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Et je ne sais qu'à votre absence
Combien les jours vont alonger.

Émile Deschamps.

A Miss E. 0.

Lorsqu'en ancien voisin, qui conserve ses droits,
Aux heures de travail chez vous j'entre, et vous vois
Assise et cultivant auprès de votre mère

Les arts, ces fruits si doux dont l'écorce est amère,
Et que sur une main votre front s'appuyant,

Vous relevez vers moi ce grand oeil suppliant,
Qui semble interroger à la fois et se plaindre,
Malgré moi je me sens triste et tout près de craindre
Que quelque préférence, un ruban, un baiser,
A votre jeune soeur donnés sans y penser,
Ou qu'une main distraite à la main qui la presse
Ne rendant pas toujours caresse pour caresse,
N'éveille en votre coeur un sentiment jaloux;
Que, ne vous croyant pas comprise autour de vous,
Vous n'en ayez dans l'ame une douleur secrète,
Dont votre oeil transparent est le seul interprète;
Qu'un ver caché habite en ton sein, pauvre fleur!
Mais, sous la dent du ver la fleur perd sa couleur ;
Mais le chagrin pâlit, et vous êtes si rose,
Mais il fuit le plaisir, et que je vous propose
Quelque spectacle, un bal, vous voilà souriant,
Et l'enfant redevient joueur, insouciant.

Jeune Anglaise de l'Inde, oh! dis-moi, je t'en prie,
D'où te vient par moments cet air de rêverie?
Ton coeur si pur encor, le sens-tu s'affliger
D'un amour qu'il inspire et ne peut partager?
Je le sais, tu n'es pas, toi, de ces jeunes filles
Pareilles au chasseur qui va par les charmilles,
Tirant sur le feuillage, et qui ne cherche pas,
Lorsqu'il a le gibier qu'il faut à son repas,

Si quelque pauvre oiseau n'est point là, sur la route,
Traînant l'aile et perdant tout son sang goutte à goutte,
Qui chantait tout-à-l'heure, et qui doit oublier
Les gais repas du soir dans le rouge sorbier,
Et l'étang effleuré d'une aile aventureuse,

Et les bains au soleil dans le sable qu'on creuse,
Le nid bercé du vent sous les grands arbres verts,
Et les printemps si doux au sortir des hivers !
Toi, tu n'es pas coquette, et si tu veux qu'on t'aime,
Ce n'est pas vanité, c'est pour aimer de même.

Serait-ce que l'amour s'éveille dans ton coeur ?
Qu'entre tous les vaincus tombe aussi le vainqueur ?
Dis est-ce amour, pitié, jalousie ou souffrance,
Ou bien que ta prunelle a plus de transparence,
Et que de longs cils noirs tes yeux bleus recouverts
Paraissent plus rêveurs pour être moins ouverts?
Vailly.

A qui pense-t-il ?

Ange aux yeux de flammes,

Tu sais nos secrets;

Tu lis dans nos âmes,
Dis-moi ses regrets.
Sur l'onde en furie,
Cherchant le péril,
Loin de sa patrie,
A qui pense-t-il ?

Quand ses blanches voiles

Flottent dans les airs,

Quand l'or des étoiles

Brille sur les mers,
Quand seul il admire
L'onde sans péril,
Si son coeur soupire,
A qui rêve-t-il ?

Alors qu'il succombe
Au plus triste ennui,
Et qu'une colombe
Vole devant lui,
Dans ce doux présage
Sauveur du péril,
Voit-il un message?...
Et qui nomme-t-il ?

Quand l'orage gronde

Au sein de la nuit,

Qu'on entend sous l'onde

Un funeste bruit;

Si dans la tempête

Un affreux péril
Plane sur sa tête...

Pour qui tremble-t-il ?

Mais de son empire

Est-il étonné ?

Tout ce qu'il inspire

L'a-t-il deviné?

Un jour s'il arrive
Au port sans péril,

De loin sur la rive

Qui cherchera-t-il ?

Delphine Gay.

Reproches.

Pour la première fois vous avez fui mon coeur,
Ce coeur où vous pleuriez, où vous versiez votre âme,
Vous avez un secret qu'en vain, moi, je réclame;
Moi, que vous aimiez tant, mon regard vous fait peur,
Pour la première fois vous avez fui mon coeur.

Vous avez oublié qu'il est doux de pleurer,
Quand on a bien longtemps voulu cacher ses larmeş;
Contez-moi vos chagrins, vos secrètes alarmes,
Tout ce qui vous fait craindre ou vous laisse espérer;
Vous avez oublié qu'il est doux de pleurer.

Oh! pleurez avec moi votre bonheur perdu,
Et nos rêves d'enfants, trop fragile chimère;
Pleurez pour que vos yeux retrouvent leur lumière,

Et pour que le repos au moins vous soit rendu.
Oh! pleurez avec moi votre bonheur perdu.

De votre lourd secret donnez-moi la moitié ;
Soulagez votre coeur de ce poids qui l'oppresse;
Cachez entre mes bras un aveu qui vous blesse,
Je vous conjure, enfant, de vous ayez pitié!
De votre lourd secret donnez-moi la moitié.

Mon âme est à la vôtre attachée à toujours,
Malgré le ciel contraire, et malgré vous peut-être ;
Ainsi qu'une ombre amie elle doit apparaître
Dans votre vie amère et dans vos heureux jours..
Mon âme est à la vôtre attachée à toujours.

Hélas! si vous vouliez un peu vous souvenir
De ce temps où mon coeur réfléchissait le vôtre,
Où nous marchions ensemble en pensant l'un à l'autre,
Vous verriez le passé plus beau que l'avenir,
Hélas! si vous vouliez un peu vous souvenir.

Le printemps est fini, n'effeuillons pas les fleurs,
Qu'il a laissé tomber de sa fraîche couronne,
Car l'hiver vient si vite et sa main les moissonne,
Et nos pleurs les suivront, mais que lui font nos pleurs ?
Le printemps est fini, n'effeuillons pas les fleurs.

Marie Nodier Menessier.

La Lisette de Béranger.

(A Béranger.)

Enfants, c'est moi qui suis Lisette,

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