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Qui pourrait dire alors quelles sombres pensées
Se roulent dans son âme en orages de feu?
L'infortune présente, et des douleurs passées,

Et le bonheur perdu, tout saigne. Un long adieu,»
Comme un torrent sans fin, résonne en sa mémoire,
Lorsqu'il voit s'effacer une étoile sans gloire,
Qu'au livre d'or du ciel raya la main de Dieu.

Olivier.

La soirée perdue.

Moi dont tout le bonheur, dont le plus cher désir Est de voir près de vous s'écouler mon loisir,

Sans que nul importun survienne;

Sans ouvrir le logis qu'à la seule amitié,

Qui joint nos maux et donne à chacun sa moitié,
A moi la vôtre, à vous la mienne;

Moi qui voudrais jouir ainsi de mes beaux ans,
J'ai dû subir l'ennui, les plaisirs languissants
D'une longue et fade soirée,

Où sur mon siège assis, distrait et fatigué,
Je riais au hazard, j'avais l'air d'être gai,
Maudissant l'heure et sa durée.

Vous étiez là pourtant! Mais, séparés tous deux,
Je m'accordais à peine un coup d'oeil hasardeux,
Tant ma jeunesse est innocente !
Vous étiez là! J'aimais à le penser ainsi;

Mais mon coeur, quand mes yeux disaient: elle est ici,
Leur répondait: elle est absente.

Enfin de cet ennui le martyre a cessé!

Et sous mon humble toit, gîte pauvre et glacé,
Tout seul, je viens finir ma veille.

J'ai ranimé le feu dans le foyer mourant,
Car la bise nocturne élève en murmurant
Sa triste voix à mon oreille.

La neige, sous des cieux par le froid azurés,
Couvre d'un blanc linceul les maisons et les prés,
Et moi, comme au printemps, je rêve.

Je rêve de deux fleurs qu'unit le même appui,
Et de tous leurs efforts se rattachant à lui,
Qu'un vent les courbe ou les relève.

La feuille.

De ta tige détachée,

Pauvre feuille desséchée,

Où vas-tu? Je n'en sais rien,
L'orage a brisé le chêne
Qui seul était mon soutien.
De son inconstante haleine
Le zéphyr ou l'aquilon
Depuis ce jour me promène
De la forêt à la plaine,
De la montagne au vallon.
Je vais où le vent me mène,
Sans me plaindre ou m'effrayer;
Je vais où va toute chose,

Olivier.

Où va la feuille de rose

Et la feuille de laurier.

Arnault.

Le rêve de Marie.

Tu veux, pauvre Marie,
Pour voir Paris,

Quitter mère chérie

Et le pays!

Du moins jusqu'à l'aurore Attends pour te mettre en chemin, Et dans mes bras encore

Dors, mon enfant, jusqu'à demain.

Crois-moi, pauvre Marie,
Reste en ce lieu;

On dit qu'à Paris l'on oublie
Sa mère et Dieu.

Et tu pourrais, pauvre Marie,
Oublier là ta mère et Dieu !
Oui, tu pourrais, pauvre Marie,
Oublier là ta mère et Dieu !...

L'enfant fait sa prière,

Rêveuse encor,

Au front baise sa mère,

Et puis s'endort!...

Pendant qu'elle sommeille

Auprès de son lit elle entend

Sa mère, qui la veille

Tout bas lui dire en sanglotant:
Crois-moi, pauvre Marie,
Reste en ce lieu;

On dit qu'à Paris l'on oublie
Sa mère et Dieu.

Pourtant elle s'exile,

Malgré cela;

Joyeuse en la grande ville,
Oui, la voilà.

Plus d'une heureuse image
Durant à ses yeux l'avenir,

De son humble village
Efface le doux souvenir.
Crois-moi, pauvre Marie,
Reste en ce lieu;

On dit qu'à Paris l'on oublie
Sa mère et Dieu.

Enfin Dieu la renvoie,

Après deux ans

Au chaume de Savoie :

Il était temps !

Thérèse et toi, mon frère,

C'est vous enfin, que je revois !
Et notre bonne mère ?

Morte de chagrin, loin de toi!

Soudain ce mot l'éveille!...
A son chevet

Sa mère est toujours là, qui veille :

L'enfant rêvait...

Pleurant de joie, elle s'écrie :
Plus de Paris et plus d'adieu!
Car je pourrais, pauvre Marie,
Oublier là ma mère et Dieu !

Gustave Lemoine.

A un jeune homme hypocondre,

un jour de printemps.

Ami, n'avez-vous pas dans votre âme profonde
Un petit coin sensible aux beautés de ce monde,
Et lorsque brille au ciel tout l'éclat d'un beau jour,
N'éprouvez-vous jamais des mouvements d'amour?
N'est-ce pas un bonheur qui fait aimer la vie
De voir comme au printemps refleurit la prairie,
Et comme, après l'hiver triste et silencieux,
La terre qui renaît, semble un canton des cieux?
D'un penser déchirant votre âme est accablée;
Votre image aujourd'hui m'apparaît si voilée !...
Allez, mon cher, allez voir les nouveaux gazons,
Et des petits oiseaux écouter les chansons.
La verdure des pres, une voix innocente,
Rafraîchissent le coeur, rendent l'âme contente.
Aspirez ce bon air, savourez ces odeurs,

Qui s'exhalent partout de mille arbres en fleurs.
Oh! n'assombrissez pas votre âme ainsi vous-même;
Jouissez des bienfaits d'un Dieu bon, qui vous aime.
Il fit le bois paisible où vous allez rêver;

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