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Ah! c'est là qu'entouré d'un rempart de verdure,
D'un horizon borné qui suffit à mes yeux,
J'aime à fixer mes pas, et, seul dans la nature,
A n'entendre que l'onde, à ne voir que les cieux.

Alph. de Lamartine.

La lune.

La lune est dans le ciel, et le ciel est sans voiles;
Comme un phare avancé sur un rivage obscur,
Elle éclaire de loin la route des étoiles,

Et leur sillage blanc dans l'océan d'azur. Astre aux rayons muets, que ta splendeur est douce, Quand tu cours sur les monts, quand tu dors sur la mousse,

Que tu trembles sur l'herbe ou sur les blancs rameaux,
Ou qu'avec l'alcyon tu flottes sur les eaux!
Mais pourquoi t'éveiller quand tout dort sur la terre ?
Astre inutile à l'homme, en toi tout est mystère;
Tu n'es pas son fanal, et tes molles lueurs
Ne savent pas mûrir les fruits de ses sueurs ;
Il ne mesure rien aux clartés que tu prêtes,
Il ne t'appelle pas pour éclairer ses fêtes,
Mais fermant sa demeure aux célestes clartés,
Il s'éclaire de feux à la terre empruntés.

Quand la nuit vient à t'ouvrir ta modeste carrière,
Tu trouves tous les yeux fermés à ta lumière,
Et le monde insensible à ton morne retour,

Froid comme ces tombeaux, objets de ton amour.

A peine sous ce ciel où la nuit suit tes traces,
Un oeil s'aperçoit-il seulement que tu passes,
Hors un pauvre pêcheur soupirant vers le bord,
Qui, tandis que le vent le berce loin du port,
Demande à tes rayons de blanchir la demeure
Où de son long retard ses enfants comptent l'heure ;
Ou quelque malheureux, qui, l'oeil fixé sur toi,
Pense au monde invisible et rêve ainsi que moi!
Alph. de Lamartine.

Souvenir.

En vain le jour succède au jour,
Ils glissent sans laisser de trace;
Dans mon âme rien ne t'efface,
O dernier songe de l'amour!

Je vois mes rapides années
S'accumuler derrière moi,
Comme le chêne autour de soi
Voit tomber ses feuilles fanées.

Mon front est blanchi par le temps;
Mon sang refroidi coule à peine,
Semblable à cette onde qu'en chaîne
Le souffle glacé des autans.

Mais ta jeune et brillante image,
Que le regret vient embellir,
Dans mon sein ne saurait vieillir:

Comme l'âme, elle n'a point d'âge.

Non, tu n'as pas quitté mes yeux;
Et quand mon regard solitaire
Cessa de te voir sur la terre,
Soudain je te vis dans les cieux.

Là, tu m'apparais telle encore
Que tu fus à ce dernier jour,
Quand vers ton céleste séjour
Tu t'envolas avec l'aurore.

Ta pure et touchante beauté
Dans les cieux même t'a suivie;
Tes yeux, où s'éteignait la vie,
Rayonnent d'immortalité !

Du zéphyr l'amoureuse haleine Soulève encor tes longs cheveux; Sur ton sein leurs flots onduleux Retombent en tresses d'ébène.

L'ombre de ce voile incertain
Adoucit encor ton image,
Comme l'aube qui se dégage
Des derniers voiles du matin.

Du soleil la céleste flamme
Avec les jours revient et fuit;
Mais mon amour n'a pas de nuit,
Et tu luis toujours sur mon âme.

C'est toi que j'entends, que je vois
Dans le désert, dans le nuage,

L'onde réfléchit ton image,
Le zéphir m'apporte ta voix.

Tandis que la terre sommeille,
Si j'entends le vent soupirer,
Je crois t'entendre murmurer
Des mots sacrés à mon oreille.

Si j'admire ces feux épars
Qui des nuits parsèment le voile,
Je crois te voir dans chaque étoile
Qui plait le plus à mes regards.

Et si le souffle du zéphire
M'enivre du parfum des fleurs,
Dans ses plus suaves odeurs
C'est ton souffle que je respire.

C'est ta main qui sèche mes pleurs,
Quand je vais, triste et solitaire,
Répandre en secret ma prière

Près des autels consolateurs.

Quand je dors, tu veilles dans l'ombre;
Tes ailes reposent sur moi;

Tous mes songes viennent de toi,
Doux comme le regard d'une ombre.

Pendant mon sommeil, si ta main
De mes jours déliait la trame,
Céleste moitié de mon âme,

J'irais m'éveiller dans ton sein!

Comme deux rayons de l'aurore,
Comme deux soupirs confondus,
Nos deux âmes ne forment plus
Qu'une âme, et je soupire encore !

Alph. de Lamartine.

Pensée d'automne.

Au déclin de l'automne, il est souvent des jours
Où l'année, on dirait, va se tromper de cours.
On oublie à ses pieds la pelouse flétrie,

Et la branche tombée, et la feuille, qui crie;
Trois fois, près de partir, un charme vous retient,
Et l'on dit: „N'est-ce pas le printemps, qui revient?"
Avant la fin du jour il est encore une heure,
Où, pélerin lassé, qui touche à sa demeure,
Le soleil au penchant se retourne pour voir,
Malgré tant de sueurs regrettant d'être au soir;
Et, sous ce long régard, où se mêle une larme,
La nature confuse a pris un nouveau charme;
Elle hésite un moment, comnie dans un adieu;
L'horizon à l'entour a rougi tout en feu;
La fleur en tressaillant a reçu la rosée;
Le papillon revole à la rose baisée,

Et l'oiseau chante au bois un ramage brillant :
N'est-ce pas le matin? n'est-ce pas l'orient ?“
Oh! si pour nous aussi dans cette vie humaine
Il est au soir une heure, un instant, qui ramène
Les amours du matin et leur volage essor,

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