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Ici la note suivante : « Elles tenaient hôtellerie sur les chemins publics, où elles se mêlaient d'infâmes commerces. >>

(6) Le manuscrit du Vatican ajoute : « qui lui a apporté plusieurs ta<< lents en dot, et qui lui a donné un enfant. »

(7) Il y avait au-dessous de cette monnaie d'autres encore de moindre valeur. (La Bruyère.) Aussi le grec parle-il de trois petites pièces de cuivre, dont huit font une obole. L'obole est évaluée par M. Barthélemy à trois sous de notre monnaie.

(8) Le grec dit, « le jour de Neptune, » fête qui était au milieu de l'hiver, et où peut-être on se baignait en l'honneur du dieu auquel elle était consacrée.

(9) Le manuscrit du Vatican insère ici, « une fois qu'il a commencé. » (10) Il était défendu chez les Athéniens de parler mal des morts, par une loi de Solon, leur législateur. (La Bruyère.) Il paraît en général par ces Caractères, et par d'autres autorités, que les lois de Solon n'étaient plus guère observées du temps de Théophraste. Le manuscrit du Vatican ajoute : « et ce vice, il l'appelle franchise, esprit démocrati«< que, liberté, et en fait la plus douce occupation de sa vie. »

CHAPITRE XXIX.

Du goût qu'on a pour les vicieux (1).

Le goût que l'on a pour les méchants est le désir du mal. L'homme infecté de ce vice est capable de fréquenter les gens qui ont été condamnés pour leurs crimes par tout le peuple (2), dans la vue de se rendre plus expérimenté et plus formidable par leur commerce. Si on lui cite quelques hommes distingués par leurs vertus, il dira: Ils sont vertueux comme tant d'autres; personne n'est homme de bien, tout le monde se ressemble, et ces honnêtes gens ne sont què des hypocrites. Le méchant seul, dit-il une autre fois, est vraiment libre. Si quelqu'un le consulte au sujet d'un méchant homme (3), il convient que ce que l'on en dit est vrai. Mais, ajoute-t-il, ce que l'on ne sait pas, c'est que c'est un homme d'esprit, fort attaché à ses amis, et qui donne de grandes espérances. Et il soutiendra qu'il n'a jamais vu un homme plus habile. Il est toujours disposé en faveur de l'accusé traduit devant l'assemblée du peuple, ou devant quelque tribunal particulier; il est capable de s'asseoir à côté de lui, et de dire qu'il ne faut point juger l'homme, mais le fait. Je suis, dit-il, le chien du peuple, car je garde ceux qui essuient des injustices (4). Nous finirions par ne plus trouver personne qui

voulût s'intéresser aux affaires publiques, si nous abandonnions ces hommes (5). Il aime à se déclarer patron des gens les plus méprisables (6), et à se rendre aux tribunaux pour y soutenir de mauvaises affaires (7). S'il juge un procès, il prend dans un mauvais sens tout ce que disent les parties. En général (8), l'affection pour les scélérats est sœur de la scélératesse même; et rien n'est plus vrai que le proverbe : « On recherche toujours son semblable. »

NOTES.

(1) Ce chapitre et le suivant n'ont été découverts que dans le siècle dernier. On en connaissait cependant les titres du temps de Casaubon et de la Bruyère, et j'ai conservé la traduction que ce dernier en a donnée dans son Discours sur Théophraste.

(2) Je pense qu'il faut sous-entendre, « et qui ont eu l'adresse de se soustraire à l'effet des lois. » (Voyez le chapitre XVIII du Voyage du jeune Anacharsis.)

(3) J'ai cherché à remplir par ces mots une lacune qui se trouve dans le manuscrit; il me paraît qu'il est question d'un homme auquel on veut confier quelques fonctions politiques.

(4) J'ai traduit comme si le participe grec était au passif; sans cette correction, le sens serait, «< car je surveille ceux qui veulent lui faire du « tort. » Le changement que je propose est nécessaire pour faire une transition à la phrase suivante.

(5) M. Coray a observé que ces traits ont un rapport particulier avec l'orateur Aristogiton et son protecteur Philocrate. (Voyez le plaidoyer de Démosthène contre le premier.) Mais je n'ai point pu adopter toutes les conséquences que cet éditeur en tire pour le sens de notre auteur. (6) Les simples domiciliés d'Athènes, non citoyens, avaient besoin d'un patron, parmi les citoyens, qui répondit de leur conduite. (Voyez le Voyage du jeune Anacharsis, chap. VI.)

(7) Tous les citoyens d'Athènes pouvaient être appelés à la fonction de juges par le sort; et ils devaient être souvent dans ce cas, puisque le nombre des juges des différents tribunaux s'élevait à six mille. (Voyez · Anacharsis, chap. xvi.)

(8) Cette dernière phrase me parait avoir été ajoutée par un glossateur.

CHAPITRE XXX.

