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Enfants! dites-le moi! l'heure est si bien venue!

Il fait froid. Il est tard. Je souffre, et j'ai sommeil.

Ch. Nodier.

Les saisons du Nord.

Connaissez-vous ces bords qu'arrose la Baltique.
Et dont les souvenirs, aimés du barde antique,
Ont réveillé la harpe amante des torrents?
Connaissez-vous ces champs qu'un long hiver as-

siége,

L'orgueil des noirs sapins que respecte la neige,
Ces rocs couverts de mousse et ces lacs transparents?

D'un rapide printemps la fugitive haleine

Y ranime en passant et les monts et la plaine;
Un prompt été le suit, et, prodigue de feux,
Se hâte de mûrir les trésors qu'il nous donne;
Car l'hiver menaçant laisse à peine à l'automne
Le temps de recueillir ses présents savoureux.

Mais ces rares beaux jours, quel charme les décore!
La nuit demi-voilée y ressemble à l'aurore:
Une molle douceur se répand dans les airs;
Et cette heure rapide où le soleil repose,
Glisse avec le murmure et les parfums de rose
Des bouleaux agités par la brise des mers.

Be aux climats du Midi, terres du ciel aimées!
Que sont au fils du Nord vos brises embaumées ?
Les jasmins de Grenade et leurs parfums si doux

Ne pourraient l'arracher à sa mélancolie;

Sous vos rameaux en fleurs, citronniers d'Italie,
Il rêve un sol de glace et des cieux en courroux.

Mme Amable Tastu.

Le pressentiment.

C'est en vain que l'on nomme erreur

Cette secrète intelligence,

Qui portant la lumière au fond de notre coeur, Sur des maux ignorés nous fait gémir d'avance. C'est l'adieu d'un bonheur prêt à s'évanouir; C'est un subit effroi dans une âme paisible; Enfin, c'est pour l'être sensible

Le fantôme de l'avenir.

Pressentiment, dont j'éprouvai l'empire,
Oh! qui peut résister à tes vagues douleurs?
Encore enfant, tu m'as coûté des pleurs,
Et de mon front joyeux tu chassas le sourire.

Oui, je t'ai vu, couvert d'un voile noir,
Aux plus beaux jours de mon jeune âge;
Tu formas le premier nuage

Qui des beaux jours lointains enveloppa l'espoir.
Tout m'agitait encor d'une innocente ivresse;
Tout brillait à mes yeux des plus vives couleurs,
Et je voyais la riante jeunesse

Accourir en dansant pour me jeter des fleurs.
Au sein de mes chères compagnes,

Courant dans les vertes campagnes,

Frappant l'air de nos doux accents,
Qui pouvait attrister mes sens?
Comme les fauvettes légères
Se rassemblent dans les bruyères,
La saison des fleurs et des jeux
Rassemblait notre essaim joyeux.

Un jour, dans ces jeux pleins de charmes,
Je cessai tout à coup de trouver le bonheur;
J'ignorais qu'il fût une erreur,

Et pourtant je versai des larmes !

En revenant je ralentis mes pas;

Je remarquai du jour le feu prêt à s'éteindre,
Sa chute à l'horizon, qu'il regrettait d'atteindre :
Mes compagnes dansaient... moi, je ne dansai pas.

Un mois après, j'errais dans ce lieu solitaire; Hélas! ce n'était plus pour y chercher des fleurs : La mort m'avait appris le secret de mes pleurs, Et j'étais seule au tombeau de ma mère !

Mme Desbordes-Valmore.

Le prisonnier et le papillon.

Hôte de la plaine éthérée,
Aimable et brillant papillon,
Comment de cet affreux donjon
As-tu su découvrir l'entrée ?
A peine entre ses noirs créneaux
Un faible rayon de lumière

Jusqu'en mon cachot solitaire
Pénètre à travers les barreaux.

As-tu reçu de la nature

Un coeur sensible à l'amitié ?
Viens-tu, conduit par la pitié,
Soulager les maux que j'endure?
Ah! ton aspect de ma douleur
Suspend et calme la puissance;
Tu me ramènes l'espérance

Prête à s'éteindre dans mon coeur!

Doux ornement de la nature,

Viens me retracer sa beauté!

Parle-moi de la liberté,

Des eaux, des fleurs, de la verdure;
Parle-moi du bruit des torrents,

Des lacs profonds, des verts ombrages,
Et du murmure des feuillages
Qu'agite l'haleine des vents.

As-tu vu les roses éclore?
As-tu rencontré des amants?
Dis-moi l'histoire du printemps
Et les nouvelles de l'aurore.
Dis-moi si dans le fond des bois
Le rossignol, à ton passage,
Quand tu traversais le bocage,
Faisait ouïr sa douce voix.

Le long de la muraille obscure
Tu cherches vainement des fleurs;

Chaque captif de ses malheurs
Y traça la vive peinture.
Loin du soleil et des zéphirs,
Entre ces voûtes souterraines,
Tu voltigeras sur des chaînes,
Et n'entendras que des soupirs.

Léger enfant de la prairie,
Sors de ma lugubre prison:
Tu n'existes qu'une saison,
Hâte-toi d'employer la vie.
Fuis! tu n'auras hors de ces lieux,
Où l'existence est un supplice,
D'autres liens que ton caprice,
Et d'autre prison que les cieux.

Peut-être un jour dans la campagne,
Conduit par tes goûts inconstants,
Tu rencontreras deux enfants
Qu'une mère triste accompagne.
Vole aussitôt la consoler;
Dis-lui que son époux respire,
Que pour elle seule il soupire...
Mais, hélas ! tu ne peux parler!

Etale ta riche parure

Aux yeux de mes jeunes enfants; Témoin de leurs jeux innocents, Plane autour d'eux sur la verdure. Bientôt, vivement poursuivi,

Feins de vouloir te laisser prendre;

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