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De fleurs en fleurs va les attendre
Pour les conduire jusqu'ici,

Leur mère les suivra sans doute,
Triste compagne de leurs jeux;
Vole alors gaîment devant eux
Pour les distraire de la route.
D'un infortuné prisonnier

Ils sont la dernière espérance;
Les douces larmes de l'enfance
Pourront attendrir mon geôlier.

A l'épouse la plus fidèle

On rendra le plus tendre époux;
Les portes d'airain, les verroux,
Tomberont bientôt devant elle ...
Mais, ô ciel! le bruit de mes fers
Détruit l'erreur qui me console
Hélas! le papillon s'envole,
Le voilà perdu dans les airs!

...

Le Comte de Maistre.

Couplet écrit sur l'album d'une amie.

Vous vous vantez d'avoir mon âge:
Sachez, que l'Amour n'en croit rien.
Jadis les Parques ont, je gagne,
Mêlé votre fil et le mien.

Au hasard alors ces matrones

Faisant deux lots de notre temps,

J'eus les hivers et les automnes.

Vous les étés et les printemps.

Béranger.

Le tems.

Près de la beauté que j'adore,
Je me croyais égal aux dieux ;
Lorsqu'au bruit de l'airain sonore,
Le tems apparut à nos yeux.
Faible comme une tourterelle
Qui voit la serre des vautours,
Ah! par pitié, lui dit ma belle,
Vieillard, épargnez nos amours!

Devant son front chargé de rides,
Soudain nos yeux se sont baissés:
Nous voyons à ses pieds rapides
La poudre des siècles passés.
A l'aspect d'une fleur nouvelle
Qu'il vient de flétrir pour toujours,
Ah! par pitié, lui dit ma belle,
Vieillard, épargnez nos amours!

Je n'épargne rien sur la terre ;
Je n'épargne rien même aux cieux,
Répond-il d'une voix austère :

Vous ne m'avez connu que vieux.
Ce que le passé vous révèle

Remonte à peine à quelques jours.

Ah! par pitié, lui dit ma belle,
Vieillard, épargnez nos amours!

Sur cent premiers peuples célèbres
J'ai plongé cent peuples fameux
Dans un abîme de ténèbres,

Où vous disparaîtrez comme eux.
J'ai couvert d'une ombre éternelle
Des astres éteints dans leur cours.
Ah! par pitié, lui dit ma belle,
Vieillard, épargnez nos amours!

Mais malgré moi de votre monde
La volupté charme les maux;
Et de la nature féconde

L'arbre immense étend ses rameaux.
Toujours sa tige renouvelle

Des fruits que j'arrache toujours.
Ah! par pitié, lui dit ma belle,
Vieillard, épargnez nos amours!

Il nous fuit; et près de le suivre,
Les plaisirs, hélas ! peu constans,
Nous voyant plus pressés de vivre,
Nous bercent dans l'oubli du tems.
Mais l'heure en sonnant nous rappelle

Combien tous nos rêves sont courts;
Et je m'écrie avec ma belle:

Vieillard, épargnez nos amours!

Béranger.

Les rossignols.

La nuit a ralenti les heures:
Le sommeil s'étend sur Paris.
Charmez l'écho de nos demeures:
Éveillez-vous, oiseaux chéris.

Dans ces instants où le coeur pense,
Henreux, qui peut rentrer en soi!
De la nuit j'aime le silence:
Doux rossignols, chantez pour moi.

Pour vous il n'est point de Zoile;
Mais croyez-vous, par vos accords,
Toucher l'avare au coeur stérile,
Qui compte à présent ses trésors ?
Quand la nuit, favorable aux ruses
Pour son or le remplit d'effroi,
La pauvreté sourit aux Muses.
Doux rossignols, chantez pour moi.

Mais votre voix devient plus vive;
Non, vous n'aimez pas les méchants.
Du printemps le parfum m'arrive
Avec la douceur de vos chants.
La nature, plus belle encore,
Dans mon coeur va graver sa loi.
J'attends le réveil de l'aurore:

Doux rossignols, chantez pour moi.

Béranger.

Ma vocation.

Jeté sur cette boule

Laid, chétif et souffrant;
Étouffé dans la foule

Faute d'être assez grand;
Une plainte touchante

De ma bouche sortit.

Le bon Dieu me dit: Chante,

Chante, pauvre petit!

Le char de l'opulence
M'éclabousse en passant;
J'éprouve l'insolence

Du riche et du puissant;
De leur morgue tranchante
Rien ne nous garantit,

Le bon Dieu me dit: Chante,
Chante, pauvre petit!

D'une vie incertaine
Ayant eu de l'effroi,
Je rampe sous la chaîne
Du plus modique emploi.
La liberté m'enchante,
Mais j'ai grand appétit,
Le bon Dieu me dit: Chante,
Chante, pauvre petit!

Chanter, ou je m'abuse,
Est ma tâche ici-bas.

Tous ceux qu'ainsi j'amuse

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