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S'évanouit dans l'eau ...
Bonjour, ma mère, oh!
Que mon rêve était beau !
C'en était fait du mousse,
Mère, sans votre voix;
Sa clameur forte et douce
Me reveilla trois fois!

Sous les vagues profondes

Nageait en vain la mort,

Vos deux bras sous les ondes

Me poussaient vers le port,

Et votre âme en prière
Sémait une lumière

Entre le ciel et l'eau ...
Bonjour, ma mère, oh!

Que mon rêve était beau!

Mme Desbordes Valmore.

Le berceau d'Hélène.

Qu'a-t-on fait du bocage où rêva mon enfance?
Oh! je le vois toujours! j'y voudrais être encor!
Au milieu des parfums, j'y dormais sans défense,
Et le soleil sur lui versait des rayons d'or;
Peut-être qu'à cette heure il colore des roses,
Et que son doux reflet tremble dans le ruisseau :
Viens couler à mes pieds, clair ruisseau qui l'arroses,
Sous tes flots transparents montre-moi le berceau:
Viens, j'attends ta fraîcheur, j'appelle ton murmure
J'écoute, réponds-moi!

Sur tes bords, où les fleurs se fanent sans culture,
Les fleurs ont besoin d'eau, mon coeur sèche sans toi,
Viens, viens me rappeler, dans ta course limpide,
Mes yeux, mes premiers jeux, si chers, si décevants,
Des compagnes d'Hélène un souvenir rapide,

Et leurs rires lointains, faibles jouets des vents.
Si tu veux caresser mon oreille attentive,
N'as-tu pas quelquefois, en poursuivant ton cours,
Lorsqu'elles vont s'asseoir et causer sur ta rive,
N'as-tu pas entendu mon nom dans leurs discours?
Sur les roses peut-être une abeille s'élance:

Je voudrais être abeille et mourir dans les fleurs;
Ou le petit oiseau dont le lit s'y balance!

Il chante, elle est heureuse; et j'ai connu les pleurs.
Je ne pleurais jamais sous sa voûte embaumée;
Une jeune espérance y dansait sur mes pas:
Elle venait du ciel, dont l'enfance est aimée;
Je dansais avec elle; oh! je ne pleurais pas.
Elle m'avait donné son prisme, don fragile!
J'ai regardé la vie à travers ses couleurs.
Que la vie était belle! et, dans son vol agile,
Que ma jeune espérance y répandait de fleurs!
Qu'il était beau l'ombrage où j'entendais les Muses
Me révéler tout bas leurs promesses confuses;
Où j'osais leur répondre, et, de ma faible voix
Bégayer le serment de suivre un jour leurs lois !
D'un souvenir si doux l'erreur évanouie

Laisse au fond de mon âme un long étonnement.
C'est une belle aurore, à peine épanouie,

Qui meurt dans un nuage; et je dis tristement:

Qu'a-t-on fait du bocage où rêva mon enfance? Oh! j'en parle toujours, j'y voudrais être encor! Au milieu des parfums j'y dormais sans défense, Et le soleil sur lui versait des rayons d'or.

Mme Desbordes Valmore.

Jeune fille et jeune fleur.

Il descend, le cercueil, et les roses sans taches
Qu'un père y déposa, tribut de sa douleur,
Terre, tu les portas, et maintenant tu caches
Jeune fille et jeune fleur.

Ah! ne les rends jamais à ce monde profane;
A ce monde de deuil, d'angoisse et de malheur:
Le vent brise et flétrit, le soleil brûle et fane
Jeune fille et jeune fleur.

Tu dors, pauvre Élisa, si légère d'années!
Tu ne sens plus du jour le poids et la chaleur.
Vous avez achevé vos fraîches matinées,

Jeune fille et jeune fleure.

Mais ton père, Élisa, sur la tombe s'incline;
De ton front jusqu'au sien a monté la pâleur!
Vieux chêne!... Le temps a fauché sur ta racine
Jeune fille et jeune fleur.

Vicomte de Chateaubriand.

Jeunesse.

O mes lettres d'amour, de vertu, de jeunesse,

C'est donc vous! Je m'enivre encore à votre ivresse,

Je vous lis à genoux.

Souffrez que pour un jour je reprenne votre âge! Laissez-moi me cacher, moi, l'heureux et le sage,

Pour pleurer avec vous !

J'avais donc dix-huit ans ! j'étais donc plein de songes! L'espérance en chantant me berçait de mensonges. Un astre m'avait lui!

J'étais un dieu pour toi qu'en mon coeur seul je

nomme!

J'étais donc cet enfant, hélas ! devant qui l'homme
Rougit presque aujourd'hui !

O temps de rêverie, et de force, et de grâce!
Attendre tous les soirs une robe qui passe,

Baiser un gant jeté,

Vouloir tout de la vie, amour, puissance et gloire! Être pur, être fier, être sublime, et croire

A toute pureté !

A présent j'ai senti, j'ai vu, je sais.

Qu'importe ?

Si moins d'illusions viennent ouvrir ma porte

Qui gémit en tournant.

Oh! que cet âge ardent, qui me semblait si sombre, A côté du bonheur qui m'abrite à son ombre,

Rayonne maintenant !

Que vous ai-je donc fait, ô mes jeunes années!
Pour m'avoir fui si vite et vous être éloignées,

Me croyant satisfait?

Hélas! pour revenir m'apparaître si belles,

Quand vous ne pouvez plus me prendre sur vos ailes, Que vous ai-je donc fait ?

Oh! quand ce doux passé, quand cet âge sans tache Avec sa robe blanche où notre amour s'attache,

Revient dans nos chemins,

On s'y suspend, et puis que de larmes amères
Sur les lambeaux flétris de vos jeunes chimères
Qui vous restent aux mains!

Oublions! oublions! Quand la jeunesse est morte,
Laissons-nous emporter par le vent qui l'emporte
A l'horizon obscur.

Rien ne reste de nous; notre oeuvre est un problême. L'homme, fantôme errant, passe sans laisser même Son ombre sur le mur.

Victor Hugo.

Souvenir d'enfance.

O champs de Bienassis! maison, jardin, prairies,
Treilles qui fléchissaient sous leurs grappes mûries,
Ormes qui sur le seuil étendaient leurs rameaux,
Et d'où sortait le soir le choeur des passereaux;
Vergers où de l'été la teinte monotone
Pâlissait jour à jour aux rayons de l'automne,
Où la feuille en tombant sous les pleurs du matin
Dérobait à nos pieds le sentier incertain;

Pas égarés au loin dans de frais paysages,
Heures tièdes du jour coulant sous des ombrages,
Sommeils rafraîchissants goûtés au bord des eaux,

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