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quelques semaines chez ma grand'maman; à mon retour, ma sœur me fit part de ses entretiens avec cette domestique. Je me souviens très bien de ses paroles qui, quoique brèves, firent une telle impression sur mon cœur qu'elles ne s'en sont jamais effacées. Mes réflexions étaient alors celles d'un enfant de sept ans. Je croyais être sûre de mon salut si je me rangeais du côté des méthodistes; aussi prisje la résolution de me réunir à eux si jamais j'en trouvais l'occasion. Cependant je découvris bientôt, par la conversation de ma sœur et par la lecture de quelques livres que la servante lui avait donnés, que ce n'était pas ma réunion à telles ou telles personnes qui pouvait me procurer le salut, mais qu'il fallait me convertir, c'est-à-dire croire en JésusChrist de tout mon cœur, et que par la foi en mon rédempteur je devais être sauvée et mise en état d'aimer et de servir Dieu.

Ensuite cette bonne fille ayant quitté notre famille, ma sœur et moi nous étions comme des personnes qui cherchent à tâtons leur chemin. Et, bien que nous eussions découvert la vérité de manière à pouvoir en parler, cependant je ne la comprenais pas, et mon cœur se révoltait contre l'idée d'être sauvée par une foi que je ne pouvais pas comprendre. Un jour, en regardant des gravures dans une histoire des martyrs, je pensais qu'il me serait plus facile d'être brûlée comme eux que de croire en Jésus-Christ, et je souhaitais vivement que les ennemis de notre foi revinssent pour me brûler; car je

supposais qu'en ce cas je serais sauvée. Cependant, ces tristes pensées étaient mêlées de quelque espérance; je me disais : « Dieu m'aime, et peut-être me « donnera-t-il la foi et me convertira-t-il. »

A l'âge d'environ sept ou huit ans, je méditais un jour sur la connaissance du pardon du péché et sur la foi en Jésus-Christ. Je sentis mon cœur se révolter contre Dieu, parce qu'il avait choisi une voie de salut si difficile à comprendre, et dans l'angoisse de mon ame je me dis: «S'il s'agissait, pour être sau«vée, de souffrir le martyre, ou de donner tout ce « que je possède, ou même de me mettre en service, lorsque je serai grande, tout cela me paraîtrait « facile; mais, répétai-je, jamais je n'aurai la foi. » Dans ce moment ces vers vinrent s'appliquer à mon ame avec une puissante force :

"

<< Qui met tout son espoir en l'amour de Jésus,
• Obtient sans aucun prix et pardon et vertus. »

Ils furent accompagnés d'une lumière que je n'avais jamais sentie jusqu'alors. Comblée de joie, je m'écriai : « Je me confie maintenant en Jésus, et < pour prix de ce que ce bon Sauveur a fait et souf«fert pour moi, mon père céleste m'a pardonné « tous mes péchés, et m'a mise au rang des justes. »

J'étais surprise de n'avoir pas fait plus tôt cette découverte. Autrefois, rien ne me paraissait plus difficile que d'avoir la foi; mais maintenant la voie du salut par la foi me paraît plus facile. Un trait de lumière m'éclaira sur le plan du salut par l'Évangile,

et je commençai à adorer les merveilles de la rédemption par l'amour divin. Hélas! ce n'était que l'aurore qui précède le jour! Bientôt je perdis la consolation, mais non pas la lumière de cette bénédiction. Je puis actuellement me souvenir de beaucoup de promesses qui me revinrent dans l'esprit; j'avais toujours conservé un peu de confiance dans le Seigneur, et si j'étais effrayée en songeant au grand jour du jugement, j'en étais consolée par cette pensée que Jésus serait mon juge, et que je ne pourrais m'effrayer à la vue de mon Sauveur. Toutefois, je n'avais pas encore connu la vérité suivante :

Quel pouvoir infini faut-il pour nous soustraire « Aux attraits du plaisir et de la vanité,

