Pourquoi mouiller de pleurs le chevet de ton lit? Si ton regard s'éteint, si ta voix s'affaiblit,
Mon ange... ne crains pas, de son charme vainqueur Qu'une autre pût jamais t'effacer de mon coeur; C'est par l'âme que je t'adore.
Si jamais, (que ce jour se tienne loin encor!) Si, repliant ton cou sous l'aile de la mort, Tu t'endormais, ô ma colombe,
De balcon en balcon je n'irais pas le soir Chanter afin qu'une autre à mes yeux se fît voir, Mais j'irais m'asseoir sur ta tombe.
Et là, le front baissé, les yeux mouillés de pleurs, Je te réveillerais sous mes vives douleurs ;
Et le bruit de ton vol funèbre,
En passant à travers le saule aux longs cheveux, Me serait préférable aux plus tendres aveux De la beauté la plus célèbre.
Mes jours sont condamnés, je vais quitter la terre, Il faut dire adieu sans espoir de retour!
Vous, qui pleurez, hélas! bel ange tulélaire, Laissez tomber sur moi vos doux regards d'amour Du celeste séjour entr'ouvrez-moi les portes. Et du maître éternel pour adoucir la loi,
Quand vous verrez tomber, tomber les feuilles mortes, Si vous m'avez aimé, vous prîrez Dieu pour moi!
Oui, le premier printemps va fleurir sur ma tombe, Oui, ce jour, qui m'éclaire est mon dernier soleil Et des arbres jaunis chaque feuille, qui tombe, Me montre du trépas le lugubre appareil. Oui, des oiseaux du ciel les légères cohortes Chanteront dans les airs, sans causer mon effroi! Quand vous verrez tomber, tomber les feuilles mortes, Si vous m'avez aimé, vous prîrez Dieu pour moi.
Sans vous, sans votre amour je quitterais la vie, Sans y rien regretter, comme un séjour de deuil; Aux chagrins, aux revers, ma jeunesse asservie Voit la mort comme un phare et non comme un écueil; Mais j'ai par vos doux soins des douleurs les plus fortes Bravé les traits cruels, sans trouble et sans effroi! Quand vous verrez tomber, tomber les feuilles mortes, Si vous m'avez aimé, vous prîrez Dieu pour moi. Adolphe Porte.
Oh! dis-moi, le sais-tu, mon seul bien, mon seul rêve, Sais-tu que sur le sol où j'allais dépérir,
Un rayon de tes yeux a réchauffé la sève De l'arbuste prêt à mourir?...
Sais-tu que ma pauvre âme, errante et solitaire, Devina dans ton âme, à ses parfums de miel,
Une rose cachée, une fleure de mystère Epanouie au vent du ciel;
Et que j'ai vu par toi descendre à travers l'ombre L'amour, chaste lueur qu'aucun mortel ne fuit, Et qui se vient poser sur un visage sombre, Comme l'étoile sur la nuit?
Où vas-tu, souffle d'aurore, Vent de miel qui viens d'éclore, Fraîche haleine d'un beau jour ?... Où vas-tu, brise inconstante, Quand la feuille palpitante
Semble frissonner d'amour ?
Est-ce au fond de la vallée, Dans la cime échevelée
D'un saule où le ramier dort? Poursuis-tu la fleur vermeille, Ou le papillon qu'éveille
Un matin de flamme et d'or?...
Va plutôt, souffle d'aurore,
Bercer l'âme que j'adore :
Porte à son lit embaumé
L'odeur des bois et des mousses,
Et quelques paroles douces
Comme les roses de mai.
Février grelottait, blanc de givre et de neige, La pluie, à flots soudains, battait l'angle des toits, Oh! mon Dieu, quand pourrai-je
Aller cueillir enfin la violette au bois?
Notre ciel est pleureur et le printemps de France, Frileux comme l'hiver, s'asseoit près des tisons; Paris est dans la boue au beau mois où Florence
Égraine ses trésors sous l'émail des gazons.
Vois, les arbres noircis contournent leurs squelettes, Ton âme s'est trompée à sa douce chaleur, Tes yeux bleus sont encor les seules violettes, Et le printemps ne rit que sur ta joue en fleur.
Adieu! ce triste mot nous a fait tressaillir.
Vous partez! Désormais nous n'irons plus cueillir Les fleurs écloses dans la plaine;
Ni sur un pan de mur qu'embrasse un lierre frais, Nous asseoir, et parler longtemps de nos secrets, Dont j'ai l'âme encor toute pleine.
Je vous aurais tout dit: regrets, vagues desirs, Tristesse, gaîté folle et fugitifs plaisirs,
Projets souvent remplis d'audace,
Mais mourant inconnus; comme de ses rameaux
Un insecte léger tombe, et va sur les eaux Périr sans y laisser de trace.
Et tant d'autres projets qui brûlèrent mon front, Et que parents, amis, jamais ne connaîtront, Non plus que vous, chère Isabelle;
Car le sort qui vous presse, étend sur vous sa main: C'est une fleur qu'il ôte ainsi de mon chemin, Hélas! parce qu'elle est trop belle.
C'était une douce habitude
Celle de vous voir tous les jours. Hélas! chaque chose a son cours; Tout fuit: gloire, plaisir, étude, Amitié.... même les amours. Mon âme entière à votre perte, Où fixer mes yeux et mes pas, Parmi cette foule déserte Où, demain, vous ne serez pas?
Ils me disent qu'il faut sourire Aux fleurs, soupires du printemps, Que l'hirondelle et le zéphire Doivent, jusques à dix-sept ans, Rajeunir mon coeur et ma lyre... Mais je vois tout, sans y songer, Le soleil y perd sa puissance,
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