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Et quand je suis à l'ombre des forêts,
J'accuse la nature entière.

Pauvre Jacques, quand j'étais près de toi,
Je ne sentais pas ma misère ;
Mais à présent que tu vis loin de moi,
Je manque de tout sur la terre.

La Marquise de Travanet.

Élégie.

Que le bonheur arrive lentement!
Que le bonheur s'éloigne avec vitesse!
Durant le cours de ma triste jeunesse,
Si j'ai vécu, ce ne fut qu'un moment.
Je suis puni de ce moment d'ivresse.
L'espoir qui trompe a toujours sa douceur,
Et dans nos maux du moins il nous console;
Mais loin de moi l'illusion s'envole,
Et l'espérance est morte dans mon coeur.
Ce coeur, hélas! que le chagrin dévore,
Ce coeur malade et surchargé d'ennui
Dans le passé veut ressaissir encore
De son bonheur la fugitive aurore,

Et tous les biens qu'il n'a plus aujourd'hui;
Mais du présent l'image trop fidèle

Me suit toujours dans ses rêves trompeurs,
Et sans pitié la vérité cruelle

Vient m'avertir de répandre des pleurs.

J'ai tout perdu: délire, jouissance,

Transports brûlants, paisible volupté, Douces erreurs, consolante espérance; J'ai tout perdu, l'amour seul est resté !

Parny.

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L'orage.

Il pleut, il pleut, bergère;
Presse tes blancs moutons ;

Allons sous ma chaumière,

Bergère, vite, allons;

J'entends sur le feuillage

L'eau qui tombe à grand bruit;

Voici, voici l'orage;

Voilà l'éclair qui luit.

Entends-tu le tonnerre;
Il roule en approchant;
Prends un ami, bergère,

A ma droite, en marchant,

Je vois notre cabane...

Et, tiens, voici venir

Ma mère et ma soeur Anne,

Qui vont l'étable ouvrir.

Bon soir, bon soir, ma mère ;
Ma soeur Anne, bon soir;
J'amène ma bergère
Près de vous pour ce soir.
Va te sécher, ma mie,
Auprès de nos tisons;

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Soeur, fais-lui compagnie.
Entrez, petits moutons.

Soignons bien, ô ma mère,
Son tant joli troupeau;
Donnez plus de litière
A son petit agneau.

C'est fait. Allons près d'elle.
Eh bien! donc, te voilà?
En corset qu'elle est belle!
Ma mère, voyez-la.

Soupons; prends cette chaise, Tu seras près de moi;

Ce flambeau de mélèze

Brûlera devant toi;

Goûte de ce laitage.
Mais tu ne manges pas?

Tu te sens de l'orage,
Il a lassé tes pas.

Eh bien! voilà ta couche,
Dors-y jusques au jour;
Laisse-moi sur ta bouche
Prendre un baiser d'amour.
Ne rougis pas, bergère,
Ma mère et moi, demain,

Nous irons chez ton père

Lui demander ta main.

Fabre d'Églantine.

La Musette.

O ma tendre musette,

Musette des amours,

Toi qui chantais Lisette,
Lisette et ses beaux jours,
D'une vaine espérance

Tu m'avais trop flatté:

Chante son inconstance
Et ma fidélité.

C'est l'amour, c'est sa flamme
Qui brille dans ses yeux:
Je croyais que son âme
Brûlait des mêmes feux.
Lisette à son aurore
Respirait le plaisir.

Hélas! si jeune encore
Sait-on déjà trahir?

Sa voix, pour me séduire,
Avait plus de douceur.
Jusques à son sourire,

Tout en elle est trompeur;
Tout en elle est intéresse,
Et je voudrais, hélas!

Qu'elle eût plus de tendresse,
Ou qu'elle eût moins d'appas.

O ma tendre musette,
Console ma douleur;

Parle-moi de Lisette :

Ce nom fait mon bonheur.
Je la revois plus belle,
Plus belle tous les jours:

Je me plains toujours d'elle,

Et je l'aime toujours.

La Harpe.

Premières leçons.

(Fragment.)

Toujours ce souvenir m'attendrit et me touche,
Quand lui-même appliquant la flûte sur ma bouche,
Riant et m'asseyant sur lui, près de son coeur,
M'appelait son rival et déjà son vainqueur.

Il façonnait ma lèvre inhabile et peu sûre
A souffler une haleine harmonieuse et pure.

Et ses savantes mains, prenant mes jeunes doigts
Les levaient, les baissaient, recommançaient vingt fois,
Leur enseignant ainsi, quoique faibles encore
A fermer tour à tour les trous du buis sonore.

André Chénier.

L'amour vrai.

De ma Céline amant modeste,

Si je n'ai reçu qu'un aveu,

Il vaut à lui seul tout le reste;
Amour sincère vit de peu.

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