<< Pour remplacer l'orgueil et le désir de plaire «Par la sainte simplicité! »>

Peu de temps après que j'eus ainsi senti, par la foi, le pouvoir du monde à venir, je tombai dans une faiblesse de nerfs extrême, qui fut accompagnée de tentations insupportables. J'étais excessivement accablée par la crainte de pécher, et je m'accusais dans toutes mes actions, dans toutes mes paroles, si bien que ma vie n'était qu'une suite d'inconséquences et de tentations qui ne se peuvent décrire. Souvent même je croyais avoir blasphémé contre le Saint-Esprit. L'effet de ces tentations, sur mon humeur, m'assujétissait à de pénibles épreuves, et m'exposait à tant de colère et de reproches de la part de mes

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parens, que leur mécontentement me dégoûtait de la vie. Il leur paraissait que j'étais entêtée et désobéissante, et je frissonnais d'horreur quand j'entendais ma mère s'écrier: « Cette fille est la créa«ture la plus perverse que j'aie jamais vue; je ne puis deviner ce qui la possède. » Je me laissais abattre par la tristesse, car je ne savais que faire, et la douleur de mon ame altérait sensiblement ma santé. Mon grand-père et ma grand'mère, qui étaient tous les deux envers moi les plus tendres parens, s'apercevant que j'étais fort malheureuse, bien qu'ils en ignorassent la cause, montrèrent le désir de m'avoir auprès d'eux. Pendant mon séjour chez ces bons parens, ma santé sembla se ranimer; mais lorsque je fus de retour, je redevins plus malade qu'auparavant.

Cette triste situation durait environ depuis neuf semaines, lorsqu'un jour découvrant l'état de mon ame à ma sœur (à qui j'avais essayé de le faire autrefois sans avoir pu réussir à m'expliquer ), la Providence permit qu'alors elle me répliquât : « Vous << n'avez pas l'intention de blasphémer, sans doute?» Ce peu de paroles fut pour moi un trait de lumière; et m'examinant scrupuleusement, je sentis que je pouvais m'écrier: «Seigneur, tu sais combien je « suis loin de vouloir blasphémer! » Alors il me souvint de quelques raisonnemens sur les tentations, et d'avoir été étonnée de ce qu'elles pouvaient être. Je croyais qu'elles étaient l'ouvrage de Satan, qui m'inspirait ces mauvaises pensées ( ainsi que cela

est représenté dans le voyage du pèlerin, où l'on voit que Chrétien est obsédé de tentations en traversant la vallée de l'ombre de la mort). Ce fut dans ce moment que je pris la résolution de ne plus l'é- · couter; mais de le repousser constamment en disant, loin de vouloir blasphémer : « Je confesserai « Jésus-Christ à jamais. » En peu de jours je fus entièrement tranquillisée. Je me suis beaucoup étendue sur ce sujet, parce qu'il m'a servi de leçon pour n'être pas trop sévère dans mes jugemens sur les actions des enfans, dont les réflexions peuvent être beaucoup plus profondes et les sentimens beaucoup plus délicats que nous ne sommes portés à l'imaginer.

J'avais alors environ dix ans, et je me souviens des fréquentes consolations que me donnait la lecture de la Parole de Dieu. Les promesses faites dans Isaïe s'adressaient particulièrement à mon ame, et je n'ouvrais jamais la Bible sans y trouver de nouveaux motifs de consolations. Un jour une personne dit en ma présence que bien des gens s'appliquaient des promesses qui ne les regardaient pas. Elle ajouta que quelques-uns s'adressaient à l'Église chrétienne, d'autres aux juifs, et les autres aux gentils : elle blâma ensuite la présomption de ceux qui les appliquaient à leur ame. Auparavant, une telle pensée ne m'était jamais entrée dans l'esprit. Je savais bien qu'au commencement les promesses avaient été faites dans des circonstances particulières; mais le Seigneur m'avait portée à croire que sa parole s'adres

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