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sait à chacune des ames qui, par une vraie foi, se trouvaient disposées à la recevoir. Cependant cette conversation renversa toutes mes idées; je ne savais ce que je devais admettre ou ce que je devais rejeter, de manière que m'étant livrée à de faux raisonnemens, je perdis tout mon amour pour la lecture de l'Écriture sainte, et je tombai dans un état de refroidissement et de langueur.

A l'âge de douze ans j'allai passer trois mois à Bath avec mes parens. Pendant le séjour que j'y fis, je ne reçus aucune lumière religieuse; mais lorsqu'on me conduisait au bal, je me disais souvent: «Si je savais où trouver des méthodistes, ou quel« que personne qui m'enseignât à plaire à Dieu, je « me dépouillerais de cette belle parure, et j'ac<< courrais vers eux, fallût-il passer par le feu. » D'autres fois, je me disais encore : « Si jamais je suis << maîtresse de moi-même, je passerai une moitié « du jour à travailler pour les pauvres, et l'autre « à prier.

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A l'âge de treize ans, les idées spirituelles commencèrent à se présenter avec plus de force à mon esprit. Un jour que ma sœur visitait Mme Lefèvre, elle la trouva sensible aux bienfaits de Dieu, et travaillant sérieusement à faire son salut. Ma sœur me fit part de cette nouvelle, qui me causa bien du plaisir. Car nos parens n'ayant aucun soupçon qu'elle fût méthodiste, nous aperçûmes que le Seigneur nous avait ouvert une porte pour la liberté des communications chrétiennes, que nous désirions avec

tant d'ardeur. Nous eûmes chez elle des occasions fréquentes de converser avec des personnes religieuses. Leurs entretiens nous affermissaient beaucoup dans le bon chemin; toutefois nous nous. disions quelquefois l'une à l'autre : « Ces métho" distes répondent pas tout-à-fait à notre attente; « car, bien que nous n'ayons que peu de temps à « passer avec eux, ils en perdent beaucoup avant de « commencer à parler de ce qui a rapport à nos << ames; les apôtres n'auraient point agi ainsi. Mais << nous ne devons pas juger de leur congrégation « d'après la manière d'être des riches; attendons que nous ayons fait connaissance avec quelques<< uns des pauvres, peut-être seront-ils de vrais mé<<thodistes plus rapprochés des premiers chrétiens. »

«

Quelquefois cette promesse du Sauveur me revenait fortement dans l'esprit : Tout ce que vous demanderez en priant, si vous croyez, vous le recevrez (Marc x1, 24). Je me dis: « Dieu m'a donc permis de lui demander toutes les grâces que je désire; << Dieu m'a permis de lui demander le pouvoir de ne jamais l'offenser. » La foi remplissait mon ame et j'étais excitée à prier avec ferveur pour obtenir la sainteté, lorsqu'un jour j'entendis une personne de mes connaissances proposer plusieurs objections contre l'opinion qu'une ame peut être exempte de tout péché. Cette réflexion fit sur mon cœur le même effet que l'eau froide jetée sur un feu nouvellement allumé: il me parut que ma foi n'avait plus d'essor pour s'élever; et craignant de me trom

per, je priai le Seigneur de me répondre par sa parole. Alors prenant la Bible, je l'ouvris avec anxiété, et je jetai aussitôt les yeux sur ce passage: Je suis l'Éternel, le Dieu de toute chair; y aura-t-il quelque chose qui me soit difficile (Jer. xxxII, 27)?

Sur la fin de l'hiver suivant, il y eut une confirmation dans l'église de Saint-Paul, et mon père voulut que je fusse confirmée. Cette ratification du vœu de mon baptême me fit sentir combien j'avais souvent transgressé ces engagemens sacrés, que j'étais appelée à renouveler. Je lus et relus l'ordre de l'administration, et celui de la confirmation du vœu du baptême; et je demandai avec ferveur à mon Dieu le pouvoir de garder fidèlement ses commandemens. Pendant quelques mois ensuite, toutes les fois que j'approchais de la Table sacrée, j'éprouvais un vif sentiment de la présence de Dieu; et souvent il me semblait que le Seigneur Jésus-Christ lui-même me donnait de sa propre main les emblêmes sacrés de son corps et de son sang.

