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A l'horizon, parmi la brume,
Voyez-vous flotter une plume,
Et courir un cheval qui fume,
Et revenir mon bien-aimé ?

Victor Hugo.

Adieu de l'hôtesse arabe.

Puisque rien ne t'arrête en cet heureux pays,
Ni l'ombre du palmier, ni le jeune maïs,
Ni le repos, ni l'abondance;

Ni de voir à ta voix battre le jeune sein

De nos soeurs, dont, les soirs, le tournoyant essaim
Couronne un coteau de sa danse:

Adieu, voyageur blanc ! J'ai sellé de ma main,
De peur qu'il ne te jette aux pierres du chemin,
Ton cheval à l'oeil intrépide;

Ses pieds foulent le sol, sa croupe est belle à voir,
Ferme, ronde et luisante, ainsi qu'un rocher noir
Que polit une onde rapide.

Tu marches donc sans cesse! oh! que n'es-tu de ceux,
Qui donnent pour limite à leurs pieds paresseux
Leur toit de branches ou de toiles !

Qui, rêveurs, sans en faire, écoutent les récits,
Et souhaitent, le soir, devant leur porte assis,
De s'en aller dans les étoiles !

Si tu l'avais voulu, peut-être une de nous,
O jeune homme, eût aimé te servir à genoux
Dans nos huttes toujours ouvertes;

Elle eût fait, en berçant ton sommeil de ses chants,
Pour chasser de ton front les moucherons méchans,
Un éventail de feuilles vertes.

Mais tu pars! Nuit et jour tu vas seul et jaloux.
Le fer de ton cheval arrache aux durs cailloux
Une poussière d'étincelles;

A ta lance qui passe et dans l'ombre reluit,
Les aveugles démons qui volent dans la nuit
Souvent ont déchiré leurs ailes.

Si tu reviens, gravis, pour trouver ce hameau,
Ce mont noir qui de loin semble un dos de chameau;
Pour trouver ma hutte fidèle,

Songe à son toit aigu comme une ruche à miel,
Qu'elle n'a qu'une porte et qu'elle s'ouvre au ciel
Du côté d'où vient l'hirondelle.

Si tu ne reviens pas, songe un peu quelquefois
Aux filles du désert, soeurs à la douce voix,
Qui dansent pieds nus sur la dune;

O beau jeune homme blanc, bel oiseau passager,
Souviens-toi: car peut-être, ô rapide étranger
Ton souvenir reste à plus d'une!

Adieu donc ! Va tout droit. Garde-toi du soleil,
Qui dore nos fronts bruns, mais brûle un teint vermeil,
De l'Arabie infranchissable;

De la vieille, qui va seule et d'un pas tremblant
Et de ceux, qui le soir avec un bâton blanc

Tr acent des cercles sur le sable.

Victor Hugo.

Encore à toi.

A toi! toujours à toi! que chanterait ma lyre?
A toi l'hymne d'amour! A toi l'hymne d'hymen !
Quel autre nom pourrait éveiller mon délire ?
Ai-je appris d'autres chants? sais-je un autre chemin ?
C'est toi dont le regard éclaire ma nuit sombre;
Toi, dont l'image luit sur mon sommeil joyeux;
C'est toi qui tiens ma main, quand je marche dans
l'ombre,

Et les rayons du ciel me viennent de tes yeux!

Mon destin est gardé par ta do uce prière:
Elle veille sur moi, quand mon ange s'endort;
Lorsque mon coeur entend ta voix modeste et fière,
Au combat de la vie il provoque le sort.

N'est-il pas dans le ciel de voix qui te réclame?
N'es-tu pas une fleur étrangère à nos champs?
Soeur des vierges du ciel, ton âme est pour mon âme
Le reflet de leurs feux et l'écho de leurs chants!

Quand ton oeil noir et doux me parle et me contemple,

Quand ta robe m'effleure avec un léger bruit,
Je crois avoir touché quelque voile du temple,
Je dis comme Tobie: Un ange est dans ma nuit!

Lorsque de mes douleurs tu chassas le nuage,
Je compris qu'à ton sort mon sort devait s'unir,
Pareil au saint pasteur, lassé d'un long voyage,
Qui vit vers la fontaine une vierge venir!

Hélas! je t'aime tant qu'à ton nom seul je pleure,
Je pleure, car la vie est si pleine de maux!
Dans ce morne désert tu n'as point de demeure,
Et l'arbre où l'on s'assied lève ailleurs ses rameaux.

Mon Dieu! mettez la paix et la joie auprès d'elle. Ne troublez pas ses jours, ils sont à vous, Seigneur ! Vous devez la bénir, car son âme fidèle

Demande à la vertu le secret du bonheur.

Victor Hugo.

Fragment.

Vois, cette branche est rude, elle est noire et la nue
Verse la pluie à flots sur son écorce nue;

Mais attends, que l'hiver s'en aille, et tu vas voir
Une feuille percer ces noeuds si durs pour elle,
Et du demanderas comment un bourgeon frêle
Peut, si tendre et si vert jaillir de ce bois noir.

C'est que tout a sa loi, le monde et la fortune; C'est qu'une claire nuit succède aux nuits sans lune; C'est que tout ici-bas a ses reflux constans;

C'est qu'il faut l'arbre au vent et la feuille au zé

phire;

C'est qu'après le malheur m'est venu ton sourire; C'est que c'était l'hiver et que c'est le printemps. Victor Hugo.

Apparition.

Toi qui du jour mourant consoles la nature,
Parais, flambeau des nuits, lève-toi dans les cieux;
Étends autour de moi, sur la pâle verdure,
Les douteuses chartés d'un jour mystérieux !
Tous les infortunés chérissent ta lumière;
L'éclat brillant du jour repousse leurs douleurs:
Aux regards du soleil ils ferment leur paupière,
Et rouvrent devant toi leurs yeux noyés de pleurs.

Viens guider mes pas vers la tombe
Où ton rayon s'est abaissé,

Où chaque soir mon genou tombe
Sur un saint nom presque effacé.

Mais quoi! la pierre le repousse ! ...
J'entends!... oui! des pas sur la mousse!
Un léger souffle a murmuré;

Mon oeil se trouble, je chancelle:

Non, non, ce n'est plus toi: c'est elle

Dont le regard m'a pénétré!.....

Est-ce bien toi? toi qui t'inclines
Sur celui qui fut ton amant ?
Parle; que tes lèvres divines
Prononcent un mot seulement;
Ce mot que murmurait ta bouche,
Quand, planant sur ta sombre couche,
La mort interrompit ta voix.

Sa bouche commence!... ah! j'achève,

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