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L'enfant malade.

Retirez-vous amis, laissez-moi seul près d'elle;
Que je presse sa main dans ma main paternelle,
Sa main sèche et brûlante! O l'enfant de mon coeur!
Qui charge ainsi tes yeux d'une épaisse langueur?
Quel feu court dans ton sang, le trouble le dévore?
Hier sur nos genoux tu folâtrais encore,
Hélas! et te voilà sur le lit des douleurs!
Lève tes yeux sur moi, lève-les, ou je meurs!
Tu m'entends donc enfin ! je revois ton sourire
Mais tu brûles toujours, ton pauvre coeur soupire;
Pourtant ta voix est calme, et ton regard si doux!
De ce mal inconnu tu crains peu le courroux;
Quand dix printemps à peine ont passé sur ta tête,
Tu braves, jeune fleur, le vent de la tempête,
Tu crois qu'elle réserve et sa grêle et ses traits
Pour le front élevé du chêne des forêts.

...

Non, la plus faible plante, au sein des prés cachée, A la vie, à l'amour, est par elle arrachée.

Mais peut-être qu'un ange en secret t'a parlé!

En te montrant le ciel il t'aura révélé

Des destins ravissants, et des jeux sans alarmes,

Et des champs pleins de fleurs et des fêtes sans

larmes ;

Et tu souris, ma fille, à l'ange triomphant.

Ah! ne va pas le croire, enfant;

J'ai vu mourir, la mort est bien amère! Cherche le ciel près de ton père;

Ma fille, la vie a des biens,

De doux rêves, de doux liens ;

Ne t'en va pas sans les connaître ;
Les cieux les ignorent peut-être !

Le monde a des périls! je serai près de toi,
Je les connais, j'en défendrai ta vie,
Je la sauverai de l'envie;

Ses traits n'iront que jusqu'à moi.

Mais si la voix du ciel l'emporte sur ton père,
Si Dieu par un regard te ravit à la terre,
Je suis prêt, mon enfant, je quitte pour j'amais
Mes champs et mes plaisirs, et tout ce que j'aimais.
Et dès que j'aurai vu de formes immortelles
S'embellir tes traits adorés,

Je te serre en mes bras, je m'attache à tes ailes,
Et je monte avec toi vers les parvis sacrés.
Pour éviter de Dieu le regard trop sévère,

Je cacherai mon front dans ton sein radieux;
Ta douce voix dira les mots de la prière,
Et ton père avec toi s'assiéra dans les cieux.
U. Guttinguer.

La jeune fille dans les prés.
Quand mon coeur s'abreuve de joie,
Pourquoi suis-je prêt à pleurer?

La prairie au loin se déploie
Sous le vent qui vient l'effleurer.
Quel éclat dans cette verdure!
C'est un hymne de la nature...
Pourquoi suis-je prêt à pleurer?

Où vas-tu, pauvre jeune fille?

De bluets pourquoi te parer?

Ton beau front, où la fraicheur brille,
Est si prompt à se colorer!

Que vas-tu chercher dans la vie?
Tu marches légère, ravie...
Pourquoi suis-je prêt à pleurer?

Jolie enfant, tu crois peut-être
Qu'un bonheur viendra t'entourer,
Que jeune fleur n'a qu'à paraître
Pour qu'on désire s'en parer.
La candeur qui tremble et soupire,
En la froissant on la respire...
Pourquoi suis-je prêt à pleurer ?

Simple, tu crois que la parole
Ne sert jamais à colorer

Le mensonge, vive auréole

Dont l'homme est prompt à s'entourer; L'amour est ton bonheur suprême;

Comme on le dit, tu crois qu'on aime...
Pourquoi suis-je prêt à pleurer?

Tu dis encor, pauvre et jolie,
Fi du plaisir qu'on veut dorer!
Tu ne sais pas que l'on oublie,
Pourras-tu longtemps l'ignorer?
Au coeur trompé naît l'artifice,
Et du plaisir il tombe au vice...
Pourquoi suis-je prêt à pleurer?

Passe, la plaine est rose et verte,
L'hirondelle vient l'effleurer;

Mais des fleurs dont elle est couverte
Crois-tu qu'un Dieu sait la parer?
Ta main distraite et nonchalante
Brise en jouant la frêle plante...
Pourquoi suis-je prêt à pleurer?

Quel âge as-tu? Seize ans à peine!
Seule ici, pourquoi t'égarer?

Tu cours en tous sens dans la plaine;
Ton chemin, peux-tu l'ignorer?

Ta robe atteste ta misère;

Passe... Tu n'as donc pas de mère?... Pourquoi suis-je prêt à pleurer?

E. Drouineau.

A Noémi.

Noémi, frais bouton de rose,
Enfin sur mon sein je te pose,
Tu fixes mes regards ravis.
Grâce aux souffrances de ta mère,
Tu boiras à la coupe amère ;
Je te vois, je te tiens; tu vis.

Tu vis! ... et le bonheur m'enivre,
Comme s'il était bon de vivre,

Et qu'il fût doux de voir le jour.

Tu vis, et mon âme se noie

Dans des flots d'ineffable joie,
Et n'est plus qu'espoir et qu'amour.

Et toi, sur le courant perfide
Tu vas, confiante et candide,
Lancer ton fragile vaisseau:
Et tu ris, comme dans les langes
L'enfant divin riait aux anges
Veillant autour de son berceau.
Que ton sein doucement soupire!
Que de calme dans ton sourire!
Que d'innocence dans tes yeux!
Vois-tu donc ton ami céleste,
Protégeant ton berceau modeste,
Planer pur et silencieux ?

Sais-tu que ton Dieu te contemple?
Sais-tu que ton âme est son temple?
Sais-tu que les coeurs innocents,
Comme toi, savent seuls lui plaire,
Et que d'une main tutélaire
I bénit les petits enfants ?

Sais-tu répondre à ma pensée,
Qui pour toi, sans être lassée,
Jour et nuit veille sans repos ?
Dans mon âme saurais-tu lire
Qu'il te suffit d'un seul sourire
Pour me faire oublier mes maux?

...

Mais non ton coeur sommeille encore; Ignorante comme l'aurore

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