De jamais voir, Seigneur! l'été sans fleurs vermeilles, La cage sans oiseaux, la ruche sans abeilles, La maison sans enfans! Victor Hugo. Enfants, je songe à vous! A quoi je songe? - Hélas! loin du toit où vous êtes, Enfants, je songe à vous! à vous, mes jeunes têtes, Espoir de mon été déjà penchant et mûr, Rameaux dont, tous les ans, l'ombre croît sur mon mur, Douces âmes peine au jour épanouies, Des rayons de votre aube encor tout éblouies! Je songe aux deux petits qui pleurent en riant, Seul et triste au milieu des chants des matelots, Qui viennent de la terre ou qui viennent des eaux, Ainsi je songe! à vous, enfants, maison, famille, A la table qui rit, au foyer qui pétille, A tous les soins pieux que répandent sur vous Et tandis qu'à mes pieds s'étend, couvert de voiles, Tandis que les nochers laissent errer leurs yeux Moi, rêvant à vous seuls, je contemple et je sonde Victor Hugo. La prière pour tous. (Fragments.) Ma fille! va prier. Vois, la nuit est venue. La brume des coteaux fait trembler le contour; Le crépuscule, ouvrant la nuit, qui les recèle, La nuit de l'eau dans l'ombre argente la surface; Le jour est pour le mal, la fatigue et la haine. Le vieux pâtre, le vent aux brèches de la tour, C'est l'heure où les enfans parlent avec les anges. Tandis que nous courons à nos plaisirs étranges, Tous les petits enfans, les yeux levés au ciel, Mains jointes et pieds nus, à genoux sur la pierre, Disant à la même heure une même prière, Demandent pour nous grâce au père universel! Et puis ils dormiront. Alors, épars dans l'ombre, Les rêves d'or, essaim tumultueux, sans nombre, O sommeil du berceau! prière de l'enfance! Prélude du concert de la nuit solonnelle ! Va donc prier pour moi! Dis pour toute prière: -Seigneur! Seigneur! mon Dieu, vous êtes notre père, Grâce, vous êtes bon! grâce, vous êtes grand! Laisse aller ta parole où ton âme l'envoie; Ne t'inquiète pas, toute chose a sa voie, Ne t'inquiète pas du chemin, qu'elle prend! Il n'est rien ici-bas, qui ne trouve pas sa pente. Toute aile vers son but incessamment retombe: Comme une aumône, enfant, donne donc ta prière Fais en priant le tour des misères du monde ; Donne à tous! donne aux morts! Enfin donne au Seigneur! Quoi! murmure ta voix, qui peut parler et n'ose, Au Seigneur, au Très-Haut manque-t-il quelque chose? Il est le saint des saints, il est le roi des rois ! Il se fait des soleils un cortège suprême! Il fait baisser la voix à l'océan lui-même ! Il est seul! Il est tout! à jamais! à la fois! Enfant, quand tout le jour vous avez en famille, Et baisant tour à tour vos têtes inégales, Votre mère à genoux lave vos faibles pieds. Hé bien! il est quelqu'un dans ce monde où nous sommes, Qui tout le jour aussi marche parmi les hommes, Un pélerin, qui va de contrée en contrée Le soir il est bien las! il faut, pour qu'il sourie, Porte-lui ta prière! et quand, à quelque flamme, „Dors-tu? -- La grand' mère. réveille-toi, mère de notre mère ! D'ordinaire en dormant ta bouche remuait; Car ton sommeil souvent ressemble à ta prière. |