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tions successives. Remarquez que cela se feroit cependant sans les tirer pour ces intervalles de l'état de simples citoyens gradués, puisque cette espece de tribunal si utile et si respectable, n'ayant jamais que du bien à faire, ne seroit revêtu d'aucune puissance coactive: ainsi je ne multiplie point ici les magistratures, mais je me sers chemin faisant du passage de l'une à l'autre pour tirer parti de ceux qui les doivent remplir.

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Sur ce plan, gradué dans son exécution par une marche successive qu'on pourroit précipiter, ralentir ou même arrêter selon son bon ou mauvais succès, on n'avanceroit qu'à volonté, guidé par l'expérience, on allumeroit dans tous les états inférieurs un zele ardent pour contribuer au bien public, on parviendroit enfin à vivifier toutes les parties de la Pologne, et à les lier de maniere à ne faire plus qu'un même Corps dont la vigueur et les forces seroient au moins décuplées de ce qu'elles peuvent être aujourd'hui, et cela avec l'avantage inestimable d'avoir évité tout changement vif et brusque et le danger des révolutions.

Vous avez une belle occasion de commencer cette opération d'une maniere éclatante et noble, qui doit faire le plus grand effet. Il n'est pas possible que dans les malheurs que vient d'essuyer la Pologne, les confédérés n'ayent reçu des assistances et des marques d'attachement de quelques bourgeois et même de quelques paysans. Imitez la magnanimité des Romains, si soigneux, après les grandes calamités de leur République, de combler des témoignages de leur gratitude les étrangers, les sujets, les esclaves, et même jusqu'aux animaux, qui durant leurs disgraces leur avoient rendu quelques services signalés. O le beau début à mon gré que de donner solemnellement la noblesse à ces bourgeois et la franchise à ces paysans et cela avec toute la pompe et tout l'appareil qui peuvent rendre cette cérémonie auguste, touchante et mémora→ ble! Et ne vous en tenez pas à ce début. Ces hommes ainsi distingués doivent demeurer toujours les enfants de choix de la patrie. Il faut veiller sur eux, les protéger, les aider, les soutenir, fussent-ils même de mauvais sujets. Il faut à tout prix

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que

les faire prospérer toute leur vie, afin par cet exemple mis sous les yeux du public, la Pologne montre à l'Europe entiere ce que doit attendre d'elle dans ses succès quiconque osa l'assister dans sa détresse.

Voilà quelqu'idée grossiere, et seulement par forme d'exemple, de la maniere dont on peut procéder, pour que chacun voie devant lui la route libre pour arriver à tout, que tout tende graduellement en bien servant la patrie aux rangs les plus honorables, et que la vertu puisse ouvrir toutes les portes que la fortune se plaît à fermer.

Mais tout n'est pas fait encore, et la partie de ce projet qui me reste à exposer, est sans contredit la plus embarrassante et la plus difficile; elle offre à surmonter des obstacles contre lesquels la prudence et l'expérience des politiques les plus consommés ont toujours échoué. Cependant il me semble qu'en supposant mon projet adopté, avec le moyen très-simple que j'ai à proposer, toutes les difficultés sont levées, tous les abus sont prévenus, et ce qui sembloit faire un nouvel obstacle se tourne en avantage dans l'exécution. CHAPITRE

CHAPITRE XIV.

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Election des Rois.

OUTES ces difficultés se réduisent à celle de donner à l'Etat un chef dont le choix ne cause pas des troubles et qui n'attente pas à la liberté. Ce qui augmente la même difficulté est que ce chef doit être doué des grandes qualités nécessaires à quiconque ose gouverner des hommes libres. L'hérédité de la Couronne prévient les troubles, mais elle amene la servitude; l'élection maintient la liberté mais à chaque regne elle ébranle l'Etat. Cette alternative est fâcheuse, mais avant de parler des moyens de l'éviter, qu'on me permette un moment de réflexion sur la maniere dont les Polonois disposent ordinairement de leur Couronne.

D'abord je le demande ; pourquoi fautil qu'ils se donnent des Rois étrangers? Par quel singulier aveuglement ont-ils pris ainsi le moyen le plus sûr d'asservir leur nation d'abolir leurs usages,

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de se

rendre le jouet des autres Cours, et d'aug menter à plaisir l'orage des interregnes ? Quelle injustice envers eux-mêmes, quel affront fait à leur patrie, comme si, désespérant de trouver dans son sein un homme digne de les commander, ils étoient forcés de l'aller chercher au loin! Comment n'ont-ils pas senti, comment n'ontils pas vu que c'étoit tout le contraire? Ouvrez les annales de votre nation, vous ne la verrez jamais illustre et triomphante que sous des Rois Polonois; vous la verrez presque toujours opprimée et avilie sous les étrangers. Que l'expérience vienne enfin à l'appui de la raison; voyez quels maux vous vous faites et quels biens vous vous ôtez.

Car, je le demande encore, comment la nation Polonoise ayant tant fait que de rendre sa Couronne élective, n'a-t-elle point songé à tirer parti de cette loi pour jetter parmi les membres de l'administra tion une émulation de zele et de gloire, qui seule eût plus fait pour le bien de la patrie que toutes les autres loix ensemble ? Quel ressort puissant sur des amés grandes et ambitieuses que cette Couronne desti

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