Mais l'année suivante mon esprit courait de temps en temps après des objets mondains, et quoique je goûtasse quelquefois les consolations du Sauveur, j'étais souvent l'esclave de ma propre volonté. Souvent je me laissais entraîner par l'orgueil ou par les autres vices de mon caractère, et il n'y avait rien dans ma vie ou dans ma conversation qui pût faire honneur à l'Évangile ; mais alors je ne voyais pas ma conduite telle qu'elle était. Tant que notre amour est faible, notre perception des choses spirituelles

est très obscure. Hélas! je croyais marcher en chrétienne; mais j'ai découvert ensuite tant de sainteté en Dieu, et tant de profondeur dans mes misères, que je suis surprise que Dieu et les hommes m'aient si patiemment supportée. Je ne m'étonne plus si, lorsque l'esprit charnel me dominait, ma mère ne m'aimait pas autant que ses autres enfans, car j'étais plus stupide et plus indolente sur tout ce que je devais apprendre, et je m'abandonnais à un esprit d'indocilité si marqué envers toute la famille, que souvent encore le souvenir m'en fait saigner le cœur.

A travers toutes ces humiliations, le Seigneur ne m'abandonnait pas. Une nuit, dont j'avais passé une partie à prier, je jetai les yeux sur un livre que Mme Lefèvre m'avait donné, et j'y lus ces vers:

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Éloignez-vous de moi, défiance, tristesse!

« Je veux rester tranquille aux pieds de mon Sauveur; « En cet asile unique une sainte tendresse

<< Rendra l'obéissance et la paix à mon cœur.

« Oui, de la terre aux cieux le sang de Jésus crie : « Miséricorde à tous, amour, grâce infinie! »

Par la foi, je vis le Père des miséricordes ouvrant ses bras pour me recevoir, et j'eus la liberté de me réfugier dans le sein de cet amour infini. J'exprimai de plus en plus au Père céleste ma reconnaissance pour mes relations pieuses avec Mme Lefèvre; car je trouvai en elle une grande consolation et un grand secours pour la vie spirituelle.

A cette époque j'eus le malheur de perdre mon

grand-père et ma grand'mère, qui nous étaient bien chers. Mon grand-père était un vrai chrétien. Aussi, dans sa dernière maladie, il se plaisait beaucoup à répéter ces paroles du Sauveur: Mes brebis entendent ma voix, je les connais et elles me suivent. Je leur donne la vie éternelle; elles ne périront jamais, et nul ne peut les ravir de ma main (Jean x, 27). Il était âgé de soixante et dix-neuf ans, et il avait passé quarante-cinq ans avec ma grand-mère dans une union qu'on peut à peine se représenter. C'était un modèle à plusieurs égards: simple dans sa mise, frugal dans ses repas, scrupuleux dans toutes ses dépenses. Quoique sa table fût servie selon le goût de plusieurs personnes, un seul mets lui suffisait. Son affection et sa charité pour les pauvres étaient peu communes. Il regardait comme un mauvais signe pour un homme, lorsqu'on pouvait dire de lui qu'il avait accumulé et laissé une grande fortune, et ajou

tait

que c'était une preuve trop claire qu'il en avait fait un mauvais usage.

Un jour, à la Bourse, une personne qui était à côté de lui dit à une autre : « Sir John, je vous féli

cite, on me dit que vous avez réalisé vos cent mille • livres sterlings. » L'autre répliqua : « J'espère les doubler avant ma mort. » Mon grand-père lui adressant la parole, lui dit : « Eh bien, sir John, vous « n'en êtes pas digne.

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Une autre fois, étant à la table d'un grand seigneur, il vit que les convives buvaient avec excès et conversaient d'une manière très peu chrétienne. Il voulut

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