Dans le coeur de l'enfant point de lave de flamme, Point de serpent caché qui jette son venin ;
Tout est candeur: mon Dieu! vous faites sa jeune
Comme un calice d'or plein d'un parfum divin.
Mais l'enfant devient homme, et le vice s'éveille; L'ange gardien s'endort, ou bien remonte au ciel ; Sur le calice d'or rarement l'homme veille; Il le laisse remplir de limon et de fiel.
Puis il vieillit et voit ses passions éteintes ; Il se fait pur; sa main se lève pour bénir. L'enfant et le vieillard, ce sont deux choses saintes : L'un vient de fermer l'aile, et l'autre va l'ouvrir.
J'aime leurs cheveux blancs, j'aime leur tête blonde. De notre pauvre terre ils ne sont qu'à moitié : Ils ne touchent en rien aux passions du monde; L'un en est pur, et l'autre en est purifié.
Il est doux, dans les jours de doute et de souffrance, Où l'on n'a foi qu'au vice, où l'on pleure abattu, D'avoir un bel enfant pour croire à l'innocence, Un père en cheveux blancs pour croire à la vertu.
La fête de ma mère.
S'il est sur cette terre Un éclair de bonheur, Un rayon salutaire
Qui caresse le coeur,
Une lueur amie
Dans l'ombre de nos jours,
Des flots de poésie
Qui murmurent toujours;
S'il est des églantines
Qui ne se fanent pas,
Des roses sans épines Aux buissons d'ici-bas; Dans notre coupe amère S'il est un peu de miel; Si l'eau qui désaltère Pour nous tombe du ciel; Je crois que les prières Qui nous valent ces biens Sont celles de nos mères, Ces bons anges gardiens!... Je crois que leur voix sainte Monte au plus haut des cieux, Comme une chaste plainte, Comme un encens pieux.
Si notre frêle enfance
Ignore les douleurs, Si la douce espérance La couvre de ses fleurs, Ce sont toujours nos mères Qui font nos fronts sereins, Nos larmes éphémères, Nos heures sans chagrins.
Ah! que notre tendresse S'accroisse chaque jour! Chérissons-les sans cesse, Entourons-les d'amour!
Puis, lorsque de leur fête Vient le mois adoré,
Si notre âme est poète, Prenons le luth doré,
Et disons-leur: Ma mère, Le bonheur sur ton sein N'est point la fleur légère Qui meurt dès le matin; C'est la divine flamme,
Le soleil bienfaisant
Qu'au coeur vrai de la femme
A mis le Tout-Puissant!
Sur ce triste rivage
Tout est faux, rien n'est pur; Toujours quelque nuage Du ciel corrompt l'azur ; Sur nos pas tout s'efface, Comme un vain bruit d'écho, Comme le flot qui passe, Remplacé par le flot!
Un gracieux sourire
Cache un piége trompeur, La candeur qu'on admire Une âme sans pudeur;
Qui tout haut nous caresse,
Veut nous trahir tout bas; O mère! ta tendresse
Seule ne trompe pas...
Sur elle je m'appuie Comme un lis attristé
Qui, demandant la pluie Durant un jour d'été, S'appuie au tronc du chêne Dont le feuillage ami
Le dérobe à l'haleine
Des vents chauds du midi...
Ah! lorsque la tempête
Du séjour éthéré
Grondera sur ma tête,
Calme, je reviendrai,
Comme dans mon enfance,
Le front sur tes genoux, Invoquer l'espérance
Et ses rêves si doux.
Des peines de la vie
Tu me consoleras,
Tu berceras, amie,
Mon sommeil dans tes bras;
Et moi, sur ta vieillesse
Je sèmerai des fleurs,
Et des jours sans douleurs...
Bonne fille et bonne mère.
Vois-tu ce vert sentier qui fuit dans la vallée,
Et se cache à demi sous des buissons en fleurs!
Viens-y prier il mène aux pieds d'un mausolée,
Dont chaque touffe d'herbe a grandi sous mes pleurs.
O mon enfant! c'est là que repose ma mère! Ame pure, envolée au ciel avant le soir,
Et qui ne me laissa, dans cette vie amère,
Ni coeur pour m'appuyer, ni genoux pour m'asseoir. Mais à l'heure suprême où sa bouche glacée, Pour me bénir encor, avait peine à s'ouvrir; Où dans sa froide main tenant ma main pressée, Elle écoutait si Dieu lui disait de mourir.
Elle posa mon front sur sa faible poitrine, Le caressa longtemps, et dit avec ferveur: „Je quitte sans effroi cette pauvre orpheline; Car je vous la confie, ô mère du Sauveur!"
Puis, me parlant bien bas: „Blanche et frêle colombe, „Tu ne vivras donc plus du pain de mon amour? Mais l'âme s'affranchit du néant de la tombe, „Et mon âme sur toi veillera chaque jour."
Et son âme, ô ma fille! a tenu sa promesse ! Astre chéri! du haut des parvis éternels Ses rayons ont glissé sur ma pâle jeunesse Aussi doux que jadis ses baisers maternels. Comme un phare, allumé dans une nuit obscure, Son flambeau protecteur m'éclairait en tous lieux;
« PreviousContinue » |