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Pour moi, plus de mère qui prie,
Et partout des fers ici-bas.

Hirondelles, de ma patrie,

De ses malheurs ne me parlez-vous pas ?

J. P. Béranger.

Les oiseaux.

Couplets adressés à Mr. Arnault, partant pour son exil en 1816.

L'hiver redoublant ses ravages

Désole nos toits et nos champs;
Les oiseaux sur d'autres rivages
Portent leurs amours et leur chants.
Mais le calme d'un autre asile
Ne les rendra pas inconstants:
Les oiseaux, que l'hiver exile
Reviendront avec le printemps.

A l'exil le sort les condamne,
Et plus qu'eux nous en gémissons!
Du palais et de la cabane

L'écho redisait leurs chansons.

Qu'ils aillent d'un bord plus tranquille
Charmer les heureux habitants.
Les oiseaux, que l'hiver exile
Reviendront avec le printemps.

Oiseaux fixés sur cette plage,
Nous portons envie à leur sort.
Déjà plus d'un sombre nuage

S'élève et gronde au fond du Nord.
Heureux, qui sur une aile agile
Peut s'éloigner quelques instants !
Les oiseaux, que l'hiver exile
Reviendront avec le printemps.

Ils penseront à notre peine,
Et, l'orage enfin dissipé,

Ils reviendront sur leur vieux chêne

Que tant de fois il a frappé.

Pour prédire au vallon fertile

De beaux jours alors plus constants,
Les oiseaux, que l'hiver exile

Reviendront avec le printemps.

J. P. Béranger.

Pourquoi pleurer?

„O madame! pourquoi ce chagrin qui vous suit, Pourquoi pleurer encore,

Vous, femme au coeur charmant, sombre comme la

„Douce comme l'aurore?

nuit,

Qu'importe que la vie, inégale ici-bas

„Pour l'homme et pour la femme,

„Se dérobe et soit prête à rompre sous vos pas ? N'avez-vous pas votre âme?

„Votre ame qui bientôt fuira peut-être ailleurs „Vers les régions pures.

Et vous emportera plus loin que nos douleurs,

„Plus loin que nos murmures!

„Soyez comme l'oiseau, posé pour un instant

„Sur des rameaux trop frêles,

"Qui sent ployer la branche et qui chante pourtant, „Sachant qu'il a des ailes!

Victor Hugo.

Hymne à la douleur.

Tu fais l'homme, ô douleur! oui, l'homme tout entier,
Comme le creuset l'or, et la flamme l'acier,
Comme le grès noirci des débris qu'il enlève,
En déchirant le fer, fait un tranchant au glaive;
Qui ne t'a pas connu, ne sait rien d'ici-bas,
Il foule mollement la terre, il n'y vit pas;
Comme sur un nuage il flotte sur la vie;
Rien n'y marque pour lui la route en vain suivie;
La sueur de son front n'y mouille pas sa main,
Son pied n'y heurte pas les cailloux du chemin,
Il n'y sait pas, à l'heure où faiblissent ses armes,
Retremper ses vertus aux flots brûlants des larmes,
Il n'y sait point combattre avec son propre coeur,
Ce combat douloureux dont gémit le vainqueur,
Élever vers le ciel un cri qui le supplie,
S'affermir par l'effort sur son genou qui plie,
Et dans ses désespoirs, dont Dieu seul est témoin,
S'appuyer sur l'obstacle et s'élancer plus loin!

Pour moi, je ne sais pas à quoi tu me prépares, Mais tes mains de leçons ne me sont point avares; Tu me traites, sans doute, en favori des cieux,

Car tu n'épargnes pas les larmes à mes yeux !

La tristesse.

L'âme triste est pareille
Au doux ciel de la nuit,
Quand l'astre qui sommeille
De la voûte vermeille

A fait tomber le bruit;

Plus pure et plus sonore,
On y voit sur ses pas
Mille étoiles éclore,
Qu'à l'éclatante aurore
On n'y soupçonnait pas.

Des îles de lumière
Plus brillante qu'ici,
Et des mondes derrière,
Et des flots de lumière
Qui sont mondes aussi !

On entend dans l'espace
Les choeurs mystérieux,
Ou du ciel qui rend grace
Ou de l'ange qui passe
Ou de l'homme pieux !

Alph. de Lamartine.

Et pures étincelles
De nos âmes de feu,
Les prières mortelles
Sur leurs brûlantes ailes
Nous soulèvent en peu!

Tristesse qui m'inonde,
Coule donc de mes yeux,
Coule comme cette onde
Où la terre féconde

Voit un présent des cieux!

Et n'accuse point l'heure
Qui te ramène à Dieu!

Soit qu'il naisse ou qu'il meure,
Il faut que l'homme pleure

Ou l'exil, ou l'adieu!

Alph. de Lamartine.

Mon âme est triste jusqu'à la mort.

La nuit roule en silence autour de nos demeures,
Sur les vagues du ciel la plus noire des heures,
Nul rayon sur mes yeux ne pleut du firmament,
Et la brise n'a plus, même un gémissement,
Une plainte, qui dise à mon âme aussi sombre:
Quelque chose avec toi meurt et se plaint dans l'ombre!
Je n'entends au dehors que le lugubre bruit
Du balancier qui dit : le temps marche et te fuit!

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