Page images
PDF
EPUB

abondance! Réfléchissant quelquefois sur ma situation dans le monde et sur l'état de mon ame, ces paroles se présentaient à mon esprit : Les débonnaires hériteront de la terre (Mat. v, 5). Gloire à toi, ô mon Dieu! tu m'as rendue humble et soumise, tu m'as donné toutes choses. Étonnée de mon bonheur, j'ai dit souvent: que puis-je craindre ? Je n'ai nul désir, la volonté du Tout-Puissant m'absorbe, mon Sauveur est mon tout à jamais.

CHAPITRE II.

Séjour de miss Bosanquet à Laytonstone.

MA servante était simple et ignorante, elle ne connaissait guère le monde, et je le connaissais bien peu moi-même; je ne savais pas prendre soin de ma santé, et de mes petits intérêts. Mais si cette pensée me venait dans l'esprit, je la réprimais aussitôt, en me disant: J'ai l'Évangile, j'ai la liberté de servir Dieu, j'ai des faveurs spirituelles; que me manque-t-il? Et vraiment je voyais mes besoins plus que je ne les sentais. Néanmoins de temps en temps je me disais : Ne gagnerais-je pas beaucoup dans la compagnie d'une amie fidèle et constante? Une amie qui pourrait m'amener à une connaissance plus profonde de Dieu? Mais je ne la cherchais pas; je me déchargeais de tous mes soucis sur mon Père céleste et je trouvais mon repos dans sa volonté.

me

Tandis que j'avais cette pensée, je reçus une lettre de mon amie Me Ryan. Elle me mandait qu'elle devait se rendre à Londres. Elle avait quitté Bristol quelque temps auparavant, parce que sa santé

ne lui permettait pas d'y rester, et elle m'informait qu'elle était établie dans son appartement.

Elle croyait que c'était pour elle un devoir de passer quelque temps auprès de moi; car, disaitelle: « Je suis une de celles avec qui vous partagez votre fortune, et le Seigneur me montre que vous avez besoin d'une amie. » Avant de lui répondre, je consultai le Seigneur; je le louai de sa bonté, de m'avoir donné une amie que je savais être du nombre de ses enfans, et à laquelle je répondis que je serais bien aise de la recevoir. Elle arriva d'abord chez sa sœur; mais tout d'un coup elle fut saisie d'une si violente maladie, que mes amies et moi nous pensâmes qu'elle en mourrait. J'allais la voir souvent, et toujours j'en retirais quelque bien pour mon ame. Sa sœur tomba aussi malade; et comme il n'y avait qu'une servante pour prendre soin d'elle et de mon amie, je crus que c'était mon devoir de la soigner nuit et jour. Mon Dieu me soutint et me mit en état de faire ce que je n'avais jamais fait auparavant. Je sentis qu'il bénissait mon œuvre, et ces vers se présentaient à mon esprit:

<< Rends-moi, Jésus, pour ma joie,
<< La servante de tes saints!

« C'est suivre ici-bas ta voie
«Que de servir les humains;

C'est un sort digne des anges
«Que de soigner tes élus,
« Et célébrer tes louanges
«En imitant leurs vertus! »

Mon amie ne dormait que fort peu, nous conver sions beaucoup, et nos cœurs étaient unis comme ceux de David et de Jonathan; je jouissais avec elle de cet esprit de charité et d'union, qui régnait dans l'Église de Jérusalem, et depuis cette époque jusqu'à sa mort, l'on n'a plus entendu entre nous ces expressions glacées le mien et le tien. Une circonstance imprévue l'ayant obligée à changer de domicile, je lui offris le mien, sachant combien le perfectionnement de la vie chrétienne dépend de nos liaisons familières. A moins que les personnes qui vivent ensemble ne prennent beaucoup de précautions, elles sont souvent en obstacle les unes aux autres, dans la voie du salut.

N'ayant qu'un cœur, qu'une ame et qu'une bourse, nous pensâmes qu'il serait plus avantageux de n'avoir qu'une même demeure. Le Seigneur avait établi entre nous cette union que la mort même ne peut dissoudre, et il l'a prolongée sur la terre en rétablissant la santé de mon amie. J'ai souvent réfléchi sur cette sentence de Salomon : Un ami fidèle est la médecine de la vie, et celui qui craint le Seigneur le trou

vera.

Toutefois quelques-unes de mes amies m'adressèrent les représentations suivantes : « Vos rentes sont peu considérables, vous avez envie de faire du bien; pourquoi ne choisiriez-vous pas une amie riche pour s'associer à votre ménage; cela étendrait votre sphère d'utilité. » Je leur répondis: je n'ai pas choisi, je suis restée tranquille; j'ai vu l'arche de Dieu et je

l'ai suivie. Si j'avais plus de richesses et moins de bénédictions que gagnerais-je? Il faut avouer que je n'ai trouvé ni honneurs, ni or, ni avantage mondain en m'associant à une sainte, malade et persécutée, mais j'ai acquis un soutien spirituel dont je rendrai toujours grâces au Seigneur. Les enthousiastes de l'amitié sont en grand nombre; plusieurs disent avec le poète Young:

<< Combien le maître d'un empire
<< Est pauvre sans un ami vrai!
« Ses trésors ne peuvent suffire
« A lui procurer ce bienfait. »

Mais ils ne songent pas aux vertus qu'exige la véritable amitié, s'ils oublient les vérités suivantes:

« Que peuvent les grandeurs, les dons de la richesse, «Sinon s'environner d'un cortége trompeur?

« L'amitié veut de la tendresse,

« Et le cœur demande le cœur.
<< La sainte charité d'un frère
<< Est la vertu des vrais amis,
« Et l'amitié croît sur la terre
<< Comme une fleur du paradis.

Nous passâmes quelque temps à Hoxton. J'avais alors vingt-trois ans, je pensais toujours aux habitans de Laytonstone. C'était le lieu de ma naissance, celui d'où je tirais mes revenus; je croyais que je devais m'occuper du bonheur éternel de ses habitans. Cependant il me semblait difficile de le faire

« PreviousContinue »