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sublimes et célestes, une espérance qui ne soit pas remplie d'immortalité, ce système, dis-je, peut prendre sa place avec triomphe, dans la congregation des morts. (Prov. xx1, 16.)

On dira peut-être, je le répète, qu'elle s'est trop arrêtée à des impressions, à des songes? Je ne le crois pas; je n'ai point été à même de m'en apercevoir. J'ai remarqué, au contraire, que dans les momens même où elle se croyait conduite par l'esprit de Dieu à faire le bien, qui fut le seul et unique but de toute sa vie, elle prenait le plus grand soin de suivre le conseil de saint Jean : « Mes frères, ne croyez point à tout esprit, mais éprouvez les esprits pour savoir s'ils sont de Dieu.» Afin d'obéir à ce précepte, elle considérait et pesait chacune de ses actions, les rapportant toutes à la seule bonne pierre de touche, l'infaillible parole de Dieu.

DE

MADAME DE LA FLÉCHÈRE.

CHAPITRE PREMIER.

De son enfance et de ses premières expériences chrétiennes.

er

Je suis née le 1 de septembre, l'an de grâce 1739, à Laytanstane, dans le comté d'Essex (1). Je me rappelle que dès ma plus tendre jeunesse l'esprit de mon Dieu m'attirait déjà, et que j'ai résisté fort souvent à ces invitations miséricordieuses. Dès l'âge de quatre ans je reçus d'un petit événement une si grande conviction que le bon Dieu entend nos prières, que toutes les fois que j'étais exposée à la tentation, le souvenir de cet heureux moment me soulageait. Je ressentais d'autant plus le besoin de cette persuasion, que j'étais extrêmement craintive. Combien de peines cette disposition à m'effrayer de tout ne m'a-t-elle pas causées dans mes combats spirituels? C'est ce que Dieu seul peut

(1) En Angleterre.

entièrement connaître. Arrivée à l'âge de cinq ans, je commençais à penser à mon bonheur éternel, et je demandais toujours à ceux qui m'entouraient si telle chose était un péché? Le soir du saint jour du repos, mon père avait coutume de nous instruire en se servant du catéchisme de l'Église anglicane. Je me souviens d'avoir fait dans ces occasions plusieurs questions; car il me tardait beaucoup de savoir si jamais personne a aimé Dieu de tout son cœur, et son prochain comme soi-même; et si c'était véritablement un commandement de Dieu que nous dussions et que nous pussions accomplir. Je désirais aussi savoir si tout ce qu'on lit dans la Bible était vrai; il me semblait que, dans ce cas, j'étais dans la mauvaise voie, et que toutes les personnes de ma connaissance étaient en danger de se perdre.

En effet, il me paraissait qu'il y a beaucoup de différence entre le chrétien, tel que la parole de Dieu nous le dépeint, et ceux auxquels on donne ce nom. Quoique dans mon enfance je ne fusse pas encore bien versée dans les saintes Écritures, déjà cependant j'aimais à en méditer quelques textes qui me faisaient une forte impression, comme : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur (Deut., vi, Matth., xxII, 37). Je me disais toujours : « Je << n'aime point Dieu, je ne sais comment l'aimer, et « je suis sûre que je n'aime pas mon prochain « comme moi-même. » Les paroles suivantes de saint Paul me frappaient aussi : J'ai combattu le bon combat, j'ai achevé ma course, j'ai gardé la foi

(11 Tim., IV, 7). Il y avait une autre phrase relative au combat, qui me paraissait bien extraordinaire; c'est celle de la Liturgie que le ministre, en me baptisant, avait prononcée, m'annonçant « que je devais être le fidèle soldat et serviteur du Christ, « et que je devais combattre courageusement sous « ses bannières. » Je me disais : « Je suis sûre que « je ne combats point le bon combat, et même je « ne sais qui combattre. » Voici un autre passage qui m'est toujours resté dans l'esprit : La porte étroite et le chemin étroit mènent à la vie, et il y en a peu qui le trouvent (Matth., vII, 12). Et je pensais en même temps à ces autres paroles de notre Sauveur Parce que vous n'êtes pas du monde, mais que je vous ai pris dans le monde, c'est pour cela que le monde vous hait (Jean, xv, 19). Le chemin ne me paraissant pas étroit, et le monde ne me haïssant pas, je pensais que je n'étais pas dans la bonne route; cependant, je n'étais pas effrayée, étant sûre que, si j'étais dans l'erreur, le Seigneur me montrerait la vérité. Tantôt, dans mes incertitudes, je le priais de m'éclairer, et tantôt j'étais insouciante à cet égard; cependant je réfléchissais souvent à ces choses, et alors je rentrais dans l'embarras et dans l'inquiétude. De temps en temps je faisais des questions à quelques-unes de mes connaissances sur ce sujet si important; mais on me répondait généralement avec indifférence que ces passages des saintes Écritures pouvaient être mal saisis, et que Dieu n'exigeait pas l'obéissance dans toute la rigueur que

j'avais supposée. Cet avis s'accordait si bien avec mes dispositions mondaines, qu'en peu de temps ces saintes inspirations s'interrompirent. C'est ainsi qu'on étouffe facilement la voix de l'esprit de Dieu par de fausses interprétations.

Je vais exposer les réflexions que je faisais alors. « Si la Bible n'exige pas de nous la pratique de tout « ce qu'elle nous fait connaître des commandemens « de Dieu, assurément on peut interpréter ses me«naces avec la même indulgence que ses préceptes.» Je commençais donc à penser qu'il n'y avait point d'enfer, ou bien que ce n'était pas un lieu aussi terrible qu'on l'avait représenté. Ces pensées me donnaient de la répugnance pour la parole de Dieu, et bientôt toute ma conduite montra beaucoup de froideur et d'indifférence; mais le bon Dieu ne m'abandonna pas à la dureté de mon cœur; il m'atirait toujours par sa grâce. Je me disais de temps en temps: Peut-être la Bible exige-t-elle de nous <«< tout ce qu'elle prescrit; et, dans ce cas, je ne « suis pas chrétienne. » Il me tardait bien de savoir la vérité.

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Ma sœur, qui avait cinq ans de plus que moi, était aussi très inquiète sur l'état de son ame. Il y avait alors chez mon père une servante qui avait ouï parler de la vérité, et qui commençait à sentir le pouvoir du vrai christianisme. C'était chez des méthodistes qu'elle en avait reçu la connaissance. Cette bonne fille, s'apercevant que ma sœur s'affligeait, chercha l'occasion de lui parler. Je passais alors

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