Page images
PDF
EPUB

Comme un flocon d'écume

Ton corset blanc.

D'où viens-tu? Qui t'envoie Porter si douce joie

Au condamné?

Oh! charmante compagne,
Viens-tu de la montagne
Où je suis né?

Viens-tu de la patrie
Eloignée et chérie

Du prisonnier ?

Fée aux luisantes ailes,
Conte-moi des nouvelles
Du vieux foyer.

Oh! dis-moi si la mousse
Est toujours aussi douce,
Et si parfois,

Au milieu du silence,

Le son du cor s'élance

Au fond des bois.

Si la blanche aubépine,
Au haut de la colline,

Fleurit toujours;

Dis-moi si l'homme espère Encor sur cette terre

Quelque beau jour.

Il pleut, la nuit est sombre, Le vent souffle dans l'ombre

De la prison.

Hélas! pauvre petite,

As-tu froid? entre vite
Au noir donjon.

Tu t'envoles, j'y songe,

C'est que tout est mensonge,
Espoir heurté.

Il n'est dans cette vie

Qu'un bien digne d'envie,

La liberté.

Attribuée à M. de Peyronnet.

Marie.

O maison du Moustoir! combien de fois la nuit,
Ou lorsque sur le port j'erre parmi le bruit,

Tu m'apparais! Je vois les toits de ton village
Baignés à l'horizon dans des mers de feuillage,
Une grêle fumée au-dessus; dans un champ,
Une femme de loin appelant son enfant;
Ou bien un jeune pâtre assis près de sa vache,
Qui, tandis qu'indolente elle paît à l'attache,
Entonne un air breton, un air breton si doux,
Qu'en le chantant ma voix vous ferait pleurer tous.
Oh! les bruits, les odeurs, les murs gris des chaumières,
Le petit sentier blanc et bordé de bruyères,
Tout renaît, comme au temps où, pieds nus, sur le soir,
J'escaladais la porte et courait au Moustoir;

Et dans ses souvenirs où je me sens revivre,

Mon pauvre coeur troublé se délecte et s'enivre!
Aussi, sans me lasser, tous les jours je revois
Le haut des toits de chaume et le bouquet des bois,
Au vieux puits la servante allant emplir ses cruches,
Et le courtil en fleur où bourdonnent les ruches,
Et l'aire et le lavoir, et la grange; en un coin
Les pommes par monceaux et les meules de foin;
Les grands boeufs étendus aux portes de la crêche,
Et devant la maison un lit de paille fraîche.
Et j'entre, et c'est d'abord un silence profond,
Une nuit calme et noire; aux poutres du plafond
Un rayon du soleil, seul, darde sa lumière,

Et tout autour de lui fait danser la poussière.
Chaque objet cependant s'éclaircit; à deux pas
Je vois le lit de chêne et son coffre, et plus bas,
(Vers la porte, en tournant) sur le bahut énorme,
Pêle-mêle bassins, vases, de toute forme,
Pain de seigle, laitage, écuelles de noyer;
Enfin, plus bas encor, sur le bord du foyer,
Penchée en travaillant vers le grillon qui crie,
A son rouet j'aperçois la petite Marie,

Qui, sous sa jupe blanche arrangeant ses genoux,
Avec son doux parler de loin me dit: „C'est vous!"

Brizeux.

Marie.

Un jour que nous étions assis au pont Kerlô, Laissant pendre, en riant, nos pieds au fil de l'eau, Joyeux de la troubler, ou bien, à son passage,

D'arrêter un rameau, quelque flottant herbage,
Ou sous les saules verts d'effrayer le poisson,
Qui venait au soleil dormir près du gazon;

Seuls en ce lieu sauvage, et nul bruit, nulle haleine
N'éveillant la vallée immobile et sereine,

Hors nos ris enfantins, et l'écho de nos voix
Qui partait par volée et courait dans les bois,
Car entre deux forêts la rivière encaissée
Coulait jusqu'à la mer, lente, claire et glacée;
Seuls, dis-je, en ce désert, riant, causant d'amour,
Sous l'arche du vieux pont nous passâmes le jour.
C'était plaisir de voir, sous l'eau limpide et bleue,
Mille petits poissons faisant frémir leur queue,
Se mordre, se poursuivre, ou par bandes nageant,
Ouvrir et refermer leurs nageoires d'argent;

Puis les saumon s bruyants, et, sous son lit de pierre,
L'anguille qui se cache au bord de la rivière ;
Des insectes sans nombre, ailés et transparents,
Occupés tout le jour à monter les courants,
Phalènes, moucherons, alertes demoiselles,
Se sauvant sous les joncs du bec des hirondelles.
Sur la main de Marie une vint se poser,
Si bizarre d'aspect qu'afin de l'ecraser
J'accourus; mais déjà ma jeune paysane
Par l'aile avait saisi la mouche diaphane;
En voyant la pauvrette en ses doigts remuer;
„Elle n'a que sa vie, oh! pourquoi la tuer ?“
Dit-elle. Et dans les airs sa bouche ronde et pure
Légèrement souffla la frêle créature,

Qui, soudain déployant ses deux ailes de feu,

[merged small][ocr errors]

Bien des jours ont passé depuis cette journée,
Hélas! et bien des ans! dans ma quinzième année,
Enfant, j'entrais alors; mais les jours et les ans
Ont passé sans ternir ces souvenirs d'enfants,
Et d'autres jours viendront et des amours nouvelles,
Et mes jeunes amours, mes amours les plus belles,
Dans l'ombre de mon coeur mes plus fraîches amours,
Mes amours de quinze ans refleuriront toujours.

Brizeux.

La résignation.

Le lit où je repose e st baigné de mes pleurs ; Comme l'herbe des champs ma jeunesse est fanée, Et si j'ai vu passer une belle journée,

C'était une eau rapide entraînant quelques fleurs.

Sur cette mer du monde où le nocher s'égare,
Crédule, j'ai vogué sur la foi de l'orgueil,

Et quand les vents poussaient mon navire à l'écueil,
Nulle main sur le bord n'a fait briller le phare.

Me voilà séparé de tout ce qui m'est cher;
Que votre volonté, mon Dieu, soit accomplie!
Ma bouche se résigne, et du calice amer
Je saurai, s'il le faut, boire jusqu'à la lie.

De Loy.

« PreviousContinue »