Page images
PDF
EPUB

Souvenez-vous de moi!

Qu'avec plaisir, ô fleur pâle et charmante
Je te retrouve dans ces lieux !

Plus que l'éclat de la rose naissante,
Ton faible azur plait à mes yeux.

Pour embellir un dernier jour d'automne,
Le printemps te laisse après soi.

J'aime ce nom, ce doux nom qu'on te donne:
Souvenez-vous de moi.

Mon oeil distrait, errant dans la prairie,
T'a reconnue avec transport.

Suis-moi, rappelle à mon âme attendrie
Les moments passés sur ce bord.
Mais non, fleuris et meurs sur ce rivage;
J'y voudrais mourir près de toi...

Je pars... Vous tous dont j'emporte l'image,
Souvenez-vous de moi!

Toi que j'ai vue au fond du noir abîme,
Auprès de l'antre du torrent;

Du vieux rocher, toi qui pares la cime
Et les murs du saint monument;
Si l'on revient visiter l'ermitage,
Qu'un doux regard tombe sur toi!
Vous qui ferez le saint pélerinage,
Souvenez-vous de moi.

Vous reverrez la chapelle pieuse,
L'autel où nous avons priél,

Le bois, le mont, l'antre, l'onde écumeuse;

Moi, je n'aurai rien oublié.

Dites-vous bien que d'ennuis oppressée,

Du destin j'accuse la loi;

Que près de vous erre encor ma pensée; Souvenez-vous de moi.

Ma voix s'éteint, mon luth que j'abandonne,
Exhale ses derniers accords;

Roseau brisé, jouet des vents d'automne,
Ils m'entraînent sur d'autres bords.

Près de revoir le monde et ses orages,
Mon coeur frémit d'un vague effroi,

Ah! sans retour si je fuis ces rivages,
Souvenez-vous de moi!

Pauline Flaugergues.

Simple vie.

Oh! laissez-moi mes rêveries,

Mes beaux vallons, mon ciel si pur,
Mes ruisseaux coulant aux prairies,
Mes bois, mes collines fleuries,
Et mon fleuve aux ondes d'azur!

Laissez ma vie au bord de l'onde
Comme elle suivre son chemin,
Inconnue aux clameurs du monde,
Toujours pure, mais peu profonde,
Et sans peine du lendemain.

Laissez-la couler, lente et douce,
Entre les fleurs, près des coteaux,

Jouant avec un brin de mousse,
Avec une herbe qu'elle pousse,
Avec le saule aux longs rameaux.

Mon âme est un oiseau qui chante
Sous la ramée, au fond des bois;
Sa plainte est naïve et touchante ;
La solitude, qu'elle enchante,
Donne mille échos à sa voix.

Mes heures, à tout vent bercées,
S'en vont, se tenant par la main:
Sous leurs pas légers mes pensées
Éclosent belles et pressées

Comme l'herbe aux bords du chemin..

On dit que la vie est amère;

O mon Dieu! ce n'est point pour moi: La poésie et la prière,

Comme une soeur, comme une mère,
La bercent pure devant toi.

Enfant, elle poursuit un rêve,
Une espérance, un souvenir,
Comme un papillon sur la grève :
Et chaque beau jour qui se lève
Lui semble tout son avenir.

Les jours lui tombent goutte à goutte,
Mais doux comme un rayon de miel,
Il n'en est point qu'elle redoute,
O mon Dieu! c'est ainsi, sans doute,
Que vivent tes anges au ciel.

La mort doit nous être donnée

Douce après ces jours de bonheur;
Comme une fleur demi-fanée,
Au soir de sa longue journée,
On penche sa tête, et l'on meurt.

Et si l'on croit, si l'on espère,
Qu'est-ce, mourir? Fermer les yeux,
Se recueillir pour la prière,
Livrer l'âme à l'ange son frère,

Dormir pour s'éveiller aux cieux.

Justin Maurice.

Le proscrit.

Il est doux, quand le soir embaume au loin la rive
Des parfums qu'il enlève au sein naissant des fleurs,
Quand s'endort le fracas d'une journée active,
Et qu'aux brises du lac l'air éteint ses chaleurs ;
Il est doux de sentir la beauté que l'on aime,
Auprès de soi pensive, à cette heure suprême,
Et de sourire ensemble, et de verser des pleurs.

Heure délicieuse,
Ravissement du soir,
Où l'âme, sérieuse,

N'a pas besoin d'espoir,

Et trouve un divin charme

A vivre d'une larme

Que nul oeil ne peut voir!

Il est doux, le matin, quand les Alpes rayonnent
Au salut du soleil qui vient dans un ciel pur,
Quand les pommiers voisins de roses se couronnent,
Que l'alouette chante au fond du vaste azur,

Il est doux de s'asseoir au banc de la famille,
Près d'un fils à l'oeil noir, près d'une blonde fille,
Et d'avoir un jardin fermé d'un petit mur.

Une cloche lointaine

Chante; et là, dans la cour,

Une claire fontaine

Murmure nuit et-jour:

C'est le ciel et la terre;

C'est la pensée austère

Dans un hymne d'amour.

Il est doux, il est doux d'avoir une patrie,
Des montagnes, des bois, un lac, un fleuve à soi,
Vignes, vergers, champs d'or, fraîche et verte prairie,
Un cimetière en fleurs, un autel pour sa foi!
Oh! qu'il est donc amer d'errer à l'aventure,
Privé de tous ces biens, et, devant la nature

Qui vous sourit, de dire: il n'est-là rien à moi!

De colline en colline,

Dans le bois triste et noir,

L'exilé s'achemine,

Par les sentiers, le soir.

Au foyer de son père
Il rêve, et désespère
De jamais s'y rasseoir.

« PreviousContinue »