parfume la croyance,
Et fait à l'espérance,
Rêver le ciel.

Une larme qui passe,
Baiser d'amour l'efface,

Sans avenir !

Le prisonnier réclame

Ce long baiser de femme,

Et puis mourir.

Pour une fleur champêtre,
Qui croît sur la fenêtre

Du donjon noir,

Il demande sans cesse

La brise qui caresse
Une frêle espoir.

11 regrette en souffrance,
Les jours de son enfance,
Ses champs fleuris,

Il appelle sa mère,
Pleure, sur un calvaire,

Son beau pays.

Sur sa couche, il soupire,
Il implore un sourire,

Rêve enchanteur...
Sourire sans mélange,

Aux lèvres d'un archange,

C'est le bonheur.

Liberté qui l'oublie,
Abandon d'une amie,

Font ses ennuis;

Il écoute l'orage,

Qui mêle un chant sauvage Au vent des nuits.

Ses yeux dans l'étendue
S'égarent sous la nue,

Pas de ciel bleu ;

Mais pour lui la prière
Répand une lumière

Qui vient de Dieu!

Exilé de la terre,

C'est alors qu'il espère,

Sainte clarté...

Pour revoir la nature,
Il attend et murmure:

La Liberté ! ..

Ernest Martin.

Tristesse.

Quand les vents froids du nord, sifflant dans la

vallée,

Courbaient des saules noirs la tête échevelée ;

Quand la neige, en nos champs dépeuplés de gazon,
Laissait tomber des airs sa frileuse toison,
J'accusais tristement l'hiver de ma paresse,

Mais que l'herbe, disais-je, en nos prés reparaisse,
Que le ruisseau glacé recommence à courir,
L'abeille à voltiger, l'églantine à s'ouvrir,

Que l'oiseau, retrouvant ses palais de feuillages,
Comme un bouquet qui vole, anime les ombrages,
Et l'éclair endormi renaîtra dans mes yeux;
Mon front sera serein, mon coeur sera joyeux,
Et de mes vers captifs la source qui sommeille,
Va comme le ruisseau, l'églantine et l'abeille,

Bondir et murmurer, voltiger et fleurir.

Qui pourrait s'égayer, quand tout semble périr,
Quand, veuve du soleil, dont l'éclat la fait vivre,
La nature se meurt sous son manteau de givre!
Attendez que la terre ait cessé de pleurer,
Je chanterai peut-être au lieu de soupirer.
Tout est sombre à présent: voilà pourquoi ma lyre,
Pourquoi monest triste, et ne sait pas sourire.
Le printemps maintenant rajeunit nos buissons,
Le torrent ne dort plus sous le joug des glaçons,
Avec le renouveau voici les hirondelles,

Qui baignent dans nos lacs la pointe de leurs ailes,
Et le gai loriot, rossignol du matin,

Qui fait luire au soleil ses plumes de satin.
Voici de fleurs en fleurs l'abeille qui butine,
Chaque rayon du jour éveille une églantine.
Mon esprit cependant a gardé sa langueur,
Et l'hiver engourdi ne me sort pas du coeur,
J'ai changé de tristesse et non pas d'habitude;
C'est que la prévoyance est une morne étude,
Qui jette un voile noir sur toutes les saisons;
L'âme sans avenir n'a pas deux horizons.
L'ennui fane, en naissant, nos plus pures délices,
Et de nos plus beaux champs dévore les prémices.
Voilà pourquoi je pleure, et pourquoi mon amour
Au milieu du printemps n'en sent pas le retour.
Comme j'étais joyeux au sortir de l'enfance!
Mon incrédulité défiait la souffrance.

Les prés étaient plus verts, et les arbres plus beaux,
Et les airs, ce me semble, avaient bien plus d'oiseaux.

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