Page images
PDF
EPUB

CHAPITRE IIL

འ་་འ་

Son établissement dans le comté d'Yorck.

LES fatigues que j'avais éprouvées en soignant mon amie, trois années de suite, avaient altéré ma santé, et les épreuves qui me survinrent de toutes parts m'affectèrent beaucoup. J'eus des symptômes d'hydropisie; mon ame était alors très abattue, et j'avais beaucoup de tiédeur. Mon chemin était semé d'épines, et je ne savais où me diriger. Je craignais de m'engager dans le commerce; et cependant je ne voyais pas comment je pourrais m'en dispenser. Ma communauté était composée de trente personnes, dont quelques-unes étaient un peu difficiles à conduire. Je vis la nécessité de prendre les rênes en main, et de remplir la place de mon amie Ryan; mais cette résolution n'était pas facile à exécuter, et je sentis à tout moment mon incapacité. Pendant qu'elle vivait, je la regardais comme une mère, et je la priais de me prescrire comme à nos compagnes ce que je devais faire, ou du moins de me diriger dans le choix de mes occupations. Elles consistaient : 1° à surveil

ler l'accomplissement des devoirs religieux de la communauté; 2° à prendre soin des besoins temporels de ses membres; 3° à instruire les enfans; 4° à converser avec chaque personne de la communauté, tête à tête, dans des temps fixés; 5° à surveiller les assemblées publiques de la société ; 6o à soigner les malades. Mais les directions concernant la cuisine, le soin d'acheter des provisions, l'inspection des ouvrages qui se font à l'aiguille, et plusieurs autres affaires du ménage m'étaient tout-à-fait étrangères. Lorsque je demeurais chez mon père, je ne m'occupais point de la direction du ménage, parce que sa maison était montée sur un pied qui ne le permettait pas; par conséquent je n'avais aucune connaissance de l'économie nécessaire aux personnes qui ont une nombreuse famille à entretenir avec peu de fortune. D'ailleurs la manière de vivre ici était entièrement différente de celle à laquelle j'avais été accoutumée dans le voisinage de Londres. Ici il fallait acheter du blé pour en faire de la farine et ensuite du pain. Il fallait soigner les vaches, diriger les domestiques, et s'occuper d'autres détails tout nouveaux pour moi. Si mon amie eût vécu, tout ceci eût été un plaisir; mais alors mes esprits étaient si abattus, que tout me paraissait un fardeau : et lorsque j'avais pourvu, aussi bien que je le pouvais, à leurs besoins, quelques personnes de ma communauté disaient que je les nourrissais mal, et que je ne savais rien diriger.

Je reçus souvent des lettres de divers lieux; les

unes renfermaient des condoléances sur ma situation, les autres quelque blâme contre moi, en ajoutant: tous les contes qui circulent à votre sujet proviennent des membres de votre propre communauté. Ah! je ne me suis pas confiée en mon Sauveur, comme je le devais: Je suis descendue en Égypte pour avoir des secours, c'est pourquoi j'ai éprouvé ces ennuis. Si j'avais mis une entière confiance en Dieu, cette parole du psalmiste s'adresserait encore à moi: Tu es mon rocher, tu es celui qui déploies ta bonté envers moi, qui est ma forteresse, ma haute retraite, món libérateur, mon bouclier; je me suis retiré vers lui, il range mon peuple sous moi.

J'ai déjà dit que nous avions trouvé une grande maison en partie meublée, ce qui nous était fort agréable, mes propres meubles n'étant pas encore arrivés. Le terrain qui entourait la maison appartenait à son propriétaire, et bien que le loyer fût cher, je vis que la Providence nous procurait cette habitation comme un asile, jusqu'à ce que nous en pussions trouver une meilleure. M. T... m'était bien utile pour arranger les affaires du dehors, et vraiment, si sa femme et lui n'avaient pas été avec moi, je ne crois pas que j'eusse pu terminer quelques difficultés qui m'étaient survenues. Un jour il vint m'annoncer qu'il y avait une ferme à très bon marché à laquelle appartenaient des terres, des fours à grain, une petite maison et des bâtimens détachés. La ferme était grande, et il lui paraissait que, si outre la ferme, nous bâtissions une maison assez spa

tieuse pour notre communauté, nous serions logés à meilleur marché qu'en louant une maison. J'avais de la répugnance à faire cette entreprise ; mais il n'y avait pas de temps à perdre, parce que plusieurs personnes cherchaient à acquérir cette propriété. J'allai à Leeds pour consulter les plus habiles de mes amis, entr'autres M. R..., homme entendu dans les affaires, lequel me dit : Vous pouvez regarder ceci comme Isaac, lorsqu'il trouva un puits pour lequel ils ne disputèrent point; il ajouta, vous pouvez dire : Le Seigneur nous a procuré une place dans cette terre (Genèse 26, 22); car eussiez-vous attendu douze années dans le pays, vous auriez pu ne pas trouver une pareille occasion. Je lui objectai que je n'entendais pas les affaires, et que cela peut-être diminuerait mes rentes, au lieu de les augmenter. Il me répliqua: T. les entend, si vous ne les entendez pas, et je n'ai nul doute que vous ne puissiez tirer de ce domaine 150 livres sterling par an, ce qui produirait un bon intérêt de votre capital.

Cela me rappela qu'on avait dit à Laytonstone : Si elle désire de faire du bien avec sa fortune, qu'elle prenne un métier. Elle parle de la pauvreté de notre Sauveur, qu'elle travaille à un métier comme il le fit. Je réfléchis beaucoup sur ce sujet, je demandai des lumières, et j'achetai cette campagne. Je dessinai le plan de la maison, et j'en fis poser les fondemens. La première preuve de la faveur de Dieu fut la conversion de quelques-uns de mes ouvriers; si bien qu'avant que la maison fût

achevée, nous avions une nombreuse assemblée de personnes pieuses. Le désir d'obtenir cette pureté de cœur dont parle le Seigneur, ranima le zèle des sociétés voisines; et je vis qu'il y avait une plus grande voie ouverte pour l'avancement du règne de Dieu que je ne l'avais trouvée ailleurs. Quelquesuns des membres de ma communauté m'aidaient aussi beaucoup dans l'œuvre de Dieu. En suivant un autre plan, je trouvai plus aisé de gouverner ma maison. Je remis à leur place les personnes qui m'avaient manqué d'égards, et j'en renvoyai quelques-unes. Je trouvai que la bâtisse n'était pas à meilleur marché que dans le midi; elle me coûta beaucoup plus d'argent que je ne m'étais proposé d'en dépenser. J'achetai aussi à un prix très élevé le bétail nécessaire pour mettre ma ferme en bon état.

Comme la plus grande partie de ma fortune consistait en fonds de terre, et en une somme dont mon père, dans ses derniers momens, était fâché de n'avoir pas laissé le capital à ma disposition, je n'avais pas de quoi faire face à toutes les dépenses et à l'achat du bien fonds, et je fus obligée d'emprunter de l'argent. J'espérais que l'intérêt de la somme empruntée, qui montait à 50 livres sterling par an, pourrait être acquitté régulièrement, en y appliquant chaque année le revenu de mes fours à grain : en effet ils me produisirent la première année 50 livres sterling, tous frais payés.

Nous étions très occupés à avancer le règne de

« PreviousContinue »