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Le ruisseau n'apprend pas à couler dans sa pente,
L'aigle à fendre les airs d'une aile indépendante,
L'abeille à composer son miel.

L'airain retentissant dans sa haute demeure,
Sous le marteau sacré tour-à-tour chante et pleure,
Pour célébrer l'hymen, la naissance ou la mort;
J'étais comme ce bronze épuré par la flamme,
Et chaque passion, en frappant sur mon âme,
En tirait un sublime accord.

Telle durant la nuit la harpe éolienne,
Mêlant au bruit des eaux sa plainte aérienne,
Résonne d'elle-même au souffle des zéphyrs
Le voyageur s'arrête étonné de l'entendre ;
Il écoute, il admire, et ne saurait comprendre
D'où partent ces divins soupirs.

Ma harpe fut souvent de larmes arrosée:

Mais les pleurs sont pour nous la céleste rosée :
Sous un ciel toujours sec le coeur ne mûrit pas.
Dans la coupe écrasé, le jus du pampre coule,
Et le baume flétri sous le pied qui le foule
Répand ses parfums sur vos pas.

Dieu d'un souffle brûlant avait formé mon âme;
Tout ce qu'elle approchait s'embrassait de sa flamme:
Don fatal! et je meurs pour avoir trop aimé !
Tout ce que j'ai touché s'est réduit en poussière!
Ainsi le feu du ciel tombé sur la bruyère

S'éteint quand tout est consumé.

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Cet écho d'un vain son qu'un siècle à l'autre apporte,
Ce nom, brillant jouet de la postérité ?
Vous qui de l'avenir lui promettez l'empire,
Écoutez cet accord que va rendre ma lyre! ...
Les vents déjà l'ont emporté !

Ah! donnez à la mort un espoir moins frivole.
Eh quoi le souvenir de ce son qui s'envole
Autour d'un vain tombeau retentirait toujours ?
Ce souffle d'un mourant, quoi! c'est-là de la gloire!
Mais vous qui promettez les tems à sa mémoire,
Mortels, possédez-vous deux jours ?

J'en atteste les dieux! depuis que je respire,
Mes lèvres n'ont jamais prononcé sans sourire
Ce grand nom, inventé par le délire humain;
Plus j'ai pressé ce mot, plus je l'ai trouvé vide,
Et je l'ai rejeté, comme une écorce aride

Que nos lèvres pressent en vain.

Dans le stérile espoir d'une gloire incertaine,
L'homme livre, en passant, au courant qui l'entraîne
Un nom de jour en jour dans sa course affaibli;
De ce brillant débris, le flot du tems se joue;
De siècle en siècle il flotte, il avance, il échoue
Dans les abîmes de l'oubli.

Je jette un nom de plus à ses flots sans rivage;
Au gré des vents, du ciel, qu'il s'abîme ou surnage,

En serai-je plus-grand? Pourquoi? ce n'est qu'un

nom.

Le cygne qui s'envole aux voûtes éternelles,
Amis! s'informe-t-il si l'ombre de ses ailes
Flotte encor sur un vil gazon?

Mais pourquoi chantais-tu? Demande à Philomèle Pourquoi, durant les nuits, sa douce voix se mêle Au doux bruit des ruisseaux sous l'ombrage roulant: Je chantais, mes amis, comme l'homme respire, Comme l'oiseau gémit, comme le vent soupire, Comme l'eau murmure en coulant.

Aimer, prier, chanter, voilà toute ma vie.
Mortel, de tous ces biens qu'ici-bas l'homme envie
A l'heure des adieux je ne regrette rien;
Rien, que l'ardent soupir qui vers le ciel s'élance,
L'extase de la lyre, ou l'amoureux silence

D'un coeur pressé contre le mien.

Aux pieds de la beauté sentir frémir sa lyre,
Voir d'accord en accord l'harmonieux délire
Couler avec le son et passer dans son sein;
Faire pleuvoir les pleurs de ces yeux qu'on adore,
Comme, au souffle des vents, les larmes de l'aurore
Tombent d'un calice trop plein;

Voir le regard plaintif de la vierge modeste
Se tourner tristement vers la voûte céleste,
Comme pour s'envoler avec le son qui fuit,
Puis retombant sur vous plein d'une chaste flamme,

Sous ces cils abaissés laisser briller son âme,
Comme un feu tremblant dans la nuit ;

Voir passer sur son front l'ombre de sa pensée,
La parole manquer à sa bouche oppressée,
Et de ce long silence entendre enfin sortir
Ce mot qui rete ntit jusque dans le ciel même,
Ce mot, le mot des dieux et des hommes... Je t'aime!
Voilà ce qui vaut un soupir.

Un soupir! un regret! inutile parole !

Sur l'aile de la mort mon âme au ciel s'envole,
Je vais où leur instinct emporte nos désirs.
Je vais, où le regard voit briller l'espérance;
Je vais, où va le son qui de mon luth s'élance,
Où sont allés tous mes soupirs!

Comme l'oisean qui voit dans les ombres funèbres,
La foi, cet oeil de l'âme, a percé mes ténèbres :
Son prophétique instinct m'a révélé mon sort.
Aux champs de l'avenir combien de fois mon âme,
S'élançant jusqu'au ciel sur des ailes de flamme,
A-t-elle devancé la mort!

N'inscrivez point de nom sur ma demeure sombre. Du poids d'un monument ne chargez pas mon ombre :

D'un peu de sable, hélas! je ne suis point jaloux.
Laissez-moi seulement à peine assez d'espace
Pour que le malheureux qui sur ma tombe passe
Puisse y poser ses deux genoux.

Souvent dans le secret de l'ombre et en silence,
Du gazon d'un cercueil la prière s'élance

Et trouve l'espérance à côté de la mort.

Le pied sur une tombe, on tient moins à la terre, L'horizon est plus vaste, et l'âme plus légère Monte au ciel avec moins d'effort.

Brisez, livrez aux vents, aux ondes, à la flamme,
Ce luth qui n'a qu'un son pour répondre à mon âme!
Le luth des Séraphins va frémir sous mes doigts.
Bientôt, vivant comme eux d'un immortel délire,
Je vais guider, peut-être, aux accords de ma lyre,
Des cieux suspendus à ma voix.

Bientôt !... Mais de la mort la main lourde et muette
Vient de toucher la corde; elle se brise et jette
Un son plaintif et sourd dans le vague des airs.
Mon luth glacé se tait... Amis, prenez le vôtre;
Et que mon âme encor passe d'un monde à l'autre
Au bruit de vos sacrés concerts.

Alph. de Lamartine.

L'occident.

Et la mer s'apaisait, comme une urne écnmante
Qui s'abaisse au moment où le foyer pâlit,
Et retirant du bord sa vague encor fumante,
Comme pour s'endormir rentrait dans son grand lit;

Et l'astre qui tombait du nuage en nuage,
Suspendait sur les flots un orbe sans rayon,

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