Du gain sordide.

L'homme qui aime le gain sordide emploie les moyens les plus vils pour gagner ou pour épargner de l'argent (1). Il est capable d'épargner le pain dans ses repas; d'emprunter de l'ar

gent à un étranger descendu chez lui (2); de dire, en servant à table, qu'il est juste que celui qui distribue reçoive une portion double, et de se la donner sur-le-champ. S'il vend du vin, il y mêlera de l'eau, même pour son ami. Il ne va au spectacle avec ses enfants que lorsqu'il y a une représentation gratuite. S'il est membre d'une ambassade, il laisse chez lui la somme que la ville lui a assignée pour les frais du voyage, et emprunte de l'argent à ses collègues en chemin il charge son esclave d'un fardeau au-dessus de ses forces, et le nourrit moins bien que les autres arrivé au lieu de sa destination, il se fait donner sa part des présents d'hospitalité, pour la vendre. Pour se frotter d'huile au bain, il dira à son esclave, Celle que tu m'as achetée est rance; et il se servira de celle d'un autre. Si quelqu'un de sa maison trouve une petite monnaie de cuivre dans la rue, il en demandera sa part, en disant, Mercure est commun. Quand il donne son habit à blanchir, il en emprunte un autre d'un ami, et le porte jusqu'à ce qu'on le lui redemande, etc. Il distribue lui-même les provisions aux gens de sa maison avec une mesure trop petite (3), et dont le fond est bombé en dedans; encore a-t-il soin d'égaliser le dessus. Il se fait céder par ses amis, et comme si c'était pour lui, des choses qu'il revend ensuite avec profit. S'il a une dette de trente mines à payer, il manquera toujours quelques drachmes à la somme. Si ses enfants ont été indisposés et ont passé quelques jours du mois sans aller à l'école, il diminue le salaire du maître à proportion; et pendant le mois d'Anthestérion il ne les y envoie pas du tout, pour ne pas être obligé de payer un mois dont une grande partie se passe en spectacles (4). S'il retire une contribution d'un esclave (5), il en exige un dédommagement pour la perte qu'éprouve la monnaie de cuivre. Quand son chargé d'affaires lui rend ses comptes... (6). Quand il donne un repas à sa curie, il demande, sur le service commun, une portion pour ses enfants, et note les moitiés de raves qui sont restées sur la table, afin que les esclaves qui les desservent ne puissent pas les prendre. S'il voyage

avec des personnes de sa connaissance, il se sert de leurs esclaves, et loue pendant ce temps le sien, sans mettre en commun le prix qu'il en reçoit. Bien plus, si l'on arrange un pique-nique dans sa maison, il soustrait une partie du bois, des lentilles, du vinaigre, du sel, et de l'huile pour la lampe, qu'on a déposés chez lui (7). Si quelqu'un de ses amis se marie ou marie sa fille, il quitte la ville pour quelque temps, afin de pouvoir se dispenser d'envoyer un présent de noces. Il aime beaucoup aussi à emprunter aux personnes de sa connaissance des objets qu'on ne redemande point, ou qu'on ne recevrait même pas s'ils étaient rendus (8).

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NOTES.

(1) J'ai été obligé de paraphraser cette définition, qui, dans l'original, répète les mots dont le nom que Théophraste a donné à ce Caractère est composé, et qui est certainement altérée par les copistes.

Plusieurs traits de ce Caractère ont été placés, par l'abréviateur que nous a transmis les quinze premiers chapitres de cet ouvrage, à la suite du chapitre XI, où on les trouvera traduits par la Bruyère, et éclaircis par des notes qu'il serait inutile de répéter ici.

(2) Par droit d'hospitalité. (Voyez chap. IX, note 7.)

(3) J'ai traduit ici d'après la leçon du manuscrit du Vatican; mais, d'après les règles de la critique, il faut préférer celle des autres manuscrits dans le chap. XI: car ce sont les mots ou les tournures les plus vulgaires qui s'introduisent dans le texte par l'erreur des copistes.

(4) Les Anthestéries, qui avaient donné le nom à ce mois, étaient des fêtes consacrées à Bacchus.

(5) Auquel il a permis de travailler pour son propre compte, ou qu'il a loué, ainsi qu'il était d'usage à Athènes, comme on le voit entre autres par la suite même de ce chapitre.

(6) Cette phrase est défectueuse dans l'original; MM. Belin de Ballu et Coray l'ont jointe à la précédente par les mots « il en fait autant, etc. » (7) C'est ainsi que ce passage difficile a été entendu par M. Coray. D'après M. Schneider, il faudrait traduire : «< il met en compte le bois, les « raves, etc., qu'il a fournis. » (Voyez la note 7 du chap. x.)

(8) J'ai traduit cette dernière phrase d'après les corrections des deux savants éditeurs Coray et Schneider.

FIN DES CARACTÈRES DE THEOPHRASTE.

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